Devenir des éléments métalliques en milieu
hydrothermal profond
Le champ hydrothermal Lucky Strike
Caractéristiques géologiques
Découvert en 1992 lors de la campagne FAZAR, le champ hydrothermal de Lucky Strike est situé à 400 km à l’ouest des Açores (37°17’N, Langmuir et al., 1993, 1997) sur la ride médioatlantique (Figure II-2). Figure II-2. Carte bathymétrique du champ hydrothermal Lucky Strike (Ondréas et al., 2009). WBF : West Boundings Faults ; EBF : East Boundings Faults. A) Emplacement du champ sur la dorsale médio-atlantique ; B) Emplacement du volcan central dans la vallée axiale (cadre noir) ; C) Coupe transversale de la vallée axiale au niveau du volcan central. 47 Le mont Lucky Strike s’étend sur près de 11 km, formant une plateforme située entre 1800 et 2000 m de profondeur (Humphris et al., 2002). Au centre de la plateforme s’élève un volcan (250-300 m de hauteur, Langmuir et al., 1997) dont le sommet est constitué de 3 cônes volcaniques surmontant une dépression centrale (Figure II-3). Le champ hydrothermal est localisé au sein de cette dépression, à une profondeur moyenne de 1690 m (Figure II-3). Chacun des trois cônes volcaniques est entrecoupé de failles bien visibles, signe d’une activité tectonique postérieure au volcanisme (Humphris et al., 2002). Figure II-3. Carte microbathymétrique du volcan central sur le champ Lucky Strike (Escartin et al., 2015). Les points noirs représentent les sites actifs répertoriés. Les contours rouges délimitent les dépôts d’origine hydrothermale détectables. Les lignes pointillées représentent les limites de la chambre magmatique souterraine (AMC). Un lac de lave fossilisé (1 km2 ) localisé au centre de la dépression semble cependant plus récent que l’activité tectonique compte tenu de l’absence de faille (Figure II-4) et du faible taux de sédimentation dans cette zone (Humphris et al., 2002). La chambre magmatique est située sous le volcan à environ 3 km de profondeur et s’étend sur 7 km le long de la vallée axiale et 3 km de large (Singh et al., 2006; Combier et al., 2007, 2015). Le substrat est 48 majoritairement constitué de roches basaltiques combiné à des dalles de conglomérats de roches sédimentaires d’origine hydrothermale à l’est et au sud du lac de lave, à des dépôts hydrothermaux massifs de 10 à 20 m de haut à l’est du lac de lave et aux escarpements des failles normales bordant le graben (jusqu’à 100 m), à l’est et à l’ouest du lac de lave (Langmuir et al., 1997; Humphris et al., 2002; Ondréas et al., 2009; Barreyre et al., 2012).
. Caractéristiques des fluides hydrothermaux
L’activité hydrothermale est concentrée autour du lac de lave : sa présence empêche la décharge directe des fluides et a probablement entraîné une réorganisation de leur circulation en subsurface (Fouquet et al., 1995; Humphris et al., 2002; Ondréas et al., 2009). La chimie des fluides n’est pas uniforme, les sites du sud-est et de Capelinhos (découvert en 2013) présentant des caractéristiques chimiques différentes de celle des autres sites du champ (Charlou et al., 2000). Figure II-4. Carte bathymétrique du sommet du mont Lucky Strike (Humphris et al., 2002). La zone de dépression (en bleu) entre les trois cônes volcaniques est recouverte d’un lac de lave fossilisé postérieur aux dernières fractures (lignes noires) induites par l’activité tectonique intense. Le lac de lave est ainsi caractérisé par une absence de fractures. 49 La variation de la composition chimique des fluides observée sur le champ pourrait être expliquée via l’existence potentielle de deux zones de réactions distinctes (Langmuir et al., 1997; Charlou et al., 2000). Néanmoins, des études plus récentes suggèrent plutôt que la circulation hydrothermale serait alimentée par une seule source profonde, les propriétés chimiques des fluides dépendant principalement de la nature des roches et de la perméabilité de la croûte (Barreyre et al., 2014a; b; Leleu, 2017). La séparation de phase semble également contrôler la composition chimique des fluides, la chlorinité des fluides augmentant de l’est vers l’ouest et du sud vers le nord (Langmuir et al., 1997; Charlou et al., 2000; Leleu, 2017). La température de fluide varie entre quelques degrés et plus de 300°C selon le type d’émission (Barreyre et al., 2014a) et peut atteindre jusqu’à 333°C dans le cas de fumeurs noirs focalisés (Y3 ; Langmuir et al., 1997). Le champ Lucky Strike comprend des fumeurs noirs focalisés, des fumeurs translucides mais également des fumeurs diffus. Sur la totalité du flux de chaleur fournie par l’activité hydrothermale, 75 à 90% semble provenir de fumeurs diffus, majoritaires sur ce champ hydrothermal (Barreyre et al., 2012).
L’observatoire EMSO-Açores
Depuis 2010, le champ hydrothermal Lucky Strike est équipé de l’observatoire grand-fond pluridisciplinaire « EMSO-Açores » (European Multidisciplinary Seafloor and water column Observatory). L’observatoire comprend un ensemble d’équipement permettant l’association de disciplines telles que la chimie, l’écologie et la géophysique pour le suivi à long terme de la dynamique des écosystèmes hydrothermaux de cette zone (Colaço et al., 2011). Le déploiement d’un tel équipement s’inscrit dans le projet multidisciplinaire MoMAR (Monitoring the Mid Atlantic Ridge) lancé en 1998. L’infrastructure EMSO-Açores est constituée de deux nœuds, SEAMON ouest et SEAMON est, plateformes sur lesquelles est branché l’ensemble des équipements/capteurs (Figure II-5). Le premier nœud (SEAMON ouest), déposé sur le lac de lave, est dédié aux études géophysiques et comprend un sismomètre couplé à des sondes de pression/température. Le second (SEAMON est) permet de mieux contraindre l’environnement chimique et biologique au niveau d’un assemblage de modioles de l’édifice Tour Eiffel. Il est équipé d’un colonisateur microbiologique CISICS et d’un module d’observation biologique constitué 50 d’une caméra, d’un analyseur in situ pour le dosage du Fe (CHEMINI) et d’une optode pour la mesure de l’oxygène dissous au niveau de l’assemblage. Les données enregistrées via les capteurs sont envoyées par acoustique à une bouée en surface (BOREL) qui les transmet à la côte au centre de gestion des données (Ifremer Brest) par satellite. Les données sont archivées et accessibles sur le portail de données marines (Ifremer). Figure II-5. Représentation schématique de l’observatoire EMSO-Açores (©Ifremer). SEAMON ouest SEAMON est BOREL TEMPO Ifremer
Sites de l’étude
Ce travail de recherche porte sur 8 sites actifs du champ hydrothermal Lucky Strike que sont Montségur, Aisics, Tour Eiffel, Sapin, Cypress, Y3, Capelinhos et White Castle. Les prélèvements ont été majoritairement effectués sur i) des fumeurs noirs focalisés à haute température (> 200°C), caractérisés par un fluide peu dilué en subsurface et formant un panache noir riche en sulfures polymétalliques lors de la décharge et, ii) des fumeurs de température intermédiaire (≤ 150°C) au sein desquels le fluide est mélangé en proportions variables à l’eau de mer, sous la croûte océanique superficielle (Barreyre et al., 2014a) . Un fumeur diffus, caractérisé par des émissions de fluide plus froid (< 70°C) et émanant d’une fissure a également été échantillonné. La Figure II-6 présente une carte de chaque site étudié ainsi que le type de fluide récolté. Une photo d’ensemble de chaque site est présentée dans le Tableau II-1. Le détail des cheminées/fissures échantillonnées sur chaque site est présenté dans le Chapitre IV. Deux autres sites hydrothermaux ont également été étudiés dans le chapitre IV: Tag et Snakepit.
INTRODUCTION |