Dette souveraine, risque systémique et conditions d’optimalité de l’intervention du Fonds Monétaire International

Dette souveraine, risque systémique et conditions
d’optimalité de l’intervention du Fonds Monétaire
International

LES MODELES DE DETTE SOUVERAINE

 Le cadre standard d’analyse de l’endettement extérieur de pays en développement et émergents renvoie à deux catégories de modèles : les modèles de dette souveraine et les modèles de renégociations. Notre objet est ici de faire apparaître les principales caractéristiques des modèles de dette souveraine, selon quatre étapes. Il s’agit, d’abord, de définir les mécanismes des modèles de « réputation » (1) et de « sanction directe » (2), qui spécifient deux types de contraintes d’incitation au remboursement distinctes. Nous ferons, ensuite, apparaître quels en sont les principaux résultats, et en quoi ceux-ci dépendent des hypothèses sur les acteurs et l’environnement (3). Plus spécifiquement, les hypothèses formées sur l’aversion au risque des acteurs font l’objet de notre dernier paragraphe (4). La contrainte d’incitation au remboursement : principes généraux L’existence de dettes souveraines ne va pas de soi, du fait des particularités de la dette contractée par un Etat13. Le créancier s’expose à un risque de défaut14, en conséquence de l’illiquidité ou de l’insolvabilité du débiteur, ou de comportements d’optimisation intertemporelle. Or lorsque le défaut survient, il est impossible pour le créancier d’être indemnisé selon les mécanismes qui prévalent en matière de créances privées, lors du déclenchement de procédures de faillite. En d’autres termes, le créancier d’un Etat s’expose à un risque de perte irrecouvrable et totale des actifs engagés. Pour qu’il existe malgré tout des transferts, il faut donc spécifier une contrainte d’incitation reposant sur une sanction dissuasive du défaut. Les développements les plus détaillés se trouvent, en particulier, dans OBSTFELD et ROGOFF [1995] et EATON et FERNANDEZ [1995]. 14 On traite, plus particulièrement, du risque de défaut, les exemples de concrétisation du risque de répudiation étant très rares. 

MODELES A SANCTION FONDEE SUR LA REPUTATION

 Le mécanisme de base Dans le modèle de référence d’EATON et GERSOWITZ [1981], la sanction est fondée sur la réputation : le défaillant est exclu, immédiatement et définitivement, de l’accès au financement extérieur. Dans ce type de modèles, il n’existe pas de possibilité de défaut partiel : dès lors que le service de la dette n’est pas assuré dans son intégralité, la sanction s’applique. Le débiteur n’a donc aucun intérêt à rembourser une partie de ses dettes. Concrètement, la condition d’incitation est remplie lorsque, pour celui-ci, l’utilité résultant d’un service de la dette assuré dans son intégralité et d’un accès garanti au financement extérieur est supérieure à l’utilité en autarcie. Les principales caractéristiques de ce modèle sont les suivantes. La fonction objectif de l’emprunteur est définie par : U( ct – Pt ), U’>0, U’’<0 Où (Pt) est la pénalité appliquée au pays qui fait défaut, en sus de l’exclusion du prêt (aide suspendue, pénalités commerciales,…). (Pt = 0) si la dette est normalement servie, sinon (Pt > 0). On note (ct) l’absorption, (yt) le revenu national, (bt) lemontant emprunté, et (pt) les paiements d’intérêts au titre du service de la dette. Le facteur d’actualisation est noté β ∈ [0,1]. La fonction d’utilité intertemporelle est donc : E ( Σt β t U (ct – Pt)) .Les opportunités d’emprunt sont caractérisées par les deux propriétés suivantes :  La maturité des prêts consentis est d’une période. Le service de la dette en (t+1) est donné par dt+1 = R ( bt ) = (1 + rt ), où (rt) est le taux d’intérêt de l’emprunt.  A chaque période, l’emprunteur choisit (bt) et (pt) : bt ∈ Bt , ensemble des montants de prêts disponibles à la période courante. Les espérances d’utilité de l’emprunteur, selon qu’il choisisse ou non de faire défaut, sont repectivement définies par les fonctions objectifs suivantes : V D ( yt ) = E ( Στ β τ–t U ( yτ – Pτ ) V R ( yt , dt ) = Supb∈B {U(yt+bt—dt)+βE max(VR (yt+1,dt+1),VD (yt+1))} Il est donc optimal d’assurer le service de la dette en (t) si et seulement si la contrainte d’incitation suivante, nécessaire et suffisante à l’existence de dettes souveraines, est vérifiée : V R ( yt , dt ) > VD ( yt ) En définitive, compte tenu de la nécessité de vérifier la condition d’incitation, le créancier dérive un montant maximum qu’il est susceptible de prêter ; de son côté, le débiteur fixe un optimum correspondant à son objectif de politique intérieure. Les deux montants n’ont aucune raison de correspondre et, si le second excède le premier, il y a rationnement du crédit. Ceci constitue un résultat général : quand il est nécessaire d’avoir recours à une contrainte d’incitation, il n’y a a priori aucune raison que l’optimum de premier rang puisse être atteint. Ce modèle constitue le fondement de l’ensemble des modèles de dette souveraine, et plus particulièrement des modèles de réputation. Malgré les simplifications adoptées, il présente l’avantage de spécifier le mécanisme conduisant à l’existence de dettes souveraines  Déclinaisons et critiques du mécanisme de base Certains modèles de réputation plus récents (en particulier, DIAMOND [1991]) ne font pas explicitement référence à des problèmes de dette souveraine et offrent une lecture moins binaire de la réalité économique. Il s’agit en particulier de modèles dans lesquels un emprunteur ne respectant pas ses obligations contractuelles est confronté à une perte provisoire d’accès au crédit et où le type de financement et la prime de risque dépendent de ses antécédents à cet égard. Pour les pays en développement, ce cadre est particulièrement pertinent parce qu’il permet de rendre compte de l’évolution du statut d’un emprunteur, de l’accès au crédit bancaire à la possibilité de se financer directement, par émission d’obligations. Les mécanismes mis en jeu dans ces modèles peuvent être interprétés comme une généralisation de ceux qui prévalent dans EATON et GERSOWITZ [1981] : la dégradation de la notation du défaillant se substitue à son exclusion totale du financement extérieur privé. Ces modèles sont remis en question par la seconde branche de la littérature relative à la dette souveraine, dérivée de l’article de BULOW et ROGOFF [1989b], au motif qu’une contrainte d’incitation fondée sur des mécanismes de réputation ne peut être suffisante pour que le service de la dette soit assuré. Plus particulièrement, la fortitude de certaines hypothèses du modèle d’EATON et GERSOWITZ conduirait à considérer la condition d’incitation comme suffisante à garantir le remboursement et, partant, l’existence de dettes souveraines, alors qu’elle ne l’est pas. On considère en fait dans le modèle d’EATON et GERSOWITZ que, de même que l’accès au crédit est fermé au défaillant, celui-ci ne peut accéder à aucun autre mode de financement extérieur. Ceci suppose une information complète et symétrique, et une coordination parfaite des créanciers entre eux. Cette hypothèse est acceptable jusqu’en 1982, du fait de la prédominance d’un financement extérieur bancaire des pays en développement. A partir de cette date, la diversification des sources de financement extérieur, consécutive à l’essor de la finance directe, la rend excessivement réductrice. La menace d’exclusion du financement extérieur au cours des périodes ultérieures n’est en effet plus crédible, et il ne peut exister de niveau de dette strictement positif18 soutenable au sens du prêteur.

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SANCTION FONDEE SUR LA REPUTATION ET SANCTION DIRECTE 

Principes généraux des modèles à sanctions directes Les modèles à « sanction directe », c’est-à-dire d’application immédiate, constituent alors une alternative. Celle-ci présente a priori toutes les caractéristiques d’une hypothèse ad hoc. Les auteurs qui l’utilisent – c’est-à-dire, postérieurement à l’article de BULOW ET ROGOFF, la majorité de ceux qui traitent de dette souveraine – proposent cependant une lecture en terme de risque encouru par un défaillant quant à la saisie d’actifs lui appartenant, lors de transactions internationales. D’un point de vue technique, l’usage d’une sanction directe aléatoire constitue un moyen simple d’introduire de l’incertitude dans les modèles de dette souveraine . Toutefois, la différence entre les deux approches ne concerne que les caractéristiques de la sanction qui garantit la condition d’incitation, et non les résultats des modèles. Dans le cadre des modèles à sanction directe, les hypothèses standard étant retenues, on aboutit en effet au même résultat clef que dans les premiers modèles de dette : la nécessité d’introduire une contrainte d’incitation interdit la réalisation de l’optimum de premier rang. Par ailleurs, si l’environnement du prêteur et celui de l’emprunteur sont excessivement simplifiés dans les modèles avec sanction endogène (i.e. par réputation), on doit envisager l’utilisation de modèles à sanction directe avec précaution pour trois principales raisons..  En premier lieu, les conditions de taux des contrats alternatifs peuvent être telles qu’il existerait, même sans sanction directe, des niveaux strictement positifs de dette « soutenable » dans un modèle de réputation, au sens où ils rempliraient pour le prêteur la condition d’incitation.  Ensuite, dans un contexte d’information imparfaite, il peut être très coûteux pour un pays ayant été défaillant d’avoir accès au financement direct, lorsqu’il est exclu du financement intermédié. Les éventuels acquéreurs reportent en effet les coûts d’information auxquels ils sont confrontés sur l’émetteur. 

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 ENDETTEMENT EXTERIEUR DES PAYS EN DEVELOPPEMENT ET
COMPORTEMENTS DES INVESTISSEURS PRIVES : LA NECESSAIRE PRISE EN COMPTE DE
L’INTERVENTION PUBLIQUE
SECTION 1.1 LES MODELES DE DETTE SOUVERAINE ET DE RENEGOCIATION : UN CADRE
D’ANALYSE STANDARD
1.1.1. Les modèles de dette souveraine
1.1.2. Défaut partiel et renégociation des dettes
SECTION 1.2 L’HYPOTHESE DE COMPORTEMENTS D’ALEA MORAL GENERALISES
1.2.1. L’asymétrie d’information dans les modèles de dette et de renégociations
1.2.2. L’asymétrie d’information dans les modèles de crises financières et de
comportement des Institutions financières internationales
CHAPITRE 2 UN MODELE DE CONDITIONNALITE EX POST DE L’INTERVENTION
MULTILATERALE
SECTION 2.1 LE PRETEUR, L’EMPRUNTEUR ET L’ENVIRONNEMENT
2.1.1. La relation emprunteur souverain – prêteur multilatéral comme relation
déterminante
2.1.2. Préférences pour le présent, valeurs d’option, et répartition du pouvoir de
négociation
SECTION 2.2. LE MODELE DE « JEU DE FAUX SEMBLANTS »
2.2.1. Un modèle d’octroi de prêts multilatéraux de type Principal-Agent
2.2.2. Conditionnalité ex post et optimalité macroéconomique partielle de
l’intervention multilatérale
CHAPITRE 3 UN MODELE DE CONDITIONNALITE EX ANTE DE L’INTERVENTION
MULTILATERALE
SECTION 3.1 LE PRETEUR, L’EMPRUNTEUR ET L’ENVIRONNEMENT
3.1.1. Prêts multilatéraux conditionnels et comportements privés
3.1.2. Le principe de sélectivité
SECTION 3.2. LE MODELE DE SELECTIVITE
3.2.1. Un modèle d’octroi de prêts multilatéraux conditionnés à la notation des
emprunteurs
3.2.2. Conditionnalité ex post et optimalité macroéconomique globale de
l’intervention multilatérale
CONCLUSION GENERALE

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