Développement normal de la flore intestinale :
Lorsque la naissance se passe de façon naturelle, le profil de colonisation bactérienne intestinale du nouveau-né est assez stéréotypé. On peut le diviser en 4 phases durant la première année chez l’enfant allaité (Orrhage et al., 1999). Au-delà, le profil bactérien de la flore intestinale se rapproche de celui de l’adulte avec 10¹⁰⁻¹¹ Unités formant colonies (UFC) par gramme de contenu colique.
Phase 1
Les premières bactéries qui s’installent sont des germes anaérobies facultatifs, notamment des streptocoques, des entérobactéries et des staphylocoques. Peu de germes anaérobies stricts sont trouvés à ce stade. La flore vaginale et surtout fécale de la mère est le déterminant essentiel de la nature des germes rencontrés. L’écologie bactérienne de l’environnement immédiat du lieu de la naissance est également importante. Après 48 heures, le nombre de germes est déjà de l’ordre de 10⁴ –10⁶ UFC/ml de contenu intestinal. Cette première phase est indépendante du type d’alimentation de l’enfant, mais certains éléments, comme une antibiothérapie maternelle, peuvent l’influencer.
Phase 2
Dans les jours qui suivent, la concentration des germes anaérobies stricts (bifidobactéries et lactobacilles) augmente jusqu’à avoisiner 10⁹ UFC/ml au dixième jour. Par ailleurs, le profil bactérien se diversifie avec augmentation en nombre d’Escherichia coli, Bacteroide spp. et pour une moindre part de Clostridiae. Le groupe des staphylocoques diminue parallèlement. Cette deuxième phase est clairement influencée par l’alimentation. Dès la fin de la première semaine, mais surtout à 1 mois de vie, les enfants nourris exclusivement au sein ont un contenu intestinal nettement plus riche en bactéries anaérobies strictes notamment en bifidobactéries et, dans une moindre mesure, en lactobacilles. Ce phénomène est lié à l’existence dans le lait maternel de facteurs dits « bifidogènes ». Parmi les protéines, la lactoferrine et la caséine–kappa jouent un rôle particulier. Cette dernière est une protéine soluble hautement glycolysée dont la fraction C-terminale, et surtout les produits de protéolyse, constituent des facteurs très bifidogènes.
La haute teneur en hydrates de carbone est également importante, particulièrement par la présence de monooligosacharides, de galacto-oligosacharides, de fucose et d’autres unités glucidiques plus complexes associées au lactose présent en grande concentration. C’est l’ensemble de ces facteurs, complémentaires, qui fait la force bifidogène du lait maternel. Sa haute concentration en lactose ainsi que sa faible teneur en protéines et en phosphates sont probablement les éléments bifidogènes les plus déterminants. Ils concourent au maintien d’un pouvoir tampon faible favorable à la croissance des bifidobactéries. Grâce à leur métabolisme anaérobie strict qui entraîne la formation d’acides lactique et acétique, ces bactéries maintiennent un pH luminal acide, favorisant leur propre développement aux dépens des germes anaérobies facultatifs potentiellement pathogènes. Paradoxalement, des résultats contradictoires ont été publiés quant au pouvoir bifidogène du lait maternel. Cela est lié à des différences de méthodologies, parfois inadéquates, à l’hétérogénéité des populations étudiéeset surtout aux différences de facteurs environnementaux, comme le mode de naissance (voie basse ou césarienne) ou l’hygiène locale.
Phase 3
La troisième phase démarre avec le début de la diversification alimentaire. Les différences entre l’enfant nourri au sein et celui nourri au lait artificiel s’estompent. Les entérobactéries augmentent en nombre de même que les streptocoques et les Clostridiae. La flore anaérobie stricte plus diversifiée augmente également durant cette phase, au profit de variétés microbiennes très spécifiques du côlon (Fusobacterium, Eubacterium, etc.).
Phase 4
À la fin de la première année, la composition de la flore intestinale se rapproche de celle de l’adulte. Cette quatrième phase est marquée par la très grande augmentation de la flore anaérobie stricte dans la partie distale du côlon. Des différences peuvent persister entre enfant et adulte. Si la flore intestinale d’enfants provenant de régions éloignées montre des différences, cela tient probablement aux habitudes alimentaires et à l’hygiène. Les différences observées entre les enfants normaux et allergiques, constantes quelle que soit la région, sont en revanche plus intrigantes (Björkstén, 1999). Cela suggère que la flore anaérobie stricte, surtout composée de bifidobactéries et de lactobacilles, et majoritaire chez les enfants non allergiques, soit la mieux à même de contrôler la réponse immunitaire innée du chorion sous-muqueux, étape fondamentale de l’initiation ultérieure de l’immunité adaptative. (Langhendries et al., (2006) ) .
La flore intestinale, son rôle, les méthodes d’études :
Le nombre de cellules bactériennes associées à l’organisme humain est évalué à 10¹⁴ , recouvrant environ 400 espèces, dépassant ainsi d’environ 10 fois le nombre de cellules eucaryotes. La flore subit des variations importantes quantitatives et qualitatives tout au long du tube digestif. C’est au niveau du côlon que la population est la plus abondante, avec environ 10¹¹ bactéries/g de contenu, constitué de façon dominante de genres anaérobies stricts. Les fonctions de la flore sont multiples. Une des fonctions majeures est son rôle métabolique par la fermentation au niveau colique des substrats d’origine endogène ou exogène et non absorbés dans l’intestin grêle (Bernalier et al., 2004). Les métabolites produits à partir de la fermentation des glucides sont principalement des acides gras à chaîne courte (AGCC). Ces métabolites sont en grande partie absorbés et ont des effets physiologiques bénéfiques.
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