Diagnostic des systèmes hybrides

Le diagnostic par Analyse Qualitative de Tendance(AQT)

La représentation et l’analyse qualitative (symbolique) de signaux à travers l’information des dérivés de premier et deuxième ordre représentent l’une de principales techniques pour le diagnostic et la supervision basées sur des données et sur l’abstraction de la dynamique continue. L’analyse qualitative de tendance des signaux est basée, en général, sur la segmentation temporelle des signaux en unités, appelées épisodes, en fonction de leur pente et de leur convexité et d’une classification de ces épisodes. [Meléndez & Colomer, 01] énumèrent les besoins des systèmes de supervision qui motivent l’utilisation des méthodes d’analyse qualitative de tendances:
L’incertitude, l’incomplétude et l’hétérogénéité (différentes échelles de temps par exemple) des données demandent un raisonnement qualitatif.
Un raisonnement temporel est nécessaire non seulement sur des informations instantanées mais aussi sur le comportement historique.
Face au volume de données présent dans les procédés complexes, il est souhaitable de posséder une représentation symbolique et adaptée au système de surveillance.
La représentation de la connaissance doit être adaptée à l’interprétation de l’opérateur humain. Relativement simple conceptuellement, l’AQT se trouve alourdie par certaines contraintes. L’observation des dérivées des signaux s’avère délicate. L’AQT implique la mise en œuvre d’un étage de filtrage de bruits et de traitement des discontinuités ou même la suppression de l’information d’ordre supérieur (dérivées). Pour le suivi et le diagnostic, le contexte temporel des tendances est fondamental. Le synchronisme ou l’alignement temporel entre le dictionnaire (signature) de tendances et les observations n’est pas facile à obtenir et des écarts faibles peuvent induire des erreurs d’interprétation et d’inférence au niveau du diagnostic.

Le diagnostic par reconnaissance de formes

Un problème de diagnostic peut se définir comme un problème de reconnaissance de formes. Il a pour but la reconnaissance d’une forme parmi différentes possibilités à partir d’observations bruitées. Il existe plusieurs approches : la reconnaissance de forme structurelle ou syntaxique qui exploite les relations entre les composants de la forme et la reconnaissance de formes de type numérique (statistique, floue, etc) qui exploite des modélisations de formes probabilistes ou floues [Denoeux, 01].
Une forme est représentée par un ensemble de paramètres ou attributs caractéristiques qui peuvent être numériques ou symboliques. Un prototype est défini par des valeurs précises de l’ensemble des paramètres caractéristiques d’une situation particulière (défaillance dans notre contexte). Une classe est définie par un ensemble possible de valeurs des attributs et est représentée par son prototype. La classification d’un objet (la reconnaissance d’une forme) parmi M classes est la décision d’affecter l’objet à une classe particulière. Les classes peuvent être définies de façon probabiliste ou encore comme des classes floues. Dans le cadre du diagnostic, le prototype 1 peut être lié au fonctionnement normal du procédé alors que les prototypes 2 et 3 peuvent représenter deux modes de défauts distincts. Le diagnostic consiste à décider de quel prototype cette forme est la plus proche en fonction d’un critère d’évaluation comme les distances euclidiennes (classes circulaires) ou les distances Malahanobis (classes elliptiques) par exemple. Dans [Dubuisson, 01], les approches probabilistes et non probabilistes (flou et crédibiliste) sont développées en détail.

Les méthodes à base de modèles

Les approches à base de modèles s’appuient sur des modèles comportementaux explicites du système soumis au diagnostic. Un grand avantage de ces approches par rapport aux approches relationnelles et de traitement de données, réside sur le fait que seule l’information du comportement normal du procédé est prise en compte par l’intermédiaire d’un modèle de référence. La précision du modèle, liée aux besoins de la surveillance et aux critères de performance du diagnostic, définit le choix de l’utilisation de modèles quantitatifs, qualitatifs ou semi-qualitatifs. Selon [Travé-Massuyès et al., 97], les méthodes de diagnostic à base de modèles présentent les avantages suivants :
La connaissance sur le système est découplée de la connaissance de diagnostic, Il s’agit de connaissance de conception plutôt que d’exploitation, Les fautes et les symptômes ne doivent pas être anticipés, Le coût de développement et de maintenance est moindre, Les modèles fournissent un support adéquat pour l’explication (structure du système explicitement représentée).
Nous trouvons souvent dans la littérature, une classification des approches de diagnostic à base de modèles selon trois branches principales:
Les approches issues de la communauté IA utilisent une connaissance profonde orientée composant (équipement) basée sur une théorie logique de raisonnement [Reiter, 87].
L’analyse fondamentale envisage l’obtention de cohérence entre les observations et le modèle à travers la suppression des hypothèses sur le comportement de quelques composants [Dague, 01]. La modélisation et le raisonnement qualitatif et la modélisation causale sont les deux tendances principales proposées par cette communauté.
Les approches issues de la communauté FDI sont fondées sur la modélisation et le contrôle des systèmes industriels, avec, contrairement aux approches IA, un modèle dynamique quantitatif généralement représenté par des équations différentielles ou à différences avec une précision définie par l’objectif du diagnostic.
Les approches issues de la communauté SED sont basées sur une représentation purement discrète du procédé [Lunze, 00] due à la nature discrète des variables de ses composants (p.ex. vanne tout ou rien). Elles peuvent être également basées sur l’abstraction des dynamiques continues par des états finis qualitatifs (discrets) pour la description qualitative de l’espace d’état continu global du sous-système ou pour son association (états qualitatifs) à des états fonctionnels d’un composant (orientation composant) [Lunze, 98], [Blanke et al., 03], [Fanni & Giua, 98 ], [Hélias et al., 04].. Le diagnostic est fondé sur la vérification des critères comme l’accessibilité d’état et la cohérence événementielle entre l’observation et le modèle. La reconnaissance de séquences d’événements pour l’identification de scénarios de défaut constitue également une autre branche.

Les méthodes qualitatives basées sur un raisonnement causal

Les systèmes de surveillance et de diagnostic basés sur des modèles quantitatifs, et d’une certaine manière les approches de classification, ont une capacité explicative quasiment inexistante, ce qui ne répond pas à l’objectif d’assistance à l’opérateur en cas de fonctionnement anormal du procédé. Ils sont conçus surtout pour la phase de détection. La communauté de l’IA propose un raisonnement qualitatif basé sur une modélisation causale qui offre un support explicatif et adductif nécessaire au diagnostic et notamment à la tâche de localisation. En effet, le diagnostic est typiquement un processus causal puisqu’il consiste à établir des hypothèses sur les composants défaillants qui sont à l’origine du dysfonctionnement observé.
Le raisonnement qualitatif et les modèles causaux permettent de surmonter les difficultés liées aux procédés complexes évoquées précédemment. Ils s’appuient sur une décomposition du procédé en un nombre de sous-modèles élémentaires. De ce fait, il est possible de focaliser le raisonnement sur des relations spécifiques pour la localisation de défauts.
Une structure causale est une description qualitative de l’effet ou de l’influence qu’ont les entités du système (p.ex. variables, défauts) les unes sur les autres. Elle peut être représentée par un graphe direct (digraphe). Quand les nœuds du graphe représentent les variables du système et les arcs symbolisent les relations normales et déterministes entre elles, le graphe causal est souvent appelé graphe d’influence [Gentil et al., 04]. Le diagnostic basé sur un graphe d’influence consiste à rechercher la variable source dont la déviation est suffisante pour expliquer toutes les déviations détectées sur d’autres variables [Travé-Massuyès et al., 97]. L’algorithme de diagnostic est, en général, une procédure de recherche avant/arrière depuis la variable incohérente (détection). La recherche arrière limite l’espace de défaut en enlevant les observations normales en amont sur le chemin causal. Ainsi chaque déviation primaire génère une hypothèse qui conduit à une recherche avant utilisant les états des variables et les fonctions attachées aux arcs. La phase de localisation consiste à chercher quel composant du système ne fonctionne pas correctement en utilisant la connaissance sur la structure du système, ses défaillances potentielles et les observations disponibles. Le résultat du diagnostic peut être un arc pointant soit sur la variable source (panne de composant) soit sur une perturbation non mesurable qui affecte directement cette variable. Un grand avantage des approches causales est que, en général, la connaissance de comportements (modèles) de défaut n’est pas nécessaire pour la localisation.

Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 Diagnostic : méthodes et modèles
1 Les approches relationnelles
2 Les méthodes de traitement de données
2.1 Le diagnostic par Analyse Qualitative de Tendance(AQT)
2.2 Analyse en Composantes Principales (ACP)
2.3 Le diagnostic par reconnaissance de formes
2.3.1 Le principe de base
2.4 Conclusions sur les méthodes de traitement de données
3 Les méthodes à base de modèles
3.1 Approches basées sur la cohérence
3.1.1 Principe de base
3.1.2 Utilisation d’un modèle de dysfonctionnement
3.2 Les approches à base de modèles quantitatifs (FDI)
3.2.1 Les méthodes basées sur l’approche mono-signal
3.2.2 L’approche multi-signaux
3.3 Les méthodes qualitatives basées sur un raisonnement causal
4 Conclusion
Chapitre2 : Caractérisation et simulation des systèmes dynamiques hybrides
1 Introduction
2 Systèmes dynamiques hybrides
2.1 Extension des modèles à dynamique continue
2.2 Extension des modèles à événements discrets
2.2.1 Les automates temporisés
2.2.2 Les réseaux de Petri temporisés, temporels et stochastiques
2.2.3 Modèles mixtes
2.2.4 Conclusion
3 Simulation des systèmes dynamiques hybrides
3.1 Introduction
3.2 Pourquoi simuler?
3.3 Validation ou vérification fonctionnelle
3.4 Architecture générale d’un simulateur dynamique hybride
3.4.1 Simulation de la partie discrète
3.4.2 Simulation de la partie continue
3.4.3 Mise en place du modèle continu global
3.5 Classification des outils de simulation
4 CONCLUSION
Chapitre 3 : La plate forme de simulation PrODHyS
1 Introduction
2 Processus de développement logiciel
3 Architecture globale de la plate-forme PrODHyS
4 La couche modélisation
4.1 Modélisation de la matière
4.2 Modélisation des appareils
4.2.1 Ports définis dans PrODHyS
4.2.2 Les appareils élémentaires
4.2.3 Les appareils composés
4.2.4 Les appareils spécifique
5 La couche simulation
5.1 Le noyau numérique
5.1.1 Structure d’un modèle en dynamique
5.1.2 Résolution
5.2 Le module hybride
5.2.1 Sémantique et règles d’évolution du modèle RdPDO
5.3 LE GESTIONNAIRE DE SIMULATION
6 Conclusion
Chapitre 4 Méthodologie pour le diagnostic
Introduction
1 Schéma et méthodologie du diagnostic
1.1 Méthode de diagnostic par raisonnement avant
1.1.1 Modélisation de la recette du système en mode dégradé
1.1.2 Notion de scénario redouté
1.1.3 Travaux au LAAS sur les scénarii redoutés
1.1.4 Diagnostic par reconnaissance de formes
1.1.5 La méthode de classification LAMDA
1.2 Méthode de diagnostic par raisonnement arrière
1.2.1 Réseau de Petri inversé
1.2.2 Accessibilité entre deux marquages : deux approches duales pour les systèmes à événements discrets
1.2.3 Extention par PrOHDyS du raisonnement arrière aux systèmes hybrides
2 Conclusion
Chapitre 5 Application à un système hydraulique
1 Description du procédé considéré
1.1 Schémas d’instrumentation
1.2 Conditions initiales
1.3 Les défaillances considérées
1.4 Les équations dynamiques
2 Processus de modélisation du procédé
2.1 Modélisation du procédé
2.2 Modélisation de la recette
2.2.1 Génération des alimentations et soutirages
2.2.2 Sécurité contre le débordement de la cuve 1
2.2.3 Loi de commande h2min < h2 < h2max
2.2.4 Éviter l’assèchement dans la cuve C2
2.3 Simulation
2.3.1 Simulation de fautes
3 La classification
3.1 L’outil SALSA
3.2 Apprentissage hors ligne
3.3 Diagnostic en ligne
3.3.1 Diagnostic des différentes fautes constituant la classe 2
3.3.2 Diagnostic des différentes fautes constituant la classe 3
4 Conclusion
Conclusion générale
Bibliographie

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