Développement de nouveaux bétons ”accumulateurs d’énergie”

Les gaz à effet de serre (GES) sont naturellement présents dans l’atmosphère. Ces derniers sont indispensables pour maintenir une température moyenne de la planète aux alentours de 15 °C. Les GES doivent être limités mais les activités humaines entrainent une augmentation de leurs concentrations atmosphériques par le rejet excessif de gaz polluants (CO2, SO4, NO2, etc.) suite à l’exploitation massive des combustibles fossiles [1]. Ainsi, le rayon infrarouge terrestre est piégé dans l’atmosphère provoquant son réchauffement et un dérèglement du climat. En effet, la température moyenne de la planète devrait s’accroître de 1,4 °C et pourrait même s’élever à 6,4°C environ au cours du siècle à venir [2, 3]. Cette hausse considérable est liée à la croissance industrielle et économique et dépend essentiellement des attitudes et des activités humaines et de la dégradation de la couverture végétale[45].

Ce changement climatique fait aussi accroitre le besoin de maintenir une température agréable dans un bâtiment. La climatisation est de plus en plus souvent installée pendant les périodes de surchauffe afin d’améliorer le confort thermique des habitants [6]. Toutefois, le recours à la climatisation provoque une hausse de la consommation de l’énergie et par conséquent une augmentation importante de la demande mondiale en énergie. En effet, le secteur de bâtiment consomme plus de 40 % de l’énergie finale dont 2/3 est utilisée pour produire de la chaleur et contribue pour près du quart aux émissions des GES [5]. Aujourd’hui, avec l’évolution des exigences relatives à la performance thermique du bâtiment et des nouvelles contraintes réglementaires de la RT 2012 visant la réduction de la consommation d’énergie et des émissions des gaz à effet de serre, une politique d’efficacité énergétique est mise en place pour répondre à ces objectifs [4, 7-9]. La diminution de la consommation d’énergie induit généralement un confort thermique acceptable et une baisse des émissions des GES. Par ailleurs, des gains économiques sont réalisés grâce à la réduction des dépenses d’électricité induits par le recours quasi permanent aux systèmes énergivores [10-12]. La mise en place de cette politique a été accompagnée par une évolution à la fois culturelle, technologique et industrielle dans le domaine de la rénovation, de la conception et de l’isolation des bâtiments [9].

L’utilisation des MCP permet d’améliorer nettement la capacité de stockage de l’énergie au sein des bâtiments et vise en particulier à rendre l’énergie partie intégrante de la structure du bâtiment. Les parois en béton modifié avec des MCP constituent une solution pour améliorer le stockage thermique et pour minimiser le flux thermique qui passe au travers ces parois [22]. En effet, le béton est un matériau très utilisé dans le domaine du Génie Civil et notamment dans le secteur du bâtiment, néanmoins ce matériau reste inerte avec des performances thermiques intrinsèques limitées ne pouvant répondre que partiellement aux nouveaux défis et exigences de plus en plus restrictifs liés à la réglementation thermique. Par ailleurs, le recours aux constructions massives en béton dans le but d’augmenter son inertie thermique ne constitue pas une solution pertinente en raison de la diminution de la surface habitable d’une part et le surcoût imputé par cette technique d’autre part [23]. L’incorporation des MCP dans le béton, souvent sous forme encapsulés, permet de réduire l’épaisseur des parois de béton en lui conférant une chaleur latente outre sa chaleur sensible propre afin de renforcer sa capacité de stockage de chaleur et permettre de ce fait de doter la structure du bâtiment d’une capacité d’autorégulation thermique à moindre coût au cours de l’année [23]. Pour ces raisons, le béton a été choisi comme matrice pour les inclusions MCP. De nombreuses études se sont focalisées sur les MCP et leur utilisation dans le secteur du bâtiment [24-26]. Cependant, plusieurs points d’ombre subsistent sur ce sujet et méritent d’être éclaircis. En effet, une grande dispersion des résultats a été constatée, ce qui ne permet pas de tirer des conclusions « universelles » et suffisamment pertinentes. Par ailleurs, les retours d’expériences sont rarissimes et nous n’avons pas à l’heure actuelle suffisamment de connaissances sur les étendues de la technologie des MCP dans le secteur du bâtiment ainsi que sur l’identification de son incidence multirisque qui reste encore du domaine de la recherche. Aussi, une source de dispersion pourrait être liée aux propriétés intrinsèques des MCP qui, contrairement à ce que l’on croit, ne sont pas parfaitement maîtrisées. A ce titre, il est nécessaire de souligner qu’à ce jour aucune norme spécifique aux MCP n’existe pour leur expérimentation mais aussi pour le dépouillement et l’exploitation des résultats d’essais. Des travaux de recherche antérieurs ont démontré l’incompatibilité des paramètres d’essais classiques avec les phénomènes multi-physiques induits par le changement de phase des MCP. En particulier, la technique de calorimétrie différentielle à balayage (DSC) [27,28] souvent utilisée pour l’investigation des propriétés thermodynamiques des matériaux en fonction de différents scénarios de cycles thermiques doit être « revisitée » dans le cas des MCP. Par ailleurs, le problème de la détérioration des MCP encapsulés lors du processus de mise en œuvre du béton-MCP n’a pas été traité et il est donc nécessaire de comprendre l’impact du processus de fabrication sur la microstructure et les propriétés des MCP d’une part et du béton-MCP d’autre part.

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L’efficacité énergétique est également considérée comme l’une des principales stratégies énergétiques de la Tunisie depuis 1980. Des réformes politiques ont été mises en place afin d’améliorer l’approvisionnement énergétique du pays et contribuer à réduire les émissions des GES. Ces actions se sont manifestées par la création d’institutions telle que l’Agence Nationale pour la Maîtrise de l’Energie (ANME) qui veillent d’une part à étudier, élaborer et mettre en œuvre des solutions et des programmes d’efficacité énergétique et d’autre part à mettre en place des actions de sensibilisation et de prise de conscience des enjeux de l’efficacité énergétique et des lois de la maitrise de l’énergie. Par ailleurs, des subventions du gouvernement tunisien sont souvent accordées aux chercheurs dans ce domaine afin d’investir d’une manière concrète et opérationnelle dans les projets de l’efficacité énergétique [1].

Il est parfois difficile d’améliorer l’efficacité énergétique dans le bâtiment. En effet, l’utilisation de matériaux de constructions traditionnels s’avère parfois insuffisante pour permettre d’émerger d’une façon autonome vers les bâtiments du futur que l’on veut moins gourmands en énergie et plus respectueux de l’homme et de son environnement. Il s’agit désormais de chercher à adopter de nouveaux matériaux et systèmes constructifs permettant de réduire significativement la consommation énergétique des bâtiments. Plusieurs pistes ont été explorées comme l’utilisation de matériaux intelligents pour l’enveloppe légère des bâtiments. Ces matériaux sont capables de stocker de l’énergie par chaleur latente, puis de la diffuser en changeant de phase. Par ailleurs, les Matériaux à Changement de Phase permettent d’augmenter l’inertie thermique de la structure du bâtiment tout en améliorant le confort thermique des usagers [6].

D’ici 2050, la demande mondiale de l’énergie devrait doubler. Dans un même temps et afin de conserver l’environnement et lutter contre le réchauffement de la planète, il faut réduire de moitié les émissions de GES. Ainsi, l’efficacité énergétique est un critère clé dans la démarche globale de développement durable pour mieux maîtriser et rationaliser les besoins en matière d’énergie et pour satisfaire aux objectifs fixés. L’objectif de tout concept d’efficacité énergétique est la mise en place de solutions d’efficacité énergétique permettant de consommer moins et mieux tout en garantissant un bon niveau de confort thermique [11]. C’est pourquoi, il est nécessaire de sensibiliser les utilisateurs à leur consommation énergétique et de les impliquer activement dans la démarche de concrétisation de l’efficacité énergétique, en les incitant à revoir leurs pratiques et habitudes et à s’investir sans crainte dans l’utilisation des énergies renouvelables et des produits performants.

L’efficacité énergétique globale des bâtiments peut se faire à deux niveaux : «active» et “passive”. En effet, l’efficacité énergétique dite « active » touche à la régulation, la gestion et la supervision de l’énergie et la gestion technique du bâtiment. A contrario, l’efficacité énergétique dite « passive » vise à diminuer les besoins énergétiques à travers l’amélioration de l’isolation de l’enveloppe de bâtiment et sa perméabilité à l’air, la ventilation et les équipements de chauffage [11].

Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : Les Matériaux à Changement de Phase (MCP) et leur utilisation dans le secteur du bâtiment
1.1. Contexte
1.1.1. L’efficacité énergétique dans les bâtiments
1.1.2. Le stockage par chaleur sensible et par chaleur latente
1.2. Les Matériaux à Changement de Phase (MCP)
1.2.1. Description
1.2.2. Procédés d’encapsulation
1.2.3. Les MCP organiques à base de paraffine
1.2.4. Les domaines d’application
1.2.5. Exemple des MCP commerciaux
1.3. Les MCP dans les matériaux de construction : applications et réalisations
1.3.1. Quelques réalisations et retour d’expériences
1.3.2. Problématiques et verrous scientifiques
1.3.3. Bilan et axes de recherche
1.4. Conclusions
Chapitre 2 : Identification des propriétés thermo-physiques des MCP, Description et Mise en place des protocoles d’essais
2.1. Matériaux et méthodes de mesure
2.1.1. Matériaux
2.1.2. Mesures physiques
2.1.2.1. Analyse granulométrique
2.1.2.2. Observations microscopiques
2.1.2.3. Mesure de la masse volumique absolue et apparente
2.1.2.4. Mesure du coefficient d’absorption
2.1.3. Mesures thermiques
2.1.3.1. Analyse thermogravimétrique (ATG) et mesure de perte de masse
2.1.3.2. Analyse thermique par DSC, étude paramétrique de la masse et la cinétique de chauffe
2.1.3.3. Mesure de la conductivité thermique
2.2. Résultats de mesures physiques
2.2.1. Caractéristiques morphologiques des MCP (Distribution granulométrique et microstructure)
2.2.2. Masse volumique et Coefficient d’absorption
2.3. Résultats de mesures thermiques
2.3.1. Propriétés thermodynamiques et calage paramétrique
2.3.2. Diffusivité et conductivité thermiques
2.3.3. Influence de l’endommagement des MCP sur leurs propriétés thermophysiques, étude comparative
2.4. Conclusions
Conclusion

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