Devenir des prescriptions d’antalgiques et plus particulièrement des médicaments à risque de mésusage

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INTRODUCTION

Depuis près de 25 ans en France, la douleur est au cœur de la prise en charge médicale et chirurgicale, avec la mise en place en 1998 du premier Plan d’action triennal national de Lutte contre la Douleur, suivi de deux autres plans (1). Parallèlement, au fil des années, une majoration exponentielle, de l’ordre de 150%, des prescriptions d’antalgiques par opioïdes s’y est associée (2).
La douleur, définie comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée ou ressemblant à celle associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle »(3) peut se déclarer à la suite d’un stimulus potentiellement nocif, et sera donc qualifiée de nociceptive du latin nocere (« nuire ») et captere (« recevoir »). Elle correspond à la perception des stimuli douloureux par les récepteurs périphériques. Les réactions volontaires ou réflexes secondaires à cette douleur nociceptive permettent à l’individu de préserver son intégrité en adoptant des stratégies d’évitement du danger avec un apprentissage des situations à ne pas reproduire dans le futur. Ce système permet en outre de discerner les différents stimuli, qu’ils soient thermiques (chaleur intense, froid extrême), chimiques (irritants, venins…) ou mécaniques (pincement, piqûre, pression…) grâce à la grande diversité cellulaire des fibres nerveuses.
Par ailleurs, une douleur secondaire à une lésion ou à une maladie affectant le système nerveux somatosensoriel central ou périphérique (4) sera qualifiée de neuropathique; elle concerne 7 à 11% de la population générale (5). Cette douleur ne siège pas nécessairement à l’endroit de la lésion, son début peut être retardé et sa sévérité est sans corrélation à la lésion. La douleur neuropathique présente une sémiologie particulière qui la distingue de la douleur nociceptive. Selon la métanalyse de Finnerup et al., les douleurs neuropathiques représentent un défi thérapeutique, pouvant être mal tolérées (notamment chez le sujet âgé). De plus, les traitements topiques mieux supportés sont souvent moins utilisés et moins efficaces (moins d’un quart des patients rapportaient une amélioration ≥ 50%) (6).
De par son caractère complexe et plurifactoriel, la douleur peut nécessiter une prise en charge complexe et pluridisciplinaire.
Ainsi, dans le cadre des douleurs post opératoires, objet de ce travail, la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande une prise en charge dépendante du niveau de douleur, avec une analgésie multimodale, définie par l’utilisation de médicaments à mécanismes d’action différents conjointement à des techniques non pharmacologiques permettant de limiter les doses de médicaments antalgiques opioïdes (7). Différents traitements antalgiques à visée antinociceptive sont disponibles en France à l’heure actuelle :
 Le Paracétamol (dont la dénomination commerciale internationale (DCI) est l’Acétaminophène) est l’antalgique le plus utilisé (2), agit pendant environ quatre heures, en une vingtaine de minutes après sa prise. Souvent très bien toléré, il a pour unique contre-indication les pathologies hépatiques graves. Il est recommandé seul ou en association dans la prise en charge des douleurs post opératoires (8).
v Le Néfopam trouve son indication dans les douleurs post opératoires et constitue une alternative intéressante aux opioïdes faibles (9). A noter que ce traitement est majoritairement utilisé par voie orale, alors que son autorisation de mise sur le marché porte sur les voies d’administration intraveineuse et intramusculaire (10).
v Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) constituent une classe bien reconnue dans le traitement des douleurs péri-opératoires permettant une réduction des douleurs et une épargne d’opioïdes (11) avec finalement peu d’effets secondaires dans les populations sans anomalie de la fonction rénale (12).
v Les antalgiques opioïdes sont des traitements de première intention dans les douleurs aiguës sévères avec une échelle numérique supérieure ou égale à 6 /10 (7). On définit par “antalgiques opioïdes”, les agonistes des récepteurs du même nom ayant reçu une indication dans le traitement de la douleur (13). Nous y ferons référence par la suite par l’acronyme OPM (Opioïdes de Prescription Médicale). On distingue :
□ Les OPM dits “forts” (Annexe 1) avec en tête de file, le Sulfate de Morphine. Il s’agit du principal alcaloïde du pavot. L’Oxycodone est le deuxième traitement le plus utilisé (2) avec des effets aussi puissants que ceux du Sulfate de Morphine. Ces deux médicaments sont disponibles en forme à libération immédiate et forme à libération prolongée per os, ainsi qu’en forme injectable et transcutanée/transmuqueuse.
□ Les OPM dits “faibles” (Annexe 2), indiqués dans le traitement des douleurs d’intensité modérée à sévère, voire légère à modérée. Le plus fréquemment prescrit en France est le Tramadol (2). Il s’agit d’un agoniste des récepteurs aux opiacés avec une action inhibitrice de la sérotonine et de la noradrénaline. Il équivaut à un cinquième d’équivalent morphine oral (EMO). Le Tramadol existe également sous forme de libération prolongée et immédiate, per os ou injectable.
Concernant la prise en charge des douleurs neuropathiques, la SFETD (Société Française d’Evaluation et de Traitement de la Douleur) recommande en 2020 la Duloxétine en première intention, la Venlafaxine, le Gabapentine et les antidépresseurs tricycliques ; on notera que la Prégabaline est aujourd’hui un traitement de deuxième intention (4) (Annexe 3).
Quel que soit le traitement antalgique employé la balance bénéfice-risque est à évaluer scrupuleusement, car aucun n’est dénué de précautions d’emploi, de contre-indications (Annexe 4) ou d’effets indésirables (Annexe 5).
Parmi les effets indésirables, le risque d’addiction et de mésusage de certains de ces traitements antalgiques est important. Ainsi, plusieurs mesures ont vu le jour pour promouvoir une utilisation sécuritaire de ces traitements.
En effet la France se place comme étant un des pays d’Europe les plus stricts quant à la prescription et la délivrance des médicaments entrant dans la catégorie des stupéfiants (14), c’est-à-dire à prescription sur ordonnance sécurisée.
v La Morphine et ses dérivés sont depuis 1999 sur la liste des stupéfiants à prescription réglementée sur ordonnance sécurisée, de durée limitée à 28 jours avec une délivrance de 7 jours et renouvellement interdit (15).
v La prescription médicale a été rendue obligatoire pour la Codéine depuis 2017 (arrêté du 12 juillet par Agnès Buzyn, ministre de la santé (16)), devant le constat d’une augmentation de sa consommation et d’un détournement de son usage par certains adolescents à but récréatif (cocktails « purple drank », ou codesoda).
v Plus récemment, les conditions de prescription du Tramadol ont été restreintes par l’Agence du médicament (ANSM) devant un mésusage croissant avec des risques d’abus et de dépendance. Depuis le 15 avril 2020 (17), leur durée de prescription est limitée à 12 semaines (au lieu de 1 an auparavant).
v Depuis le 24 mai 2021(18), de nouvelles conditions de prescription et délivrance des médicaments à base de Prégabaline sont entrées en vigueur : délivrance limitée à une durée de 6 mois et prescription sur ordonnance sécurisée. En effet, de multiples enquêtes d’addictologie (OPPIDUM (19), DRAMES (20), OSIAP (21)) sur le territoire français, ont permis de constater une augmentation importante des cas d’addiction et d’abus avec ce médicament (19–21).
Outre la problématique liée aux effets indésirables, la prise en charge de la douleur représente un coût financier certain : à ce jour en Europe, entre 3 et 10% des dépenses de santé sont liées au traitement des douleurs chroniques et selon l’étude ECONEP, « le coût total moyen par patient et par an est de 6 827 euros pour une hospitalisation (en hôpital public)

Table des matières

LISTE DES ABREVIATIONS
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
INTRODUCTION
MATERIELS ET METHODES
RESULTATS
1. Caractéristiques de la population
2. Devenir des prescriptions d’antalgiques et plus particulièrement des médicaments à risque de
mésusage
2.1. Généralités
2.2. Opioïdes de prescription médicale
2.3. Prégabaline
2.4. Duloxétine
2.5. Variation des posologies médicamenteuses
3. Critère de jugement secondaires
3.1. Evaluation et caractérisation de la douleur
3.2. Evaluation du sentiment général du patient
3.3. Evolution de la prise en charge rééducative
3.4. Evolution du recours aux aides techniques
3.5. Evolution de la reprise de l’activité professionnelle
3.6. Relevé des effets indésirables des traitements antalgiques
3.7. Dépistage du risque de mésusage
3.8. Réévaluation en médecine de ville après la sortie
3.9. Consultation et ré-hospitalisation en chirurgie orthopédique
DISCUSSION
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
RESUME

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