Devant I’abondance des substances liquides – eau à la surface du globe, magma sous la croute terrestre – et devant les possibilités d’élaboration de certains matériaux – métaux, verres, colloides – à partir de l’état liquide, la physique de cet état est pourtant restée longtemps en retard par rapport à celles des gaz et des solides. Ceci tient aux difficultés rencontrées pour établir une théorie unifiée de la matière dense désordonnée. Pendant longtemps, le liquide était étudié soit comme un gaz très dense, soit comme un solide cristallin fortement désordonné. La raison en est simple. Depuis les travaux de Van der lVaals, on sait qu’il est possible de passer de l’état liquide à l’état gazeux sans transition de phase, en contournant Ie point critique. A I’opposé, de nombreuses propriétés physiques des liquides ont des valeurs proches de celles des mêmes substances à l’état solide : la densité, I’arrangement atomique local et même les propriétés de transport électronique pour les matériaux conducteurs. Mais depuis quelques années, la physique de la matière désordonnée constitue un domaine de recherche très attractif et de grands progrès y ont été accomplis en employant des concepts physiques reposant sur la mécanique statistique et des techniques mathématiques très élaborées.
Les liquides métalliques sont le type même de matière dense désordonnée très étudiée ces dernières années, ajoutant le caractère métallique à la spécificité du liquide. A quelques exceptions près, l’étude de leur structure, qui sera notre préoccupation essentielle dans ce travail, repose sur I’hypothèse que l’énergie du système résulte d’une somme d’interactions de paire. Ainsi, cette étude comprend deux aspects principaux : I’un consiste à rendre compte de l’interaction existant entre les paires de particules (sites ioniques), I’autre à déduire de cette interaction la structure du milieu, pil un modèle qu’on espère le plus précis possible.
La particularité du caractère métalliqueest prise en compte dans l’évaluation du potentiel d’interaction entre les particules. Si, pour certains liquides tels les gaz rares liquéfiés, on a souvent recours à des potentiels empiriques tels celui de Lennard-Jones, la structure microscopique pa,rticulière des métaux impose un traitement différent. En effet, on assimile le métal à un ensemble de cæurs ioniques immergés dans le gaz d’électrons de valence. Afin de décrire la distribution des ions dans un tel milieu, on extrait de l’énergie totale du métal la part dépendant de la structure. L’évaluation de cette dernière impose une détermination des interactions au sein du fluide. Essentiellement électrostatique, I’interaction directe entre les ions est simple à prendre en compte. Par contre, les interactions existant entre électrons et ions et entre électrons sont plus difficiles à déterminer et nécessitent I’introduction des notions de modèle de potentiel et d’écrantage.
La notion de modèle de potentiel, initiée par Philipps ei Kleinmann (1959), permet de remplacer le potentiel réel d’interaction entre un électron et un ion par une pseudo-interaction faible susceptible d’être traitée en perturbation. Après avoir connu un développement formidable dans les années 1960 au cours desquelles la technique fut mise au point grâce notamment aux travaux de Heine, Abarenkov, Animalu, Ashcroft, Harrison, Shaw . .. , l’évolution des modèles de potentiel stagna au cours des années 1970. La décennie suivante vit réapparaître un certain intérêt pour ce domaine tant sur les problèmes très fondamentaux de transférabilité et de dépendance en énergie (Bachelet, Hamann et Schlùter (1982)) que sur les formes plus particularisées pour le lithium (Hoshino et Young (1936)) ou pour les métaux de transition (Bretonnet et Silbert (1991)). Cependant, I’utilisation de tels potentiels est demeurée marginale et le potentiel d’Ashcroft à un paramètre est resté très usité, principalement du fait de sa simplicité et de sa commodité.
La notion d’écrantage traduit le fait que les électrons, très légers, se redistribuent autour des ions de façon à compenser leur répulsion naturelle. Ces effets sont introduits par le biais d’une fonction diélectrique. L’approche est très ancienne mais s’avéra peu satisfaisante sous la forme primitive qu’elle prenait car elle ne tenait compte que des effets électrostatiques. Les années 1970 ont vu se développer, au travers des corrections de champ local, une théorie visant à introduire les effets d’échange et de corrélation. Parmi Ie grand nombre de formulations proposées, celles de Vashishta-Singwi (1972) et d’Ichimaru-Utsumi (1981) se sont imposées comme étant les plus rigoureuses.
Une fois le potentiel d’interaction erttre particules connu, la physique statistique doit en principe permettre d’obtenir la structure du liquide. Celle-ci, accessible expérimentalement par des mesures de diffraction de neutrons ou de rayons X, est décrite en termes de fonctions de distribution de paire. Cependant, les fortes densités des liquides ne permettent pas actuellement de résolution exacte du problème. Les diverses méthodes mises au point sont donc approximatives et s’avèrent plus ou moins bien adaptées selon le type d’interactions auquel on les applique. De nombreuses approximations ont été proposées au cours de ces trente dernières années et on peut les classer grossièrement en deux grands groupes.
Un premier groupe s’appuie sur la méthode des perturbations développée pour les grandeurs purement thermodynamiques par Zwanzig (195a) et adaptée à Ia description de la structure par Barker et Henderson (1967) et Weeks, Chandler et Andersen au début des années 1970. Le second groupe rassemble les méthodes intégrales. Celles-ci s’appuient sur I’inamovible équation d’Ornstein-Zernicke et sur une relation de fermeture approximative liant structure et potentiel. C’est à propos de cette relation de fermeture que de nombreuses variantes ont été développées et leur raffinement s’est considérablement accru ces dix dernières années (Zenh et Hansen (1986), Rogers et Young (1984) …).
Mais la façon dont est appréhendée l’étude de la structure des liquides a été fortement boulversée par I’essor des méthodes de simulation (dynamique moléculaire, Monte Carlo) qui, bien qu’anciennes, connaissent un développement extraordinaire du fait des p.|-,ir.urr. ». informatiques enfin disponibles. Lors d’un calcul de structure’ nous pouvons ierte, indépendamment, grâce à eùes, la validité des potentiels mis en æuvre et celle des théories approximatives utilisées.
La démarche suivie dans ce travail s’articule donc autour de deux idées. Tout d’abord, nous testons le potentiel utilisé pour décrire les interactions dans le métal. Pour cela, nous avons choisi le modèle de potentiel de Shaw (1968a et b) car il est de type premier principe. Bien que relativement ancien, ce fut le premier potentiel non-local ayant fait I’objet dtn traitement rigoureux. Le second axe directeur de notre étude est la comparaison de différentes méthodls existant pour décrire la structure. Les méthodes que nous confrontons à Ia dynamique moléculaire sont ORPA-WCA pour les méthodes de perturbation et SMSA pour les équations intégrales. Notre choix s’est porté sur ces méthodes car elles ne renferment aucun paramètre ajustable. A notre connaissance, elles n’ont jamais fait I’objet d’une .comparaison détaillée dans le domaine des liquides métalliques. Afin de faire apparaître d’éventuelles tendances, nous développons notre étude pour la série des métaux alcalins .
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