Détermination des hypothèses et construction de scénarios géoprospectifs

Détermination des hypothèses et construction de
scénarios géoprospectifs

Prospective et géoprospective territoriale 

La prospective : définition et méthodes 

La prospective est une démarche qui s’appuie sur un ensemble de techniques à l’image de la modélisation et de la simulation. Elle est destinée à éclairer les décideurs et les gestionnaires des territoires, à la fois sur les futurs possibles et sur les conséquences que peuvent avoir leurs actions et décisions sur le devenir des espaces (DATAR, 1971, 1975). Des définitions attribuées à la notion de prospective durant les dernières décennies font également référence à cette relation nécessaire à la décision. C’est le cas de Hatem (1993) pour qui la prospective est un regard sur l’action destiné à éclairer l’action présente ; elle se présente pour Godet, (1997a, 1997b) comme le panorama des futurs possibles d’un système qui doit mettre en lumière les conséquences des actions sur le devenir du système lui-même. La prospective consiste aussi à considérer une multitude d’éléments d’appréciation qualitatifs et à la fois quantitatifs concernant l’avenir et qui permettent de prendre des décisions justes. Au final, les objectifs de la prospective sont bien saisis dans les travaux de De Jouvenel (1999) qui souligne que la prospective n’a pas pour objet de prédire l’avenir, encore moins de le dévoiler, mais d’aider à le construire, à le faire et à le bâtir. D’une manière générale, quatre méthodes caractérisent les exercices de prospective. Il s’agit :

 (1) de l’analyse structurelle qui consiste à construire un système d’équations représentant le fonctionnement d’un système complexe. L’analyse structurelle a par essence un caractère systémique car elle identifie à la fois les composantes du système ainsi que les conséquences que les différentes relations entre ces composantes peuvent avoir sur les évolutions du système (Forrester, 1961, 1969 ; Meadows 1972).

 (2) La consultation d’experts, qui s’applique à interroger des experts sur des questions fermées concernant l’avenir. À partir des réponses tirées des enquêtes, les solutions sont de nouveau présentées aux mêmes experts qui, soit valident, soit rejettent, les solutions proposées (Hatem, 1993), 

(3) Plus qu’une méthode de prospective, la méthode des impacts croisés (Godet, 1997a) est une technique au service d’une réflexion prospective car elle permet d’évaluer la probabilité qu’un phénomène émerge à la suite d’un changement survenu dans le système (Forrester, 1969). 

(4) La méthode des scénarios est définie comme étant un moyen de visualiser des futurs possibles et probables (DATAR, 1971). Cette méthode vise à mettre en lumière, d’une part les tendances lourdes l’ensemble des structures et des comportements qui ont peu de chance de se transformer dans la période qui est l’objet du travail de prospective, et d’autre part les facteurs de changement tous les indices plus ou moins importants qui permettent de repérer des transformations possibles vers un état nouveau ou des états nouveaux. Notons que les différentes méthodes de l’exercice de la prospective existantes et connues ne sont pas indépendantes les unes des autres, mais font très souvent l’objet de couplage. 

La géoprospective territoriale

 Les avancées de la connaissance sur le fonctionnement des systèmes complexes sont allées de pair avec la conception de méthodologies nouvelles, de modèles dédiés à telle résolution de problèmes, couplés au sein de « plateforme » conçues et utilisées par des spécialistes. Mais, ces outils d’aide à la décision restent du ressort de l’expert et ne sont accessibles qu’à un petit nombre d’initiés. Les ingénieurs territoriaux qui élaborent un Plan Local d’Urbanisme (PLU), une carte communale ou bien un Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) se trouvent confrontés à la necessité d’anticiper les devenirs possibles de leur territoire afin de choisir la « politique » d’aménagement à appliquée au territoire. La démarche habituelle consiste à s’appuyer sur le diagnostic territorial, mais ce dernier se présente encore trop souvent comme un ensemble d’études sectorielles, où les prévisions de croissance de population et d’occupation sont déterminées à partir d’hypothèse de croissance non spatialisée et sans prise en compte de l’interaction spatiale. De même, les espaces à enjeux, i.e les espaces qui doivent être prioritairement transformés, préservés ou valorisés, sont fixés dans leur grande ligne, à partir des conclusions du diagnostic. Aucune simulation spatiale ne vient assister le décideur dans ses choix. La prospective reste empirique et imprécise alors que le zonage, lui, se doit de circonscrire à l’échelle de cadastre, les préconisations retenues. La géoprospective territoriale est très peu pratiquée si ce n’est méconnue. Sa finalité est comme dans la prospective territoriale, de connaître et prévoir pour organiser et décider, mais sa spécificité est d’anticiper le devenir d’un territoire, par la compréhension de ses dynamiques spatiales et de spatialiser, à moyenne et grande échelle, les scénarios d’évolution, les préconisations d’aménagement et leurs impacts spatiaux. La géopropsective ne peut donc se concevoir sans modélisation spatiale et sans simulation des scénarios (Voiron-Canicio, 2006). Dans son dictionnaire de la géographie, Roget Brunet (Brunet et al., 1992) indique que « la méthode des scénarios […] participe des modèles de simulation. Elle est une des entrées commodes de la prospective en économie, en aménagement du territoire ». Brunet luimême définit un scénario comme une « méthode d’anticipation poussant à bout les conséquences logiques d’hypothèses ou de tendances préalables, sous des contraintes imposées ou contrastées ; ou au contraire, imaginant les conséquences d’un infléchissement, d’une nouvelle stratégie ». Aussi, cette définition vient conforter l’idée selon laquelle un scénario doit pouvoir représenter une certaine vision du futur avec une large possibilité pour le chercheur de solliciter son imagination (en proposant différents scénarios) avec la possibilité de modéliser les conséquences d’un événement qui s’est déjà produit, ou qui va se produire, dans un horizon spatio-temporel qu’il doit lui-même déterminer.

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Hypothèses et scénarios géoprospectifs 

comment construire les trajectoires possibles de l’occupation du sol d’un territoire pour 2040 ? 

(par) Une approche rigoureuse de la modélisation 

Différentes étapes sont observées dans notre approche de la modélisation géoprospective. La première étape (cf. figure 1.1 de couleur noire) fait référence au diagnostic spatial qui a permis de comprendre le fonctionnement complexe de l’espace transfrontalier franco-italien. La connaissance des impacts territoriaux de l’infrastructure grande vitesse facilite la construction des différentes hypothèses de recherche. Dans un deuxième temps, survient la démarche de la collecte de l’information et de l’harmonisation des données spatiales. Lors de cette phase cruciale, des thématiques majeures à l’image de l’occupation des sols, de suitability et d’infrastructures de transport sont retenues comme entrées principales pour participer à l’éclairage du devenir possible de ce territoire. La seconde étape est la modélisation (cf. figure 1.1 de couleur rouge). À l’occasion de cette étape, les inputs du modèle, ainsi que la règle générale de transition sont calés à l’aire d’étude. C’est ici, (cf. figure 1.1 de couleur verte), que sont déclinés les scénarios futurs d’occupation du sol. Trois grands scénarios sont développés dans cette recherche. Le premier est le scénario tendanciel nommé également “Business As usual” et les deux autres scénarios intègrent l’infrastructure grande vitesse avec des localisations différentes des gares TGV (gares centrales et gares périurbaines). Les sorties du modèle (cf. figure 1.1 de couleur bleue) fournissent des informations spatiales inédites en termes d’urbanisation et d’accessibilité. Dans la dernière étape, le modèle est validé, d’une part avec l’utilisation de la méthode fuzzy Kappa et d’autre part, en comparaison avec les résultats du diagnostic spatial (cf. figure 1.1 de couleur marron) et avec d’autres informations socio-économiques dont nous disposons. 

Descriptions des hypothèses et qualification des scénarios géoprospectifs

Scénario A 

 la poursuite des tendances, période [2000-2040] Dans cette famille de scénarios, nous distinguons trois sous-scénarios : le scénario tendanciel haut, le scénario tendanciel central et le scénario tendanciel bas. Chacun de ces scénarios s’appuie sur des hypothèses basées sur les résultats du diagnostic spatial et sur la connaissance du vécu/terrain. Après analyse de ces différents scénarios, le scénario le plus probable, c’est-à-dire celui qui correspond le plus à la réalité, est isolé afin de servir de base à la construction du scénario LGV PACA. o Caractéristique du scénario tendanciel haut Dans cette forme de scénario, on assume l’hypothèse selon laquelle tous les dysfonctionnements qui ont eu lieu entre la période 1970-2000 seront reproduits de la même manière jusqu’en 2040. Autrement dit, au niveau de l’urbanisation, l’habitat est dispersé et l’étalement urbain continue à s’étendre autour des espaces naturels et agricoles. Les documents d’aménagement à l’image de la DTA du côté français et des piani regolatori ou du PTCP (Piano Territoriale di Coordinazione del Paesaggio) du côté italien ne sont pas appliqués et leur efficacité est remise en cause, mettant ainsi en évidence une absence notoire tel-00569939, version 1 – 25 Feb 2011 188 de politiques volontaristes pour la protection des espaces naturels et agricoles. Dans cette configuration, toute forme de décision devant réglementer la croissance urbaine semble ne pas exister. Au niveau de l’accessibilité, ce territoire reste isolé, comme en 2000, du reste de l’Europe du fait du réseau de transports saturé et notamment de l’absence d’infrastructure de transport à l’image d’une ligne à grande vitesse pouvant jouer un rôle d’équilibre. Ce scénario tendanciel haut est considéré comme un scénario de l’impossible car tout se passe comme si le territoire pouvait encore supporter le même rythme d’urbanisation que celui des 30 dernières années comme l’indique la figure 1.2, ci-dessous.

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