.Développement social de l’enfant de 18 à 30 mois
A 18 mois, l’enfant est capable de consoler un autre enfant. Il ressent de la compassion et une envie d’aider. Il fait la différence entre lui et autrui, il le découvre. Montagner distingue plusieurs profils de comportements caractérisés soit par des liens d’apaisement (offrande, prendre la main, etc), soit par des menaces et agressions (mordre, tirer les cheveux, etc). Ce sont des mécanismes de communication non-verbale18. De plus, selon Erikson, la société exerce une grande influence sur la personnalité de l’enfant. Celle-ci se développe tout au long de la vie et passe par 8 stades au cours desquels la personne doit résoudre un dilemme pour trouver un certain équilibre. A partir de 18 mois, l’enfant fait face à son désir d’autonomie et d’indépendance pour découvrir le monde qui l’entoure mais aussi à la honte et aux doutes en ses capacités. Il est important que l’adulte lui laisse faire ses propres expériences en faisant avec lui, en l’accompagnant sans faire à sa place. De cette façon, l’enfant apprend à connaître ses limites. Plus il réussira par lui-même dans ses tâches, plus son estime de soi augmentera (la conscience que l’enfant a de sa propre valeur) 19. Pendant le processus d’adaptation, l’enfant côtoie de nouveaux enfants et adultes. Il apprend à vivre avec eux durant des moments de la vie quotidienne, à partager et à échanger.
Un enfant allophone éprouve le sentiment d’être différent des autres enfants qui l’entourent. Il est possible que certains enfants aient honte de leur culture et de leurs origines car elles ne correspondent pas à celles de l’environnement présent. « L’image de soi n’est pas dessinée que par les autres. L’image de soi, c’est l’enfant qui la crée pour lui-même. Et pourtant, elle est clairement influencée par l’image que les autres se sont faite de lui. C’est un processus individuel et pourtant lié au regard des autres. »20 Cela fait partie de notre rôle en tant qu’accompagnateur dans la vie de l’enfant de lui affirmer qu’il est possible d’avoir deux cultures, que la culture de l’environnement n’est pas meilleure que la sienne et inversement. Chaque enfant a besoin de reconnaissance – et en cela, tous les enfants se ressemblent – pour mettre en évidence ses forces et ses capacités. Sans le soutien des parents et des éducateurs, l’enfant sera empreint de doutes21. Dans son ouvrage, Christa Preissing utilise une métaphore qu’il me paraît important de relever : « Chaque enfant aura ses racines dans cette première communauté (à savoir, ses parents). Si on coupe ces racines, l’enfant manquera de nourriture. » Dans une structure d’accueil, il est possible que les origines et/ou la famille d’un enfant allophone ne soient pas respectées dans le cas où les éducateurs et les enfants ne prennent pas en compte ses habitudes et imposent les leurs. Sa terre nourricière est donc dévalorisée. Il est important de se rendre compte que ses racines sont alors endommagées, soit par des gestes, soit par des actions volontaires ou involontaires et irréfléchies. Mais, grâce à l’aide de personnes de son entourage (éducateurs ou autres), l’enfant peut recréer de nouvelles racines, reprendre des forces et surtout, reprendre confiance en lui et en ses origines. « Notre devoir pédagogique est de voir, reconnaître et valoriser les familles dans leur diversité avec leurs racines historiques et culturelles. »22
Développement du langage de l’enfant de 18 à 30 mois
A partir de 18 mois, l’enfant entre dans « le premier âge questionneur ». Il a besoin d’accroître son vocabulaire, principalement à l’aide de la question « C’est quoi ça ? ». A ce stade, l’enfant a acquis entre 100 et 200 mots qui augmenteront jusqu’à 1000-1200 aux environs de 3 ans. C’est à cette période que l’enrichissement du vocabulaire est le plus important. L’enfant entend les paroles de son entourage et les reproduit avec quelques déformations qui disparaîtront entre 4 et 7 ans. Il développe un intérêt pour le dialogue avec l’adulte et les histoires qu’on lui raconte. Dans son processus d’adaptation, l’enfant va interagir avec des enfants et des adultes qu’il ne connaît pas. Il entend de nouvelles voix, de nouveaux termes venant de ces personnes et les imite petit à petit23. L’enfant n’a pas besoin qu’on lui apprenne comment parler, cela lui vient naturellement. Mais pour cela, il a besoin que les gens autour de lui parlent et communiquent entre eux. Pour développer son langage, il faut qu’il entre en interaction avec d’autres personnes.
Même si l’acquisition du langage est innée pour l’être humain, elle nécessite un déclencheur, elle doit être stimulée. Sans cela, aucune communication ne peut être faite. Concernant la période de 0 à 3 ans, « des recherches ont montré qu’une plus grande attention portée au langage, par les parents et le personnel de crèche, durant ce stage de développement, favorise le développement de compétences langagières et communicatives ultérieures. »24 Jusqu’à son arrivée dans ce nouveau lieu, l’enfant allophone ne connaissait qu’une seule langue, celle de sa famille. La langue de l’environnement va lui permettre d’élargir son entourage à la société. Selon Barbara Abdelilah-Bauer, si l’enfant ne ressent pas le besoin d’entrer en relation avec d’autres personnes que sa famille ou s’il rencontre des conflits avec cette société d’accueil, cette nouvelle langue ne pourra pas se développer correctement. D’où l’importance de créer un lieu sécurisant pour l’accueillir.25 Il existe plusieurs sortes de bilinguisme chez les enfants selon la période de leur vie à laquelle il apparaît.
Si l’enfant est en contact immédiat avec 2 langues dès la naissance, on parle de bilinguisme précoce ou simultané. C’est un bilinguisme fort aussi appelé additif. Il peut s’agir également d’un enfant dont les 2 parents ne parlent pas la même langue. Il développe alors un bilinguisme équilibré. Si la seconde langue est introduite par après, il s’agit d’un bilinguisme précoce et successif. Dans ce cas, l’enfant a déjà partiellement acquis un vocabulaire dans sa langue maternelle et en ajoute une deuxième assez tôt. L’enfant a besoin de temps car il apprend cette seconde langue en même temps qu’il poursuit l’apprentissage de sa langue maternelle. Par contre, si la seconde langue intervient après l’âge de 6 ans, cela aboutit à un bilinguisme tardif. Dans le cas où une langue est apprise au détriment d’une autre, on parle de bilinguisme soustractif, particulièrement si la première langue est minoritaire, elle s’affaiblit.
Théorie de l’attachement26 John Bowlby a exposé sa théorie sur l’attachement. Dès sa naissance, le bébé crée des relations avec des figures d’attachement, à savoir ses parents et d’autres adultes importants pour lui. Ces modèles de relations sont basés sur la confiance, la disponibilité, la fiabilité, l’affection, l’assurance et la sécurité lui permettant d’explorer le monde sans crainte. Ces modèles d’attachement s’élaborent et se consolident jusqu’aux environs de 5 ans. Il existe plusieurs types d’attachement selon les comportements de l’enfant. Dans certains cas, l’enfant éprouve de l’angoisse lors d’une séparation par peur de perdre une figure d’attachement. C’est une menace pour son lien d’attachement et sa sécurité affective semble compromise. Lorsque l’enfant arrive dans une crèche, il nécessite une phase de transition. C’est un lieu inconnu, ou plusieurs adultes et de nombreux enfants vivent en collectivité chaque jour. Dès cette entrée, son système d’attachement est sollicité. Les figures qui étaient pour lui sécurisantes ne sont plus présentes pendant quelques heures. Selon le type d’attachement que l’enfant présente – à savoir sécure, insécure-résistant, insécure-évitant et désorienté-désorganisé – il pourra vivre plus facilement son adaptation. Chaque enfant réagit différemment selon son attachement : autonome, apeuré, contrarié, observateur, isolé ou même imprévisible.
Il est important d’observer les comportements de chaque enfant pour pouvoir agir adéquatement. Cela peut prendre du temps mais il est nécessaire de le faire. De plus, les structures d’accueil mettent généralement en place un système de référent pour chaque enfant. Cela permet à l’enfant d’avoir un repère et une certaine stabilité, principalement lors de transitions telles que l’arrivée dans une crèche. Il est important que l’enfant ressente que ses parents sont en sécurité lorsqu’ils l’amènent dans la structure. Ces derniers peuvent également discuter avec d’autres parents ayant vécu la même situation afin d’ôter leurs inquiétudes.27 Selon la pyramide de Maslow, les besoins de sécurité se situent au second niveau, après les besoins physiologiques. Il s’agit de se sentir à l’abri, de vivre sans peur dans un environnement stable et prévisible. Il est important que ces besoins soient satisfaits afin de pouvoir se concentrer sur les prochains besoins de la pyramide. Tous ces éléments sont valables pour n’importe quel enfant, allophone ou non. La dimension de la langue est sûrement une difficulté supplémentaire lors de l’adaptation car ne pas comprendre ce nouvel environnement fait peur. L’enfant ne se sent pas en sécurité. Il est important, autant pour les parents que pour les éducateurs, d’observer les comportements et les réactions de l’enfant dans ce processus d’adaptation afin d’ajuster au mieux les solutions. 1.3.6 Partenariat avec les parents Les parents sont les premiers éducateurs des enfants.
Quant aux éducateurs, ils interviennent par la suite dans la vie de l’enfant afin de soutenir, d’apporter leur aide aux familles dans le respect de l’autorité parentale. Ils permettent généralement aux parents de concilier vie professionnelle et vie familiale. « Ainsi, il est reconnu aux professionnels des crèches une action éducative auprès des jeunes enfants, sans pour autant enlever la primauté de celle des parents. C’est un début de volonté de rééquilibrage entre les parents et les professionnels. »28 Il ne peut y avoir de partenariat sans un bon équilibre dans les relations parents-professionnels. Même s’ils sont différents, les points de vue, les valeurs éducatives ainsi que les savoirs de chacun sont valables, respectables et exprimables. Il est possible que des conflits apparaissent et il s’agit là de travailler ensemble pour trouver une solution convenant à tous et surtout à l’enfant.29 Selon le PEC (plan d’études cadre), l’EDE doit acquérir une certaine liste de compétences et de capacités au terme de sa formation.
Chaque compétence est répertoriée selon son domaine dans un processus. La collaboration avec les parents en fait partie et correspond au processus 7 intitulé « Collaborer avec les familles et accompagner la parentalité ». « L’EDE développe une relation de partenariat avec les parents. Il-elle sait écouter, comprendre et décoder leurs demandes et identifie leurs besoins. Il-elle est un partenaire relais entre l’enfant et ses parents et suggère des pistes de compréhension et d’action. Il-elle aménage des espaces de rencontre qui tiennent compte des différences de sensibilité et d’appartenance culturelle. »30 Si à cela on ajoute la barrière de la langue, la relation avec les parents peut devenir plus complexe. Non seulement la langue est différente mais la culture et les valeurs ne sont pas les mêmes et parfois s’opposent. « Le mélange multiculturel des groupes d’enfants ne conduit pas obligatoirement à ce que le quotidien du lieu d’accueil représente toutes les cultures familiales existantes. »31 Il est important que les éducateurs travaillent la diversité, la ressemblance et également les différences. Ils doivent comprendre ce que la culture familiale représente pour l’enfant mais également pour les parents et ainsi établir un dialogue. Parfois, cela peut mener à un conflit. Certaines opinions, certains comportements peuvent déranger les parents et/ou les éducateurs.
Chaque instigateur du conflit doit comprendre les raisons de l’autre mais également ses propres raisons pour ensuite trouver un terrain d’entente ensemble, un compromis acceptable par tous.32 Enfin, il ne faut pas oublier que la prise en charge de leurs enfants est une chance pour les familles migrantes. Dans leur processus de changement familial, plusieurs éléments sont mis en avant : une ouverture à des espaces institutionnels propres à la société d’accueil, une nouvelle langue et un vocabulaire plus élargi ainsi que de nouvelles habitudes et pratiques culturelles.33 Grandir en parlant plusieurs langues est une réalité de plus en plus fréquente dans de nombreuses familles. La plupart des enfants ne le vivent pas comme une difficulté mais plutôt comme un atout. Le rôle des structures d’accueil est de valoriser cet élément et non d’essayer à tout prix de mettre en avant leur langue au détriment de la langue maternelle de l’enfant. C’est un travail de respect pour la famille mais aussi pour la structure.
1. Introduction |