Développement de la végétation spontanée après travail du sol ou désherbage chimique
Modélisation de la germination et de la croissance
Dans le cadre de la représentation de l’évolution de l’inltrabilité, on souhaite représenter les variations spatio-temporelles de la couverture herbacée du sol. On sait également que la prévision de l’état de cette couverture est importante en tant qu’indicateur pour les décisions techniques des agriculteurs. Par conséquent, cette partie s’attache à présenter la modélisation de la dynamique de la couverture herbacée par les adventices dans les parcelles en fonction des actions des viticulteurs. On se limite à la représentation de la dynamique de la végétation spontanée sur les zones non entretenues par enherbement permanent car elles présentent des changements importants de couverture herbacée au cours de l’année et donc d’inltrabilité du sol.
A contrario l’inltrabilité est stable sur un sol couvert à plus de 50% par la végétation herbacée (Andrieux et al., 2001). De plus, on ne cherche pas à représenter les actions des viticulteurs pour la gestion de ces zones enherbées (tonte, semis,…). En eet, ces travaux sont soit peu fréquemment réalisés dans la zone d’étude, soit ils n’ont pas d’inuence sur l’état du milieu en termes hydrologiques (ni directement, ni indirectement par concurrence avec d’autres travaux). L’évolution de la couverture herbacée pour les zones enherbées n’est donc pas un indicateur nécessaire à modéliser. La modélisation de la couverture herbacée à l’échelle de la rangée doit intégrer l’eet des actions culturales sur la dynamique des adventices.
Pour répondre aussi bien aux besoins des processus hydrologiques qu’à ceux pour la gestion technique, cette dynamique doit être représentée à l’échelle du cycle cultural avec une résolution journalière, car la journée est l’unité de temps pour le pilotage technique, et à l’échelle de l’agrosystème avec une résolution au niveau de la rangée. Dans le chapitre précédent on a montré qu’il existait, dans les parcelles, une diversité de communautés oristiques dépendantes (i) du type d’entretien du sol eectué dans la rangée, (ii) du type de sol et (iii) de la saison. Les espèces principales pour chaque type d’entretien du sol et chaque type de sol ont été identiées par saison.
La diversité oristique crée inéluctablement une diversité de dynamiques, par conséquent, on va chercher à prendre en compte cette 185 186 Chapitre 6 : Modélisation de la germination et de la croissance diversité oristique dans notre modélisation. Par ailleurs, la comparaison des communautés oristiques à l’échelle de l’agrosystème avec des données d’il y a 30 ans nous a montré que la structure des communautés avait peu évolué dans le cas des sols travaillés. Les changements observés pour les sols désherbés chimiquement semblent, quant à eux, principalement liés aux changements des molécules des herbicides.
En conséquence, on ne s’attachera pas à représenter l’évolution pluri-annuelle des communautés et donc la constitution du stock de graines. On fait l’hypothèse, dans le cadre de la représentation de pratiques culturales stabilisées, que la structure de la communauté oristique n’est pas modiée d’une année à l’autre pour un entretien du sol donné. Finalement, comme la dynamique des populations à long terme n’est pas considérée et que la dynamique d’un couvert herbacé supérieur à 50% a peu d’impacts sur les processus de transferts de polluants par ruissellement, on limitera la modélisation aux développements précoces des adventices jusqu’à la formation d’un couvert conséquent du sol mais on ne cherchera pas à modéliser des stades plus évolués des plantes comme la oraison ou l’épiaison.
En résumé, compte tenu de nos échelles de modélisation et de nos hypothèses, on va donc s’intéresser particulièrement à la dynamique des développements précoces des adventices au cours d’un cycle cultural en fonction de la saison et des actions culturales d’entretien du sol. Les études des dynamiques de population des adventices en milieux cultivés sont majoritairement structurées autour du cycle de vie des plantes avec des applications le plus souvent limitées pour l’aide à la décision stratégique (Holst et al., 2007). Les modèles proposés dans ce cadre ont alors des objectifs d’appui au pilotage agronomique (e.g. Decid’Herb – Munier-Jolain et al., 2005) ou au pilotage économico-stratégique (e.g. GWM – Wiles et al., 1996), ils s’appuient majoritairement sur des bases de données non accessibles à l’utilisateur du modèle et considèrent rarement l’eet des facteurs climatiques sur la dynamique des développement des adventices.
D’autres modèles, certains mécanistes (e.g. ALOMYSIS – Colbach et al., 2006), intègrent mieux l’eet climatique sur le développement des plantes et explicitent mieux les processus représentés, cependant ces modèles utilisent beaucoup de paramètres et ont donc été développés pour des espèces modèles ou ne concernent que des plantes cultivées (e.g. STICS – Brisson et al., 1998). Pour mettre en oeuvre de tels modèles, il faudrait donc avoir accès à des valeurs de paramètres diciles voire impossibles à trouver dans la littérature car rarement mesurés sur des espèces adventices autres que les espèces modèles (Gardarin et al., 2010). Les modèles applicatifs rencontrés dans la littérature n’étant pas adaptés à nos objectifs de modélisation, on s’est penché sur les approches de modélisation des deux principaux processus à représenter : l’émergence et la croissance précoce des adventices.
Dans sa revue de littérature, Grundy (2003) indique deux grandes voies de modélisation de l’émergence : l’approche empirique basée sur des observations et l’approche mécaniste basée sur les processus. L’approche empirique par les observations qu’elle exige et son indépendance aux facteurs climatiques ne peut convenir pour notre étude. On a donc choisi une modélisation de type mécaniste basée sur la physiologie des plantes. Les mêmes voies existent pour la modélisation de la croissance.
L’approche empirique sur des observations permet de constituer des modèles simples basés sur le seul cumul de degrés-jour. Cependant, pour les adventices, ces observations sont rares, d’autant plus si elles doivent correspondre à notre zone agro-climatique. Par conséquent, on a également choisi, pour la croissance, une voie de modélisation basée sur la physiologie. 6.2 Matériel et méthodes 187 6.2 Matériel et méthodes On présente dans la suite les processus que l’on a cherché à modéliser, la raison de ces choix et la méthode mise en oeuvre. Puis dans un deuxième temps, on présente la méthode pour le contrôle expérimental des modèles. 6.2.1 Modélisation de l’émergence La gure 6.1 présente les variables cibles associées à la prédiction de l’émergence d’une graine (Allen, 2003).
Les trois processus de l’émergence
Figure 6.1 Processus d’émergence d’une graine Trois processus majeurs composent l’émergence : la levée de dormance, la germination et la croissance des jeunes organes avant l’émergence. La dormance, c’est à dire l’absence de germination d’une graine viable soumise à des conditions non optimales (Hilhorst et Toorop, 1997), inue sur le nombre de graines capables de germer à un moment donné et donc sur l’importance et l’étalement temporel de l’émergence.
Différents modèles basés sur la température du sol et/ou l’humidité du sol proposent de modéliser l’induction et la perte de dormance (e.g. Bouwmeester et Karssen, 1993 ; Bauer et al., 1998 ; Benech-Arnold et Batlla, 2000). La germination pour une graine non dormante dépend de la température et de l’humidité du sol. L’approche de modélisation la plus courante de ce processus est le concept de modèle de temps hydrothermal qui combine le temps thermique basé sur une température de base et le temps hydrique basé sur un potentiel hydrique de base (Gummerson, 1986). La croissance avant émergence correspond à l’élongation du radicule. Peu de modèles non empiriques existent pour ce processus pour les espèces non cultivées. Un seul modèle, qui a étudié trois espèces, est cité par Grundy (2003) dans sa revue de littérature. Il se base sur la résistance du sol, la profondeur d’enfouissement de la graine, le poids de la graine et la température (Vleeshouwers, 1997).
Le choix de modéliser la germination
Pour modéliser l’émergence des adventices nous nous sommes focalisés sur la modélisation du processus de germination. En eet, les travaux mettant en oeuvre le modèle de temps hydrothermal sont nombreux et pouvaient permettre de le paramétrer pour les espèces observées sur notre zone sans avoir à réaliser des mesures en laboratoire qui n`étaient pas réalisables dans le cadre de la thèse.
Par conséquent, les deux autres processus n’ont pas été modélisés formellement. Nous avons fait des hypothèses simples pour dénir la période de dormance des plantes en nous appuyant sur leur physiologie et sur les périodes auxquelles elles ont été observées sur le terrain. Quant à la croissance avant l’émergence, nous ne l’avons pas représentée. Pour prendre en compte l’eet de ces processus sur la densité des plantes qui émergent, plutôt que de chercher à représenter les taux de mortalité ou de non levée de dormance à chaque étape du développement de la graine, nous avons considéré que la densité de graines d’une espèce donnée était la densité eective de plantes émergées de cette espèce.
Le modèle de temps hydrothermal pour la germination
Le modèle de temps hydrothermal (HTT) de Gummerson (1986) est une extension du concept de somme de température. Selon ce concept, une plante commence à germer quand la somme des diérences entre la température moyenne quotidienne et sa température de base passe un seuil. Le modèle HTT étend ce concept à l’accumulation de potentiel hydrique par degré-jour. Par conséquent, les graines germent quand elles ont été soumises à des températures et des humidités susantes. Le temps hydrothermal (θHT ) correspond ainsi à la somme au cours du temps des produits des diérences de températures (Tsoil) et de potentiel hydrique du sol (ψsoil) par rapport à leurs valeurs de bases respectives (Tmin, ψmin) : θHT = X[(ψsoil − ψmin)(Tsoil − Tmin)] (6.1) avec ψsoil > ψmin et Tsoil > Tmin.
Le temps hydrothermal (θHT ) et la température de base (Tmin) sont considérés constants au cours du temps pour une espèce alors que le potentiel hydrique de base (ψmin) est considéré normalement distribué dans une population de graines (Meyer et al., 2000) avec une moyenne ψmin50 et un écart-type σ(ψmin). Par conséquent l’équation ci-dessus a été transformée par Bradford (1995) : probit(gt) = ( Pψsoil−ψmin50 t θHT t(Tsoil−Tmin) ) σ(ψmin) (6.2) avec gt la proportion de graines germées au jour t numéroté à partir de la levée de dormance, le probit étant l’inverse de la fonction de distribution cumulative normale.