L’ostéoporose est une maladie caractérisée par une perte de masse et une détérioration des propriétés osseuses au niveau microscopique et macroscopique. Contrairement à d’autres pathologies, l’ostéoporose est souvent généralisée et asymptomatique. De plus, l’ostéoporose touche une grande partie de la population mondiale et le risque de développer cette maladie augmente rapidement avec l’âge. Au Canada, plus de 80 % des fractures chez les 60 ans et plus sont attribuables à l’ostéoporose et plus d’une femme sur trois subira une fracture ostéoporotique au cours de sa vie (Ostéoporose Canada (2017)). Ces caractéristiques en font une maladie d’envergure compte tenu du vieillissement de la population. La méthode de diagnostic de cette pathologie doit donc être bien adaptée, sans quoi l’ostéoporose engorgera les systèmes de santé, génèrera d’importants coûts d’hospitalisation et diminuera significativement la qualité de vie des personnes affectées. Pour évaluer correctement le risque de fracture ostéoporotique, il est important de s’intéresser aux paramètres déterminants de la qualité osseuse. La principale mesure clinique actuellement utilisée dans le processus d’évaluation de l’ostéoporose est la densité minérale osseuse (BMD) mesurée par absorptiométrie biphotonique (DXA). Ce paramètre, un indicateur de la qualité de l’os, est comparé à une mesure empirique pour estimer le stade de dégénérescence de la maladie. Cependant, il a été montré que cette mesure seule n’était pas suffisante pour obtenir une prédiction satisfaisante du risque de fracture (Li et al. (2013)). De plus, les technologies utilisant des rayons X, dont le DXA, émettent des radiations ionisantes, ce qui augmente le risque de développer un cancer.
Face à ce problème, l’objectif principal de ce projet de recherche était d’évaluer la possibilité d’utiliser une technologie non-ionisante alternative pour diagnostiquer l’ostéoporose. Plusieurs techniques d’imagerie permettent de quantifier les propriétés mécaniques de tissus biologiques. Toutefois, l’imagerie par ultrasons se démarque des autres par sa rapidité, son faible coût et son innocuité. Jusqu’à maintenant, cette méthode était seulement utilisée pour caractériser des tissus mous. Cependant, de récents avancements technologiques ont ouvert la porte à de nouvelles applications. Parmi ces avancements se trouve l’«hybrid algorithm for robust breast ultrasound tomography» (HARBUT) développé par Huthwaite & Simonetti (2011a). Cet algorithme permet de caractériser les propriétés acoustiques d’objets ayant un contraste élevé entre la vitesse du son (SOS) dans l’objet et la SOS de son milieu environnant.
Suite à cette découverte, une hypothèse a été émise : il serait possible d’adapter HARBUT afin d’obtenir une image de cartographie SOS d’une coupe transversale d’un radius humain. Cette image permettrait de caractériser ses propriétés mécaniques, puisque la SOS est directement relié aux propriétés mécaniques élastiques du milieu (Szabo (2004)). Pour étudier cette hypothèse, un modèle utilisant la méthode des éléments finis (FE) de propagation d’ondes ainsi qu’un banc d’essai ont été développés. Des fantômes osseux ont été préalablement utilisés dans le modèle FE et sur le banc d’essai pour mieux comprendre les mécanismes de propagation d’ondes dans un environnement fluide-solide. Par la suite, des os cadavériques de radius humains ont été évalués expérimentalement pour valider les résultats préliminaires. Le radius a été choisi comme os à évaluer puisque Lauritzen et al. (1993) a montré que les propriétés osseuses de la partie distale du radius sont fortement corrélées à celles de la hanche; la fracture du col de la hanche étant la fracture ostéoporotique la plus courante et une des plus fatales (Jones et al. (1994)).
Structures des os
Dans le corps humain, les os ont plusieurs fonctions telles que : permettre les mouvements, protéger les organes, produire des cellules sanguines, emmagasiner de l’énergie et contenir des sels minéraux. Un processus important dans l’os est le remodelage osseux. Ce processus continu, opéré principalement par les ostéoblastes, ostéoclastes et ostéocytes, permet à l’os de maintenir ses propriétés mécaniques et de s’adapter aux contraintes externes (Office of the Surgeon General (US and others) (2004)). Chez une personne atteinte d’ostéoporose, le remodelage osseux ne s’effectue pas correctement. En effet, la qualité de la microarchitecture de l’os se détériore et la densité de l’os diminue suivant la progression de la maladie. Pour bien comprendre comment l’ostéoporose affecte les os, les différentes structures de l’os doivent être étudiées.
Généralement, les os sont classifiés selon trois types : les os longs, les os courts et les os plats. D’autres os intermédiaires sont aussi présents dans le corps, mais ceux ci n’appartiennent à aucun autre type d’os. Dans ce mémoire, seules les structures des os longs seront analysées en profondeur puisque la fracture ostéoporotique de la hanche, l’articulation entre la tête du fémur et l’acétabulum, est celle qui a le plus haut taux d’incidence et de morbidité associé. Au niveau macroscopique, les os longs du corps humain sont constitués de deux type d’os : l’os trabéculaire et l’os cortical. L’os cortical compose 80% du squelette tandis que l’os trabéculaire en compose 20%. Au niveau microscopique, l’os cortical est composé d’ostéons qui sont principalement constitués de lamelles et de canaux d’Havers. L’os trabéculaire est composé de trabécules où circule la moelle osseuse, riche en cellules sanguines.
Méthodes de diagnostic clinique
Selon plusieurs études (Kanis et al. (2002); Law et al. (1996); Muller et al. (2005); Egorov et al. (2014); Nackaerts et al. (2008); Sarvazyan et al. (2009)), un modèle combinant plusieurs paramètres osseux notamment la densité, les propriétés mécaniques élastiques, l’épaisseur d’os cortical, la porosité et la fraction de volume d’os par rapport au volume total permettrait de mieux prédire le risque de fracture ostéoporotique. Chaque technique d’imagerie médicale mène à une mesure différente des propriétés du milieu. Les principales techniques d’imagerie médicale sont basées sur cinq paramètres de mesures soient : la résonance magnétique (ex. imagerie par résonance magnétique), la radioactivité (ex. scintigraphie osseuse), les rayons X (ex. CT scan), les ultrasons (ex. échographie) et les rayons lumineux (ex. tomographie en cohérence optique). Présentement, seule la mesure par CT scan permet de mesurer rapidement un paramètre important de la qualité osseuse (la BMD) en plus d’obtenir une image d’une coupe transversale. Cependant, comme mentionné précédemment, l’évaluation de la qualité osseuse par rayons X émet des rayonnements ionisants et a un taux de détection en deçà de 50% (Li et al. (2013)).
D’un autre côté, Laugier & Haïat (2011) ont montré que les méthodes QUS pour l’os sont sensibles à plusieurs caractéristiques intrinsèques des os telles que la porosité, leurs propriétés mécaniques élastiques ainsi que leurs propriétés microscopiques et macroscopiques. De plus les techniques QUS pour l’os sont généralement moins dispendieuses que celles utilisant les rayons X et n’émettent aucune radiation ionisante. La mesure de SOS par transmission axiale au niveau du poignet ainsi que la mesure d’atténuation large bande (BUA) sur le talon et les phalanges des doigts sont les techniques QUS les plus utilisées pour l’évaluation de la qualité osseuse. Cependant, les méthodes QUS génèrent seulement des mesures quantitatives en lien avec les propriétés osseuses telles que le BUA ou le SOS, mais ne permettent pas d’évaluer localement l’épaisseur d’os cortical. À ce jour, l’imagerie rayons X par CT-scan est principalement utilisée pour évaluer ce paramètre. Une mesure QUS pourrait être combinée à une image de CT-scan pour augmenter le taux de détection de l’ostéoporose, mais tous les avantages de l’utilisation d’ultrasons au lieu de rayons X seraient perdus. Pour évaluer l’épaisseur d’os cortical en utilisant seulement des ultrasons, un algorithme de tomographie adapté doit être utilisé. Pour cette raison, les principaux algorithmes d’inversion (qui permettent de reconstruire les propriétés d’un objet) utilisés en imagerie par ultrasons seront comparés, mais avant tout une introduction plus en détail sur les ultrasons sera présentée dans la prochaine section afin de mieux comprendre les mécanismes de propagation d’ondes.
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