Typologie des objectifs des récifs artificiels
L’implantation d’un récif artificiel est motivée par un ou plusieurs objectifs, au-delà du soutien à la pêche côtière qui perdure, beaucoup de projets concernent la protection et la restauration des milieux. Il s’agit d’intervenir sur des zones sensibles ou sur des espèces remarquables. La diversité des objectifs poursuivis peut être restituée à travers une typologie constituée de 5 objectifs à savoir: la reconstitution de biocénoses marines, la production halieutique, la protection des biocénoses marines, les activités ludiques ou pédagogiques, la recherche et développement. La mise en place d’un récif artificiel dans un habitat dégradé revient à créer un nouvel écosystème. Les récifs de production sont de véritables maisons à poissons, créateurs de biodiversité et de biomasse. Ces récifs visent un accroissement des ressources en vue d’une exploitation par la pêche. L’idée, est d’immerger des habitats artificiels sur des fonds meubles naturellement pauvres pour en augmenter la productivité et la diversité biologique, en apportant des abris/habitats adaptés de type rocheux et nécessaires à la sédentarisation de nombreuses espèces de poissons. En outre, ces récifs permettent aussi la restauration d’habitats dégradés par l’homme, avec une augmentation de la biodiversité et une diversification des ressources.
En effet, les récifs de protection sont créés dans l’idée de réduire les nuisances causées par le chalutage, différents types de structures sont imaginées : Par une action mécanique, on dispose de modules, un à un pour créer des obstacles physiques aux chaluts. En effet, cela permet de réduire les nuisances liées au chalutage illégal dans la bande côtière des 3 milles nautiques, zone interdite aux chalutiers industriels. Les récifs à caractère ludique, encore en gestation est certainement amené à se développer fortement dans les années à venir sur le littoral, compte tenu de sa vocation touristique, ce qui permettrait également de délester certains sites naturels trop fréquentés.
Historique des récifs
Le concept des récifs artificiels est très ancien (XVI siècle) et a été découvert et élaboré par les pêcheurs japonais qui constataient que les prises étaient bien plus importantes au voisinage d’épaves, de navires ou de structures en bambous qu’ils immergeaient volontairement. Au Sénégal, la Fédération Sénégalaise de Pêche Sportive fût la première à mettre en place un récif artificiel, avec l’intention dès le début, d’y attirer les poissons. De vieux bateaux et des voitures ont été immergés, au large, des côtes sénégalaises. Un résultat qui permet au Sénégal d’être dans une bonne place parmi les pays pratiquant la mise en place des récifs artificiels.
Au niveau de ces récifs, de nombreux poissons y affluèrent pour la plus grande joie des pêcheurs. Mais fondamentalement cette initiative visait la pêche de loisir et ne concernait pas la pêche artisanale. Le premier projet de récifs a eu pour objectif, la promotion de la pêche artisanale : c’est celui de l’association japonaise OFCA qui a installé en 2002, un récif artificiel au large de Bargny. Ce récif complexe était composé de 6 blocs de 8 tonnes et de 130 m3 de roches empilées.
Il attira de nombreux poissons parmi lesquels le Thiof (Epinephelus aenus) poisson de grande valeur commerciale, rare ces dernières années. Le projet a acquis même une place juridique suite à la promulgation d’un arrêté préfectoral du
Département de Rufisque qui a classé l’aire maritime en zone protégée afin de permettre une multiplication des ressources. Un système de contrôle du braconnage dans l’aire marine protégée a été mis en place par les pêcheurs artisanaux de Rufisque, Bargny, Minam, et Sendou.
Le récif de Bargny semblait donc parfait, mais il présentait en réalité des faiblesses. En effet les pêcheurs n’avaient pas le sentiment que le récif était leur patrimoine. A l’origine le projet ne venait pas d’une initiative des pêcheurs. La construction et la mise en place du récif avaient été entièrement confiées à une entreprise de construction qui ne laissait aucune place à leur participation.
Par contre, les récifs de Yenne ont été créés par les pêcheurs de Yenne Dialaw avec l’appui de la JICA et de la DPM, dans le cadre du projet de cogestion et d’évaluation des ressources halieutiques inspiré par le projet expérimental de récif artificiel de Bargny en 2002.
Les membres du comité de gestion du récif de Bargny demeurant à Yenne ont porté l’expérience dans le cadre du projet pilote des récifs de Yenne.
Caractéristiques des récifs artificiels de Yenne
Les types de récifs retenus, sont les blocs de béton et de pierres gabionnées. Le choix de ces deux matériaux, réside sur le fait qu’on a utilisé ces mêmes récifs à Bargny et cela a entrainé un effet d’attraction des poissons.
Pierres gabionnées : La mise en sacs des cailloux, s’est déroulée en deux phases : la première au mois de juillet et la deuxième au mois d’août 2004. Les pierres ont été collectées par des pêcheurs et transportées par des charrettes, chaque village a entassé ses pierres dans un site, avec pour objectif, collecter 200 à 300 pierres de 15 à 20 kg par village. Au total, sur les 7 villages, 2000 pierres ont été rassemblées pour un poids avoisinant 25,5T.
A la fin des travaux, 504 gabions ont été confectionnés et remplis de cailloux, pour un poids de 50,4 tonnes.
Les gabions sont des grillages achetés par la JICA et tressés par les pêcheurs sous forme de sacs dans lesquels ils mettent des pierres.
Les blocs en béton : La fabrication a nécessité l’achat de ciment, de gravier, de fer, et de contre-plaqué. Ce sont des blocs en forme cubique qui ont été immergés en mer, les travaux ont été effectués par les pêcheurs avec l’aide d’un GIE de travaux publics à Yenne.
Les travaux ont débuté, le 24 juillet 2004 et ont duré un mois. Le type de récif choisi est constitué de cubes de 75 cm de côté, avec des poutres larges de 10 cm d’un poids total de 170kg pour permettre son transport par les pêcheurs. Au total 75 unités ont été réalisées.
Vu l’importance du nombre de récifs fabriqué et les dangers susceptibles de se produire lors de son transport, un radeau a été construit.
Le radeau mesurait 5 m sur 4m, et 18 tonneaux métalliques assuraient sa flottabilité. Un pont de planches de bois garantissait la facilité de travail et une poulie avait été montée afin de pouvoir aisément déposer les blocs en béton au fond de la mer. Pour le transport du radeau deux pirogues équipées de deux moteurs de 40 chevaux ont été utilisées pour une heure de navigation. Le radeau avait une flottabilité de 3,6 tonnes.
Impacts des récifs artificiels
L’installation des récifs de Yenne a permis, la création d’emplois lors des différentes phases du projet (collecte de pierres, confection des gabions, transport des récifs).
D’abord, plus de 600 personnes ont travaillé sur ces récifs au niveau des opérations de collecte de pierres, de fabrication de bloc de béton, etc…
Ensuite, d’une part, les récifs ont constitué une source de revenus. En effet journaliérement et par personne, la somme de 2.500FCFA était distribuée par le comité de gestion.
D’autre part, une meilleure organisation et une prise de conscience ont vu le jour. Cela s’est traduit par la naissance d’un sentiment de s’approprier des récifs. Enfin, malgré les difficultés de solidarité particulière au niveau de la pêche, les 7 villages ont travaillé en parfaite synergie. En effet, des liens d’amitié se sont tissés entre pécheurs donnant naissance à une solidarité de taille dans la préservation de leur pêcherie. Le récif a permis aux populations d’acquérir de nouvelles connaissances technologiques en matière de construction de récifs artificiels, de transport et de surveillance.
Un changement de mentalité est né au niveau de la pêche à Yenne avec comme idéologie une gestion commune de la ressource.
Sur le plan économique, Les pécheurs qui utilisent la pêche à la ligne ont vu leur revenu augmenter depuis la mise en place du récif. Les pêcheurs interrogés affirment que quand ils pêchent aux alentours du récif ils capturent beaucoup d’espèces, ce qui leur évite d’aller dans des zones lointaines. Ceci leur permet d’économiser en carburant et en effort, se traduisant par une augmentation de leur revenu. C’est le cas des pêcheurs de Yenne Tood, Nianghal tous utilisant comme engin de pêche la ligne. Actuellement dans la zone de Yenne il y a beaucoup d’espèces nobles qui auparavant avaient disparu comme « le thiof » (Epinephelus aenus).
Aujourd’hui, il est difficile de quantifier les prises faites au niveau du récif, Mais le chef du poste de contrôle estime que la majorité des débarquements proviennent du récif ou de ses alentours.
Table des matières
Introduction
PARTIE I/ Contexte de l’étude
Chapitre1/ Contexte de l’étude
Chapitre 2/ Localisation et caractère du milieu
1. Situation géographique
2. Démographie et activités économiques
3. Physionomie de la pêche
PARTIE II/ Méthodologie de l’étude
Chapitre1 aspects théoriques
1. Définitions
2. Typologie des objectifs des récifs artificiels
3. Historique des récifs artificiels
Chapitre 2 : Matériel et méthodologie de l’étude
1. Matériel de l’étude
2. Méthodes de l’étude
2.1 Recherche bibliographique
2.2. Travail de terrain.
PARTIE III/ Présentation des résultats
Chapitre1/ Diagnostic du récif artificiel de Yenne
1. Emplacement du récif artificiel
2. Délimitation de la zone du récif
3. Caractéristiques du récif artificiel
4. Coûts
5. Gestion des récifs artificiels
6. Impacts des récifs artificiels
7. Problèmes rencontrés
Chapitre2/propositions d’amélioration
1. Projet Régional des pêches en Afrique de l’Ouest PRAO
2. L’extension et la réhabilitation du récif artificiel de Yenne
Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE