L’élaboration de nouveaux matériaux hybrides combinant des composés organiques et inorganiques dans un but d’amélioration de leurs propriétés est un défi qui existe depuis toujours. Le bleu de maya est un des remarquables exemples de matériaux de synergie qui combine à la fois la couleur du pigment organique, l’indigo, et la résistance de la matrice inorganique, la palygorskite [1]. Ce matériau hybride a été découvert par hasard autour de 800 av. J-C dans la Mésoamérique où il était utilisé comme colorant dans l’art précolombien sur les sculptures et les fresques murales . Le bleu de maya est un exemple de matériau nanocomposite qui présente d’excellentes propriétés vis-à-vis des acides, des bases et contre la biodégradation [1]. Ce matériau hybride est constitué d’une matrice inorganique chargé par du pigment organique, par contre ce travail s’intéresse aux matériaux organiques chargés par des particules inorganiques.
Les nanocomposites sont des matériaux qui comportent une phase dispersée dont les particules ont au moins une des trois dimensions de l’ordre d’un nanomètre (10⁻⁹ mètre) ou quelques dizaines de nanomètres au maximum . Grâce aux effets de surface et/ou de taille engendrés par la miniaturisation des charges, les nanocomposites peuvent présenter des propriétés améliorées par rapport aux composites classiques telles que la conductivité électrique [6], la résistance mécanique [7], ainsi que diverses propriétés optiques liées à l’ajout de nanoparticules de taille inférieures aux longueurs d’onde du visible (380-780 nm). La taille des charges permet par ailleurs au matériau de conserver ses propriétés optiques de départ (la transparence, par exemple) ainsi qu’un bon état de surface. Les nanocomposites offrent ainsi de nombreuses perspectives pour de nouvelles applications dans des domaines aussi variés que les capteurs [12], la microélectronique [13], l’optique non linéaire et la photonique .
Ce travail de thèse s’inscrit dans un projet de recherche industriel intitulé « NANOcomposites à Propriétés Optiques non-linéaire et Piézoélectriques » (NANO-POP) qui témoigne de cette activité croissante dans le domaine des nanocomposites. Ce projet, soutenu par l’ANR, présente Schneider Electric S.A. et Piezotech S.A.S. comme partenaires industriels. Il est aussi labellisé et soutenu par les pôles de compétitivité PLASTIPOLIS depuis 2007 et MATERALIA depuis 2008. Il implique trois laboratoires académiques : le SYMME (laboratoire Systèmes et Matériaux pour la Mécatronique, Université de Savoie), l’IJL (l’Institut Jean Lamour, Université Henri Poincaré, Nancy) et le SRSMC (Laboratoire de Structure et Réactivité des Systèmes Moléculaires Complexes, Université Henri Poincaré).
Pour cela, l’utilisation de deux types de nanomatériaux est envisagée. Le premier est le niobate de lithium (LiNbO3) qui a été synthétisé dès 2008 au laboratoire SRSMC sous forme cristalline avec une taille nanométrique strictement contrôlée. Son équivalent massif présente en termes de piézoélectricité et d’optique non linéaire des propriétés reconnues et appréciées dans de nombreuses applications. Le deuxième cristal d’intérêt, qui est élaboré au laboratoire SYMME à Annecy, est l’iodate de fer (Fe(IO3)3). Ses propriétés optiques non-linéaires ont déjà été démontrées à l’échelle nanométrique et la structure cristalline de l’iodate de fer permet aussi d’envisager d’intéressantes propriétés piézoélectriques.
La taille nanométrique des cristaux est supposée conduire, d’une part, à de nouvelles propriétés qui ne peuvent être envisagées avec des inclusions de taille micrométrique telles que la transparence, de nouvelles propriétés acoustiques, une augmentation de la réponse piézoélectrique et une contribution particulière des effets de surface sur les propriétés optiques et mécaniques. D’autre part, les matrices polymères sont choisies pour leur simplicité d’utilisation et de production, leur coût relativement faible, leur versatilité et leur facilité de mise en forme.
Le projet NANO-POP est divisé en quatre grandes étapes, trois d’entre elles étant menées en parallèle :
➤ la synthèse de nanoparticules diélectriques polaires d’iodate de fer Fe(IO3)3 et de niobate de lithium LiNbO3 avec une taille contrôlée de quelques dizaines de nanomètres,
➤ le contrôle de la dispersion de ces nanocristaux dans des matrices polymères, nécessitant probablement une étape de fonctionnalisation et le contrôle de l’orientation des nanocomposites,
➤ l’étude des propriétés physiques résultantes (mécaniques, acoustiques, diélectriques, piézoélectriques et optiques) du nanocomposite en fonction de la taille des nanocristaux, de leur concentration et de la fonctionnalisation,
➤ la réalisation de prototype en vue d’applications développées avec les entreprises Piezotech S.A.S. et Schneider Electric S.A.
Abordant un aspect du projet NANO-POP, la présente thèse a été financée par le pôle de compétitivité PLASTIPOLIS [14] et l’Agence Nationale de la Recherche Technologique (ANRT) dans le cadre d’un contrat CIFRE. Les travaux ont été effectués au laboratoire SYMME à Annecy en partenariat avec l’Institut Jean Lamour de Nancy. Un comité composé des industriels suivants : Schneider Electric, AKEO+ , SISE, CDS et ERCE a suivi l’avancement de ce travail.
Plastipolis, regroupe aujourd’hui plus de 200 adhérents dont 150 entreprises en Rhône-Alpes et Franche-Comté. Son développement illustre bien cette tendance forte de l’industrie du polymère, puisque les nanocomposites se retrouvent de plain-pied dans au moins trois des six axes thématiques de ce pôle : l’axe « matériaux et compound » qui doit aboutir à la maîtrise des matériaux et des interactions entre matériaux et procédés, par un dialogue impliquant fabricants de matière et transformateurs, l’axe « produits intelligents », dont l’ambition est de « tirer la filière plasturgie vers le monde de l’électronique », les nanocomposites doivent permettre d’apporter par les polymères des fonctions de mémoire, d’activation et de communication aux produits, et l’axe « micro-nanostructuration » avec notamment des projets spécifiques sur l’amélioration de la dispersion des nanocharges dans les polymères, cet axe doit permettre le développement de produits ayant de nouvelles fonctionnalités actives (électrique, antibactérienne…) et passives (signature matériau…) [14].
Introduction |