Les assistants robotiques pour les procédures percutanées sous IRM
Lors d’une procédure percutanée à but diagnostique, comme une biopsie, ou thérapeutique, comme une cryothérapie, les images de la zones d’intérêt sont tout d’abord acquises de manière pré-opératoire afin de la planifier la procédure. Cette étape permet de déterminer le point d’insertion et la zone cible. La réalisation du geste à proprement parler se déroule alors en trois étapes : – le positionnement du point d’insertion, – l’orientation de l’aiguille, – l’insertion de l’aiguille. A cause du manque d’accessibilité dans le tunnel de l’imageur, la manipulation de l’aiguille est difficile pour le radiologue comme illustré Fig. 1.2. L’introduction d’une assistance robotique pour l’aide aux procédures percutanées sous guidage IRMest alors d’intérêt, afin de permettre un positionnement, une orientation et une insertion précise de l’aiguille. Les avantages attendus sont alors une simplification du geste, une réduction de la durée de la procédure et une meilleure sécurité pour le patient. Les dispositifs d’assistance pour des procédures sur la prostate, dont le cancer est une pathologie répandue, ont été parmi les premiers à se développer dans le contexte de la RI. Le dispositif MrBot illustré Fig. 1.3(a) a été le premier dispositif développé pour cette application.
Ce robot à cinq degrés de liberté (DDL) permet de contrôler la position et l’orientation de l’aiguille, ainsi que son insertion automatique à l’aide d’un actionneur supplémentaire au niveau de son effecteur [Muntener 2008]. Le problème de la compatibilité de l’actionnement est ici résolu en considérant une solution pneumatique basée sur les actionneurs PneuStep développés dans [Stoianovici 2007]. Plus tard, Fischer et al. ont proposé un dispositif à 6 DDL [Hao 2011a,Hao 2011b] illustré Fig. 1.3(b). Le positionnement de l’aiguille est assuré par un positionneur cartésien piloté par des actionneurs piézoélectriques, et l’aiguille peut également être insérée de manière automatique. Sa structure est entièrement composée de plastique afin garantir la compatibilité avec l’imageur. Plusieurs robots ont également été proposés pour des procédures percutanées sur les organes de l’abdomen. Le seul système commercial développé à cet effet est le robot Innomotion illustré Fig. 1.3(c) développé par Innomedic [Melzer 2008]. Il permet de contrôler l’orientation et la position de l’aiguille à l’aide d’actionneurs pneumatiques, l’insertion restant manuelle. Il se présente sous la forme d’un bras robotique monté sur une arche attachée à la table de l’imageur. Le système LPR [Taillant 2004,Bricault 2008] développé au TIMC de Grenoble (voir Fig. 1.3(d)) est quant à lui monté sur le patient. L’aiguille est positionnée dans le plan horizontal par un système de courroies, et elle peut être orientée et insérée automatiquement par un système dédié.
L’actionnement est entièrement pneumatique et sa structure en plastique, une nouvelle fois pour des raisons de compatibilité avec l’imageur. Ce système est directement monté sur le patient, et se distingue donc des autres robots présentés ici, qui sont solidaires de la table de l’IRM. Ce choix est motivé par la présence des mouvements respiratoires. Ces mouvements peuvent en effet être problématiques, car ils induisent un déplacement relatif entre la cible anatomique et le robot lorsque celui-ci est solidaire de la table et non du patient. Dans certains cas, ces mouvements peuvent ainsi engendrer la lacération des tissus. Monter le robot directement sur le patient constitue alors un moyen de compenser partiellement ces mouvements. Néanmoins, même dans ce cas, il a été noté que la saisie rigide de l’aiguille pouvait également mener à de telles lacérations pour un organe comme le foie [Sun 2006]. Une des approches envisagées dans la littérature pour résoudre ce problème est d’utiliser un robot monté sur le patient couplé à un système permettant de saisir ou de relâcher totalement l’aiguille [Piccin 2012]. L’aiguille n’est saisie rigidement et manipulée que lorsque le patient est en apnée de manière à supprimer le mouvement respiratoire, puis elle est relâchée pour permettre au patient de rependre sa respiration. Ce cycle de saisie/relâche est répété autant de fois que nécessaire afin de permettre d’atteindre la cible anatomique visée. Cette approche binaire peut potentiellement poser problème lorsque le déplacement de l’aiguille entre deux cycles de saisie est important, ce qui peut mener à un échec de la saisie de l’aiguille. Pour cette raison, ce problème de gestion des risques de lacération semble encore à ce jour un problème ouvert.
Les interfaces haptiques
De nombreux assistants robotiques ont été développés dans ce contexte afin de permettre de mesurer et/ou d’imposer des efforts ou des mouvements au patient. Ces assistants permettent ainsi une étude plus précise des liens entre ces actions et l’activité cérébrale qui lui est associée. On parle alors aussi d’interfaces haptiques, qui sont en interaction directe avec le patient. Deux exemples d’interfaces développées dans [Li 2009] et [Menon 2013] sont illustrés Fig. 1.5. Dans les deux cas, les actionneurs du robot sont déportés du tunnel IRM, et un mécanisme passif permet l’interaction avec le patient. On note d’ailleurs que l’utilisation d’actionneurs non-compatibles et leur isolement, ou a minima leur éloignement du tunnel IRM est souvent considéré pour ces applications [Li 2009, Li 2010,Menon 2013, Farkhatdinov 2015]. Dans [Gassert 2006a], une interface à 2 DDL a été développée pour une investigation sur le contrôle neuronal des mouvements du bras. Un actionnement par transmission hydrostatique permet dans ce cas de déporter les actionneurs traditionnels non-compatibles à l’extérieur de l’environnement IRM. Cette stratégie est également envisagée par les mêmes auteurs pour un système à 1 DDL dans [Gassert 2006b]. Dans [Hribar 2009], une extension mécanique est ajoutée à une interface haptique du commerce à 3 DDL. Le but de ce système est une nouvelle fois d’éloigner l’interface non-compatible du tunnel IRMce qui permet de généraliser son usage dans cet environnement. Dans ce contexte il est par ailleurs nécessaire de gérer une interaction entre le patient et le robot, afin de générer ou mesurer des efforts ou des mouvements.
A ce titre, la conception d’interfaces haptiques n’est pas aisée, notamment concernant la génération performante des efforts d’interaction. Plusieurs exemples de la littérature proposent pour cela la conception d’interfaces où ces efforts ne sont pas générés directement par des actionneurs rigides, mais plutôt par l’intermédiaire de composants à raideur ou à viscosité variable [Mavroidis 2000,Menon 2014]. Dans [Khanicheh 2006,Khanicheh 2007] deux dispositifs compatibles IRMpour la réhabilitation de lamain sont développés suivant cette idée. Les efforts de résistance sous l’action de la main du sujet sont alors modulés par des fluides électrorhéologiques compatibles IRM, dont la viscosité peut être modifiée en présence d’un champ électrique. D’autres dispositifs robotiques pour l’IRMf ont par ailleurs fait usage de composants à raideur variable. Dans [Menon 2014] notamment, un dispositif développé précédemment dans [Genecov 2014] est utilisé pour étudier la perception de la raideur par le cerveau humain. Dans ce dernier cas, un rapport 10 entre la raideur minimum et maximumest obtenu.
Si la technologie employée est adaptée pour obtenir des configurations très rigides, elle ne permet pas d’atteindre de faibles niveaux de raideur. Tout comme dans le contexte de la radiologie interventionnelle, la conception d’assistants robotiques pour des procédures en IRMf se heurte avant tout aux contraintes de compatibilité avec l’environnement IRM. Le déport de l’actionnement est souvent envisagé dans ce contexte. Dans ce cas cependant, on constate que les éléments déportés sont souvent encombrants et que le système de transmission limite l’amplitude du mouvement que le robot peut effectuer. Par ailleurs, l’existence d’une interaction entre le sujet et le robot amène à l’introduction de systèmes non-rigides dont les propriétés de rigidité sont modifiables afin de garantir la sécurité de cette interaction ou la performance du robot dans une tâche de génération d’efforts d’interaction. Néanmoins, la conception de systèmes à raideur variable compatibles IRMreste encore aujourd’hui un problème ouvert, notamment pour proposer des solutions à plusieurs DDL, à la fois compactes, légères et avec de grandes variations de raideur.
Vers de nouvelles solutions pour l’interaction sous IRM
Nous avons souligné dans les deux contextes applicatifs les limitations de la littérature afin de concevoir des systèmes à la fois compacts, légers, compatibles IRM et permettant de gérer l’interaction entre le robot et l’homme. Notre point de départ pour résoudre cette problématique et répondre aux limitations évoquées est de considérer l’emploi de systèmes composés de câbles. L’introduction de cette classe de systèmes dans le contexte médical ouvre en effet une nouvelle voie d’exploration afin, tout d’abord, de garantir la compatibilité IRMdu dispositif. Le robot MR-Guide développé dans [Abdelaziz 2012b] a permis de montrer qu’un robot à câbles pouvait être utilisé afin de positionner des aiguilles sous guidage IRM pour des cryoablations de tumeurs dans la prostate. L’utilisation de câbles se justifie alors notamment par la possibilité de déporter l’actionnement afin de garantir que le robot soit léger, compact et compatible IRM. La réduction de la masse du système est également bénéfique à la sûreté de l’interaction, permettant ainsi d’atteindre des dynamiques importantes avec le robot tout en réduisant les efforts d’interactions dus à l’inertie en cas de contact avec l’homme [Lens 2012]. Nous avons également souligné que l’introduction de systèmes non-rigides et à raideur variable peut permettre la conception d’interfaces haptiques performantes, notamment pour des procédures sous suivi IRMf. Nous voyons ici un intérêt supplémentaire à l’utilisation des systèmes à câbles.
En tant qu’architectures parallèles, les structures de ces robots peuvent en effet être précontraintes, i.e. les câbles peuvent être sous tension sans que le robot ne soit en mouvement. Jusqu’ici, cette propriété particulière menait leur concepteur à choisir des câbles rigides, dont le niveau de tension était suffisamment élevé afin de garantir la stabilité du robot, et donc éviter que les câbles ne se détendent sous une sollicitation extérieure [Abdelaziz 2012b]. Le niveau de tension a en effet un impact important sur la stabilité, et plus généralement sur la raideur d’un robot à câble [Behzadipour 2006]. Nous proposons d’exploiter une variation de ce niveau de tension pour concevoir des systèmes à raideur variable. Cela constitue ainsi un usage plus général que celui qui en est fait jusqu’ici pour des manipulateurs rigides. L’exploitation de cette capacité de ce que l’on désignera commes des systèmes précontraints est un élément central de notre réflexion comme nous le soulignerons dans la suite de ce manuscrit. La mise en interaction des robots avec l’humain au cours de ces dernières années, principalement en robotique médicale ou de service, constitue un véritable changement dans lamanière de concevoir et d’évaluer de tels systèmes.
L’introduction de flexibilité dans le robot est une des voies qui a été la plus explorée afin d’améliorer la sûreté de l’interaction. Plusieurs travaux de recherche se sont concentrés sur la conception d’actionneurs compliants [Van Ham2009,Vanderborght 2013], i.e. pouvant se déformer sous un effort extérieur. Au-delà de nos contextes, plusieurs travaux de la littérature sur les systèmes téléopérés ont mis en avant l’intérêt d’une adaptation de la raideur active ou passive afin d’améliorer leurs performances. Une adaptation de la raideur de l’interface maître du système téléopéré a par exemple été employée pour l’évitement d’obstacle [Kitagawa 2001,Kondo 2008,Tanimoto 2000] ou de configurations singulières du robot esclave [Watanabe 2007], ou encore pour adapter le comportement du système à une tâche à réaliser [Koizumi 2004]. L’introduction d’un élément élastique à raideur passive variable dans le robot esclave est également d’intérêt pour améliorer la stabilité du système lors d’une interaction avec un environnement rigide [Fritz 2004], ou encore pour modifier l’influence de la perception de l’environnement par l’opérateur [Christiansson 2006,Christiansson 2008]. A notre sens, la conception de systèmes à raideur variable par l’exploitation de systèmes à câbles mérite donc notre attention non seulement pour l’assistance dans l’IRM mais aussi au-delà en robotique d’interaction.
Avant-propos |