Développement et mise en oeuvre de LiDAR embarqués sur bouées dérivantes
Aérosols et nébulosité
Ce paragraphe présente dans un premier temps diverses sources et mécanismes de transport des aérosols pouvant être observés en région arctique, puis les caractéristiques de la nébulosité dans cette région, notamment en termes de fréquence, d’altitude et de phase.
Transport et sources des aérosols
En général la présence des aérosols en Arctique est principalement liée à leur advection des moyennes latitudes (peu de sources locales) et dépend de leur temps de résidence dans l’atmosphère. Celui-ci va être déterminé par les sources, les mécanismes de transport, de dépôt sec et de dépôt humide, dépendant en particuliers de la taille et de l’hygroscopicité de l’aérosol. Ceci concerne les aérosols troposphériques puisque ceux qui ont été injectés dans la stratosphère (par exemple après une éruption) se retrouvent dans des couches très stables grâce à l’inversion du gradient thermique (cf Annexe A). Les études s’accordent sur le fait que les principales sources de pollution en arctique sont eurasienne et nord-américaine [Xie 1999] [Sharma 2006], mais la contribution relative de ces différentes régions est toujours assez incertaine d’une année sur l’autre. Une précédente étude multi-modèles dans le cadre de l’étude HTAP (Hemispheric Transport of Air Pollution) a cependant permis d’évaluer un peu plus quantitativement les différentes contributions [Shindell 2008]. D’après la figure 1.2 provenant de cette étude, l’Europe semble être le contributeur principal en surface concernant le carbone suie ou « black carbon » (BC), les sulfates et le monoxyde de carbone (CO). En revanche dans les plus hautes couches de la troposphère les contributeurs principaux sont l’Asie du sud-est pour le BC et les sulfates. A cette même altitude cette région présente également une contribution non négligeable et équivalente à celle d’Amérique du nord concernant le CO. Ce transport sur de longues distances est concordant avec d’autres études [Stohl 2006] [Law 2014] qui indiquent également un transport préférentiel de la pollution en altitude depuis l’Amérique du nord et l’Asie. Ces études proposent divers mécanismes pour expliquer la contribution de l’Europe : soit par un transport en altitude depuis la source puis une descente en Arctique, soit depuis une altitude plus basse puis une ascension en Arctique, soit enfin depuis une altitude basse qui le reste jusqu’en Arctique. Cette dernière possibilité est notamment prépondérante en hiver à cause du front arctique. Celui-ci est en effet caractérisé par une faible température potentielle dans la basse troposphère, empêchant les aérosols produits plus au sud de migrer vers les hautes latitudes et laissant ainsi le nord de l’Eurasie la principale région contributrice à la pollution arctique hivernale [Barrie 1986] [Stone 2014]. Enfin les inversions de température fréquentes en hiver [Bradley 1992] favorisent la stagnation des polluants dans les couches proches de la surface et participent ainsi à la formation des brouillards arctiques. Inversement, ce phénomène d’inversion de température empêche les polluants à des altitudes plus élevées de pénétrer dans les couches proches de la surface [Brock 2011]. Figure 1.2 – Contribution de différentes régions à la pollution en Arctique par différentes espèces (carbone suie (BC), sulfates, CO et ozone) dans 4 régions de l’hémisphère nord. L’épaisseur des flèches reflètent l’importance relative de la contribution par rapport à la contribution totale (d’après [Shindell 2008]), en surface (flèches bleues) et à une altitude correspondant à l’isobare 250 hPa (flèches rouges).
Caractéristiques de la couverture nuageuse
La nébulosité arctique présente des caractéristiques très différentes en fonction de la période considérée. Des nuages très bas sont en général observés tout au long de l’année comme ce fut le cas lors de la campagne américaine SHEBA (Surface HEat Budget of the Arctic ocean) avec des altitudes de bases en général localisées dans le premier kilomètre et des sommets détectés jusque 9km [Intrieri 2002a]. Cette nébulosité est plus importante en été (jusque 90%) qu’en hiver (jusque 70%), bien que des différences peuvent être observées en fonction de l’environnement où sont réalisées les observations [Shupe 2011] [Mioche 2015] (cf Figure 1.3). Cette fréquence importante aboutit à une situation où deux types de conditions atmosphériques dominent : les cas de ciel clair/dégagé et les cas de nuages opaques stratiformes [Morrison 2012].Figure 1.3 – Moyennes mensuelles de la fraction nuageuse observée par plusieurs instruments aux sites d’observation de Barrow (mars 1998 – septembre 2009) et Eureka (août 2005 – septembre 2009) ainsi que lors de la campagne SHEBA (octobre 1997-octobre 1998) (d’après [Shupe 2011]). La couche limite arctique est ainsi souvent surmontée par une importante couverture nuageuse comme l’a souligné Curry [Curry 1988], celle-ci étant d’ailleurs particulièrement complexe, caractérisée par de fréquentes structures de multiples couches [Verlinde 2007] à diverses altitudes. La présence de nuages en phase mixte n’est pas négligeable, même en été [Lampert 2010b], car de l’eau liquide nuageuse a été observée à très basse température [Turner 2005] notamment localisée vers leurs sommets. L’étude de ces nuages est particulièrement importante pour améliorer les estimations du bilan radiatif en région arctique, car il a été démontré qu’une variation de leur contenu en glace a une répercussion directe sur le refroidissement de la surface consécutif à la réflexion du rayonnement solaire[Ehrlich 2009a]. Concernant leur microphysique, le diamètre des gouttes d’eau liquide est en général compris entre 5 et 15µm. La nébulosité arctique est particulièrement influencée par la présence d’aérosols, et une augmentation de leur concentration peut par exemple significativement augmenter leur épaisseur, répartition, épaisseur optique et par conséquent modifier les flux radiatifs .
Bilan radiatif
La Terre est chauffée par les rayonnements solaires principalement localisés dans la partie visible du spectre. Ce rayonnement fournit en moyenne sur toute la surface terrestre 340 W.m−2 , dont environ 30% (correspondant à l’albédo moyen de 1.2. Bilan radiatif 11 l’atmosphère et de la surface [Ramanathan 1987] [Ramanathan 1989]) est réfléchi. La fraction de ce rayonnement solaire qui n’est pas directement réfléchie est en partie absorbée par les différents constituants atmosphériques, notamment par l’ozone pour l’UV et par la vapeur d’eau et le dioxyde de carbone pour l’IR, et en partie absorbée par la surface terrestre. L’absorption de ces radiations solaires conduit à une ré-émissions dans l’infrarouge de la part de la surface ainsi que de l’atmosphère vers l’espace et vers la surface terrestre (cf Figure 1.4). Le bilan entre le rayonnement solaire incident et l’ensemble de ces émissions secondaires dans l’infrarouge s’équilibrent sur le long terme permettant à la Terre d’être globalement en équilibre thermique. Néanmoins les estimations montrent que la Terre émet dans l’infrarouge environ 390 W.m−2 , mais que le rayonnement infrarouge rejeté dans l’espace est d’environ 235 W.m−2 . En assimilant la Terre au corps noir on obtient, d’après la loi de Stefan Boltzmann, une différence positive d’environ 30 oC qui permet à la surface de la Terre d’être à une température moyenne d’une quinzaine de degrés. Cette élévation de température est due à un forçage radiatif positif qui est connu sous le terme effet de serre. Ce phénomène est principalement d’origine naturelle puisqu’une importante fraction du rayonnement infrarouge émis par la surface est absorbée par la vapeur d’eau [Held 2000], les gaz tel que le CO2 ou le CH4 et par les nuages, dont la couverture terrestre moyenne est de 68% [Stubenrauch 2013]. L’arctique est une région qui renvoie une quantité importante du flux solaire grâce à l’albedo élevé des surfaces importantes de glace et de neige. Une disparition de ces surfaces signifierait une diminution significative de l’albedo moyen puisqu’elles seraient remplacées par l’océan. Ceci entrainerait une absorption beaucoup plus importante du flux solaire et par conséquent un réchauffement global de l’atmosphère terrestre. Ainsi le réchauffement de l’arctique observé actuellement et confirmé par les modèles depuis plusieurs décennies mène à une diminution progressive des surfaces possédant un albedo élevé et introduit donc un déséquilibre dans l’équilibre radiatif mondial.
Forçage radiatif des nuages
Les nuages ont un rôle particulièrement complexe au niveau du budget radiatif, puisqu’ils ont tendance à refroidir la surface en bloquant le rayonnement solaire visible, mais ils ont également un effet réchauffant en émettant un rayonnement infrarouge vers la surface. Lorsque l’effet réchauffant est prédominant on parle de CRF (Cloud Radiative Forcing) positif, et de CRF négatif dans le cas contraire, par rapport au cas d’une atmosphère sans nuage. La conséquence des nuages sur le bilan radiatif dépend de nombreux paramètres [Curry 1992], notamment leurs altitudes, mais en moyenne à la surface terrestre la nébulosité a plutôt un effet refroidissant [Ramanathan 2006] [Harrison 1990]. Les mesures et études ont montré que les nuages aux altitudes plus élevées avaient tendance à réchauffer la surface, contrairement aux nuages plus bas [Manabe 1967], car ils possèdent en général une faible épaisseur donc laissent passer plus facilement le rayonnement solaire visible mais émettent le rayonnement infrarouge à une température inférieure. Cette incertitude entre l’aspect réchauffant ou refroidissant ne concerne que la journée où il y a effectivement un rayonnement solaire localement. La nuit, pour les régions où la température diminue effectivement avec l’altitude dans la troposphère, les nuages présenteront un effet réchauffant.
Introduction |