Développement d’une nouvelle indication de l’eculizumab dans le SHUa

Cycle de vie d’un médicament

Tout développement d’un médicament est soumis aux normes internationales ICH (International Conference of Harmonization). Celles-ci permettent d’atténuer les différentes exigences qu’il peut exister entre les agences réglementaires internationales et facilitent ainsi une commercialisation du médicament sur le plan international (Europe-EMEA, Japon, Usa-FDA).
Les autorités d’enregistrement imposent les conditions opératoires à mettre en œuvre et évitent ainsi la remise en question des résultats et conclusions obtenus. Depuis une trentaine d’années maintenant, les firmes standardisent leurs protocoles et mettent en place les bonnes pratiques de laboratoire, bonnes pratiques cliniques, … La mise sur le marché d’un médicament traduit le succès du développement et résulte d’une étroite collaboration entre les différents départements (recherche, finance, marketing, galénique …).
Pour chacun des secteurs du développement, les objectifs sont clairement établis au préalable et le travail doit être coordonné pour aboutir au résultat final.
Soumis à une course contre le temps et dans un souci de viabilité économique, les résultats sont étudiés en permanence et doivent être associés à des prises de décisions indispensables (décider de l’arrêt de la recherche sur une molécule si les résultats ne sont pas ceux escomptés …).
Cette décision peut survenir à tout moment, motivée par la mise à jour de problèmes pour lesquels la résolution est difficile (survenue d’un problème majeur dans la formulation de la molécule, mauvaise biodisponibilité pour un traitement prévu en VO …, métabolites toxiques dont on ne peut empêcher la formation, toxicité d’organe insoupçonnable …). Pour le développeur, il s’agit là d’une prise de risque contrôlé. Sur 10 000 molécules sélectionnées au début de la recherche, une seule parviendra à franchir toutes les étapes de ce long et coûteux processus. Pour cette molécule d’intérêt, le laboratoire devra apporter les preuves de son innocuité, son efficacité à travers toute une série de tests pour prétendre à sa commercialisation.
Une fois l’AMM obtenue, le médicament restera surveillé lors d’une phase post-commercialisation : pharmacovigilance.
Dans le cas du Soliris®, c’est la pathologie qui s’est imposée comme point de départ : ici l’Hémoglobinurie Paroxystique Nocturne. Au début de la recherche, on ne connaissait que les balbutiements des mécanismes de sa physiopathologie. L’objectif était de parvenir à corriger l’anomalie identifiée : la dérégulation du système du complément.

Recherche impliquant la personne humaine et développement clinique

La recherche impliquant la personne humaine est désignée par toute recherche organisée et pratiquée sur l’être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales.
Quand l’EC porte sur un médicament, les objectifs principaux sont d’établir ou vérifier les données PK, PD et thérapeutiques (efficacité et tolérance) du médicament ou d’une nouvelle façon d’utiliser un traitement déjà connu.
De façon plus pragmatique, l’essai clinique doit apporter des résultats à la question scientifique posée au début des travaux, sans faire courir de risque inutile à la personne volontaire pour la recherche.
La protection du patient est au cœur des objectifs de la Recherche chez l’Homme et tout est mis en œuvre pour garantir sa sécurité et assurer son dédommagement devant le risque éventuel ou avéré.

L’Hémoglobinurie Paroxystique Nocturne

Au départ, Alexion développe l’eculizumab pour traiter l’Hémoglobinurie Paroxystique Nocturne (HPN), maladie orpheline d’origine génétique, aussi appelée maladie de Marchiafava-Marcheli.
Cette maladie clonale, acquise, affecte les cellules souches hématopoïétiques, et notamment les hématies.
Elle est caractérisée par une anémie hémolytique corpusculaire. Son évolution naturelle peut conduire à la survenue fréquente de thromboses et à l’aplasie médullaire ce qui fait craindre une augmentation du risque envers certaines infections. L’HPN touche sans distinction homme et femme et peut survenir à tout âge.
D’après les données dont on dispose, la pathologie semble se révéler essentiellement chez l’adulte jeune, d’une trentaine d’années. (Moyenne d’âge au diagnostic : 34ans) Maladie rare, sa prévalence est évaluée à 1/80 000 en Europe sur l’année 2010. A l’échelle nationale, 600 cas ont été recensés sur les 40 dernières années (données 2008). Sa rareté dans la population en fait une maladie d’autant plus difficile à diagnostiquer que la symptomatologie est très fluctuante d’un patient à l’autre. On parle alors de polymorphisme clinique.

Syndrome Hémolytique et Urémique atypique

SHU typique

Le Syndrome Hémolytique Urémique (SHU) se définit par une triade associant : une anémie (Hb<12g/dL) hémolytique d’origine mécanique (LDH augmentées, effondrement de l’haptoglobine avec réticulocytose et présence de schizocytes), une thrombopénie (Plaquettes<150 G/L) ,une insuffisance rénale aigüe (augmentation de la créatinine).
On différencie deux grandes catégories de SHU. Le SHU typique (ou avec diarrhée (D+) dans la littérature anglosaxone) que l’on oppose aux SHU atypiques (ou D-).
Ces anomalies sont imputables sur le plan histologique aux lésions de micro-angiopathies thrombotiques (MAT). On y retrouve de micro-agrégats fibrino-plaquettaires au niveau des capillaires rénaux (ou extra-rénaux) sur lesquels les hématies se fragmentent. On retrouve une turgescence voire un décollement des cellules endothéliales glomérulaires ou artériolaires. Ces lésions aboutissent à une ischémie d’aval qui rend compte de l’insuffisance d’organe, l’anémie hémolytique mécanique et la thrombopénie.
La forme typique, très souvent précédée par un épisode de diarrhées, représente 95% des SHU de l’enfant. Il s’agit d’une maladie rare dans les pays industrialisés, une centaine de cas chaque année en France répertoriés par l’InVS (Institut de Veille Sanitaire). Ces SHU sont secondaires à une infection (digestive le plus souvent) avec une atteinte toxinique. Les Shigatoxines (Stx), également appelées verotoxines, sont sécrétées par une entérobactérie de type Shigella ou Escherichia coli EnteroHémorragique (EHEC).
En France, la principale source de verotoxines provient des ruminants. La contamination est oro-fécale, via les aliments carnés contaminés lors du sacrifice de l’animal ou la consommation de produits laitiers non pasteurisés.
La prise en charge médicale est principalement symptomatique (transfusions et gestion de l’IRA). Toutefois, à la lumière des anomalies de la voie alterne du complément dans les SHU atypiques, le rôle de cette activation semble être impliqué dans les modifications de la physiologie anti coagulante de l’endothélium.
Une étude clinique randomisée sur l’efficacité de l’eculizumab est en cours pour confirmer cette hypothèse. On lui attribue un pronostic globalement favorable où la guérison est observée dans 60 à 70% des cas. Le taux de décès lors de la phase aigüe reste faible, environ 2% et dans 20% des cas.
On observera des séquelles de type protéinurie ou hypertension artérielle. 5 à 10% des patients resteront au stade de l’insuffisance rénale terminale au sortir de l’épisode. La forme typique ne donne lieu à aucune rechute ou récidive sur greffon rénal.
Toute autre manifestation, d’un syndrome urémique et hémolytique, non associée à une contamination bactérienne impliquant une vérotoxine, est considérée comme atypique.

SHU atypique

Les SHUa sont beaucoup plus rares en pédiatrie. On distingue deux grandes catégories de SHUa. Dans un premier groupe, les SHUa secondaires, dus à différentes causes :
Agents infectieux (pneumocoque, grippe H1N1, VIH), Traitements des tumeurs malignes, Post-transplantation d’organes, Certains traitements (ciclosporine, anti-VEGF), Certaines maladies systémiques (lupus, SAPL), Anomalie du métabolisme des cobalamines.
Dans un second groupe, on retrouve les SHUa liés à des anomalies génétiques (ou plus rarement acquises) des protéines de la voie alterne du complément. Il s’agit de formes rares (10 à 20 nouveaux cas par an en France), familiaux (10% des cas) ou sporadiques pouvant s’exprimer à tous âges.
Ce défaut de régulation peut être secondaire à des mutations des gènes de facteurs régulateurs (CFH, facteur I, membrane cofacteur protein MCP, thrombomoduline) ou de facteurs constituant la C3 convertase (facteur B et C3), ou à des anticorps anti-CFH. L’étude d’une cohorte française (214 patients dont 89 enfants) a permis d’identifier des mutations dans les gènes impliqués dans la régulation de la voie alterne du complément dans 66% des cas.
Le SHUa est une maladie à pénétrance variable liée à la présence de facteurs de susceptibilité génétiques ou environnementaux. Chez l’adulte, on identifie la grossesse ou le post-partum comme des états pouvant déclencher un SHUa.

Table des matières

INTRODUCTION 
PARTIE 1 DEVELOPPEMENT DU MEDICAMENT
1. PRESENTATION 
2. CYCLE DE VIE D’UN MEDICAMENT 
3. DEVELOPPEMENT NON CLINIQUE
3.1. OBJECTIFS
3.2. EXPERIMENTATION IN VITRO
3.2.1. Pharmacologie in vitro
3.2.2. Toxicologie in vitro
3.2.3. Pharmacocinétique in vitro
3.2.4. Aspect matériel
3.3. EXPERIMENTATION IN VIVO
3.3.1. Toxicologie animale et évaluations de sécurité
3.3.1.1. Toxicité Aigüe par administration unique
3.3.1.2. Toxicité chronique après administrations réitérées
3.3.1.3. Génotoxicité
3.3.1.4. Reprotoxicité
3.3.2. Pharmacocinétique animale
3.3.2.1. ADME, Absorption
3.3.2.2. ADME, Distribution
3.3.2.3. ADME, Métabolisation
3.3.2.4. ADME, Elimination
4. RECHERCHE IMPLIQUANT LA PERSONNE HUMAINE ET DEVELOPPEMENT CLINIQUE 
4.1. CADRE REGLEMENTAIRE
4.2. LES ACTEURS DE LA RECHERCHE
4.2.1. Promoteur
4.2.2. Investigateur
4.2.3. Patient
4.2.4. Pharmacien
4.3. LES ESSAIS CLINIQUES
4.3.1. Phase I
4.3.2. Phase II
4.3.3. Phase III
4.3.4. Phase IV
PARTIE 2 PHYSIOLOGIE
1. HEMATOLOGIE
1.1. ÉRYTHROPOÏESE
1.2. STRUCTURE ET PROPRIETES DU GLOBULE ROUGE
1.3. SUIVI DE LA LIGNEE ROUGE
1.4. HEMOLYSE
2. IMMUNOLOGIE
2.1. SYSTEME IMMUNITAIRE
2.1.1. Bases d’immunologie
2.1.2. Antigène
2.1.3. Lymphocytes B
2.1.4. Immunoglobulines et Anticorps
2.1.4.1. Généralités
2.1.4.2. Les immunoglobines ! IgG
2.1.4.3. Les anticorps monoclonaux thérapeutiques
2.2. LE COMPLEMENT
2.2.1. Généralités
2.2.2. Activation des voies
2.2.2.1. Voie classique
2.2.2.2. Voie des Lectines
2.2.2.3. Voie alterne
2.2.3. Voies effectrices du complément
2.2.3.1. Voie d’amplification
2.2.3.2. Voie finale commune
2.2.4. Régulation d’un système autocontrôlé
PARTIE 3 HPN et SHUa
1. L’HEMOGLOBINURIE PAROXYSTIQUE NOCTURNE
1.1. GENERALITES
1.2. TABLEAU CLINIQUE
1.3. PHYSIOPATHOLOGIE
1.4. DIAGNOSTIC
1.5. TRAITEMENTS HISTORIQUES
1.5.1. Traitements de soutien
1.5.2. Allogreffe
2. SYNDROME HEMOLYTIQUE ET UREMIQUE ATYPIQUE 
2.1. SHU TYPIQUE
2.2. SHU ATYPIQUE
2.2.1. Clinique
2.3. GENETIQUE
2.3.1. Mutation du Facteur H
2.3.2. Anticorps anti-facteur H
2.3.3. Mutation du Facteur I
2.3.4. Mutation de MCP (=CD46)
2.3.5. Mutation du C3 ou facteur B
2.4. TRAITEMENTS
2.4.1. Avant l’eculizumab
2.4.1.1. Plasmathérapie
2.4.1.2. Transplantation
2.4.2. Depuis l’eculizumab
PARTIE 4 SOLIRIS® ECULIZUMAB
1. PRESENTATION 
2. DEVELOPPEMENT DANS L’HEMOGLOBINURIE PAROXYSTIQUE NOCTURNE 
2.1. PRODUCTION DE L’ECULIZUMAB
2.2. ETUDES PRECLINIQUES
2.3. PRINCIPALES CARACTERISTIQUES
2.3.1. Pharmacocinétique
2.3.2. Posologies et mode d’administration
2.3.3. Contre-indications et mises en garde
2.3.4. Effets indésirables
2.4. ETUDES CLINIQUES
3. DEVELOPPEMENT DANS LE SHUA 
3.1. GENERALITES
3.2. POSOLOGIES ET MODES D’ADMINISTRATION
3.2.1. Chez l’adulte
3.2.2. Population pédiatrique
3.2.3. Critères d’efficacité
3.2.4. Précautions d’emploi et effets indésirables
3.3. CAS APPLIQUE EN PEDIATRIE
3.3.1. Ouverture du Centre Marseille Timone Enfants
3.3.2. Cas pédiatrique
3.3.2.1. Histoire de la maladie
3.3.2.2. Evolution
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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