Introduction
La présente contribution à l‟étude de la langue grecque concerne les adverbes figés, dont nous proposons une description globale, systématique et détaillée. Sa nouveauté réside dans le fait qu‟elle se fonde sur l‟examen de tous les adverbes figés présents dans les grands dictionnaires et les grammaires de la langue grecque du XXe siècle, ainsi que sur plusieurs autres milliers, d‟usage courant, mais qui ne figurent pas dans ces ouvrages. Le choix d‟un corpus d‟adverbes suffisamment complet et homogène pose des problèmes particuliers liés à la définition même de cette classe, autrement dit des problèmes dus à la constitution interne des adverbes, discutés dans la Ière partie. Le problème de la délimitation de la catégorie adverbiale s‟avère si aigu que B. Pottier (1962 : 53) signale « que l‟on a mis dans les grammaires sous la rubrique « adverbes » tous les mots dont on ne savait que faire.
La liste n‟en est jamais close, et on n‟en donne pas de définition intégrante ».
Pour le recensement des adverbes figés nous avons dû passer initialement par la constitution du corpus de tous les adverbes grecs, qu‟ils soient libres ou figés. Nous avons ensuite délimité les adverbes figés à partir de ce corpus à l‟aide des critères formels (cf. I, 2.2). Cette mise en œuvre a abouti à la construction de deux dictionnaires électroniques, à savoir celui des adverbes simples libres (ou réguliers) (cf. V, 1.5.1.3) et celui des adverbes (simples et composés) figés (cf. V, 1.5.1.4).
Les sources documentaires
Dans l‟intention d‟inventorier les adverbes appartenant à l‟usage courant de la langue grecque d‟aujourd‟hui, nous avons décidé de procéder en trois étapes. Dans un premier temps, nous avons compilé les dictionnaires édités et les grammaires d‟usage du grec moderne et dans un deuxième temps, nous avons établi de façon semi-automatique une seconde liste, en passant en revue le dictionnaire électronique des adjectifs grecs, réalisé par E. Sklavounou (1997). La constitution de la liste finale a été considérablement completée par le dépouillement de corpus disponible sur Internet.
Les sources documentaires
Dans l‟intention d‟inventorier les adverbes appartenant à l‟usage courant de la langue grecque d‟aujourd‟hui, nous avons décidé de procéder en trois étapes. Dans un premier temps, nous avons compilé les dictionnaires édités et les grammaires d‟usage du grec moderne et dans un deuxième temps, nous avons établi de façon semi-automatique une seconde liste, en passant en revue le dictionnaire électronique des adjectifs grecs, réalisé par E. Sklavounou (1997). La constitution de la liste finale a été considérablement completée par le dépouillement de corpus disponible sur Internet.
dictionnaires et grammaires d‟usage
Dans le but de recenser les adverbes grecs, nous avons eu recours en premier lieu :
a) aux dictionnaires monolingues du grec moderne :
– d‟A. Anastassiadis-Syméonidis (2002) ;
– de G. Babiniotis (1998) ;
– de l‟Institut des Études Néohelléniques (1998) ;
b) aux dictionnaires monolingues :
– d‟I. Stamatakos (1940) (grec ancien) ;
– d‟E. Kriaras (1968) (grec médiéval) ;
Les données lexicales
– de D. V. Dimitrakos (1959) (langue grecque) ;
c) aux grammaires usuelles du grec moderne :
– de C. Clairis ; G. Babiniotis (2001) ;
– de D. Holton ; P. Mackridge ; I. Philippaki-Warburton (2000) ;
– de M. Triantaphyllidis (2000) ;
– d‟A. Tzartzanos (1946) ;
d) aux grammaires du grec ancien et du grec savant :
– de M. Oikonomou (2002) ;
– d‟A. Moumtzakis (1994) ;
– d‟A. Tzartzanos (1954, 1967).
Nous avons préféré ces ouvrages à leurs homologues, parce qu‟étant les plus récents, ils bénéficient de données supplémentaires par rapport aux concurrents. Cette consultation nous a permis d‟établir notre liste de départ qui comportait environ 12 115 adverbes. Dans cette liste figurent presque uniquement des adverbes simples (cf. V, 1.5.1.1). Il s‟agit, d‟une part, des formes en (-α+-ά+-σο+-ώο)/-ment, dérivées d‟adjectifs et de participes passifs perfectifs de verbes, autrement dit les adverbes réguliers (cf. III, 1.1.1) et, d‟autre part, des formes isolées, c‟est-à-dire les adverbes « proprement dits » (cf. IV, 3.1). A titre indicatif, citons quelques adverbes issus des trois dictionnaires :
Le principal inconvénient de la consultation des dictionnaires édités est qu‟ils comportent très peu d‟adverbes composés (ou polylexicaux) (cf. V, 1.5.1.1). Nous n‟en avons recensé que 784 formes, dont la catégorie grammaticale assignée est assez souvent loin d‟être claire et opératoire, comme il est indiqué dans l‟exemple suivant :
– /dans le cas contraire, est qualifié d‟expression (noté εθθξ.)1. Même dans le cas où la catégorie adverbiale est attribuée à une séquence, la distinction entre figée et non-figée n‟y figure pratiquement jamais2:
corpus numérique
A savoir des adverbes simples réguliers (ou adverbes de manière) (cf. II, 1.1.1), des adverbes simples figés classés par la suite en GPADV (cf. IV, 1.2.1) et des adverbes composés (ou polylexicaux) figés.
Le défaut des dictionnaires et des grammaires édités peut être compensé par d‟autres sources, telles que les corpus de textes. Le corpus numérique, sur lequel nous nous sommes basée pour la constitution de notre liste d‟adverbes ainsi que pour leur description syntaxico-sémantique, comporte des textes issus du réseau Internet.
Les textes nous ont été fournis par le laboratoire CIS (dirigé par le professeur FranzGüenthner) de l‟Université de Munich. Ce laboratoire a développé un programme qui recherche les textes disponibles sur le Web et les trie par langue. Les textes grecs ainsi réunis représentaient 416 Mb. Mais ces textes, récupérés automatiquement, comportaient différentssymboles informatiques qui gênaient le système d‟analyse. Après l‟opération nécessaire de « nettoyage »
10 la taille du corpus numérique était de 280 Mb, ce qui représente environ 40 000 000 mots. Il s‟agit probablement du plus grand corpus disponible aujourd‟hui pour le grec moderne (cf. T. Kyriacopoulou 2003). Nos requêtes sur les adverbes ont été effectuées à l‟aide de l‟analyseur automatique de textes Unitex et du moteur de recherche Glossanet11.
L‟avantage de cette démarche est que nous trouvons les éléments lexicaux qui nous intéressent dans leur contexte naturel (cf. D. Goutsos 2002) ; ceci nous permet de rendre compte de leur structure morpho-syntaxique et de leur interprétation. Par ailleurs, l‟utilisation des corpus pose le problème de la couverture de la langue. Tout corpus, aussi vaste soit-il, ne peut contenir toutes les structures possibles pour un terme, il ne peut donc pas rendre compte de l‟ensemble de ses emplois ni représenter un phénomène linguistique dans toute sa complexité (M. Gross 1975).
L‟inconvénient des corpus textuels existant sur le Web est qu‟il y a une abondance de formes traditionnellement « agrammaticales ». A titre indicatif, citons l‟exemple suivant, qui met en évidence le problème d‟acceptabilité des variantes12 de la langue grecque : Selon les grammaires traditionnelles du grec moderne (M. Triantaphyllidis 2000 : 50, 75), l‟apostrophe est toujours suivie d‟un blanc13 dans le cas du phénomène d‟élision14 (exemple i). Cependant, le dépouillement du corpus numérique nous a montré que les formes sans blanc (exemple ii) sont également assez nombreuses.
D‟un point de vue strictement puriste, ces formes ne doivent pas faire l‟objet de descriptions linguistiques visant à former les règles grammaticales des langues. Dans la perspective du TALN et en particulier de l‟analyse syntaxique automatique, dans laquelle s‟inscrit notre étude, toutes ces formes ont été prises en compte afin de ne pas perdre d‟informations pertinentes pour notre tâche lexicographique et nos analyses syntaxico-sémantiques fines.Le dépouillement du corpus numérique nous a permis de recenser 5 000 séquences potentiellement adverbiales. A titre illustratif, nous en citons quelques exemples :
De même, nous avons regroupé des adverbes issus de domaines spécialisés comme, par exemple, du vocabulaire sportif :
à la première mi-temps-Ans le match-Gms (à la première mi-temps du match) Notons que les adverbes « spécialisés », qui figurent dans notre dictionnaire et nos tables, sont intégrés depuis longtemps dans le vocabulaire « standard » usuel.
En ce qui concerne, d‟une part, l‟acceptabilité des formes adverbiales, retenues dans notre corpus, ainsi que des phrases élémentaires, où ces formes apparaissent et, d‟autre part, la description syntaxico-sémantique effectuée tout au long de cette étude, nous nous sommes essentiellement appuyée sur des données lexicales attestées dans le corpus numérique et sur notre compétence de locuteur natif. Nous avons également eu recours à la compétence d‟autres locuteurs natifs du grec.
Mais le jugement d‟acceptabilité, comme le remarque A. Fotopoulou (1993a : 19), « peut être brouillé par le fait que tout locuteur ne dispose pas d‟un même répertoire d‟expressions figées ou idiomatiques et il est possible qu‟une même unité lexicale soit figée pour l‟un sans l‟être tout à fait pour l‟autre ». Ainsi, dans les situations d‟acceptabilité douteuse nous avons en général « forcé » les propriétés vers l‟acceptabilité.
Pour nous résumer, notons que l‟acceptabilité17 est, en effet, une notion très complexe qui comporte des intuitions de forme et de sens, et qui dépend de nombreux facteurs culturels (cf. M. Gross 1975). Nous ne tenterons pas d‟analyser ces facteurs, simplement nous étudierons la distribution des propriétés sur le lexique, en nous fondant sur des exemples bien tranchés et parfaitement reproductibles sur une population importante de locuteurs natifs du grec.