Déterminants de l’automédication
Etat du marché de l’automédication en terme de demande
Dans son article de 2008 paru dans la revue des affaires sociales, D Raynaud (34) rapportait que le recours à l’automédication était choisi de la propre initiative du patient/consommateur dans 46 % des cas, dans 10 % des cas il avait été conseillé par un proche et dans 43 % des cas par un professionnel de santé (médecin ou pharmacien, au téléphone ou au cours d’un précèdent entretien). L’utilisation de l’automédication augmentait avec l’âge pour être maximal entre 40 et 50 ans, puis tendait à décroître par la suite. Il apparaissait également que les femmes pratiquaient plus que les hommes l’automédication avec une probabilité de recours supérieure d’environ 50 % à tout âge. Les personnes jugeant leur état de santé comme altéré avaient moins recours à l’automédication que les personnes se trouvant en bonne santé, préférant vraisemblablement obtenir les conseils d’un médecin. Outre l’état de santé, l’âge et le sexe, les facteurs économiques et sociaux avaient eux aussi des effets différenciés sur le choix de l’automédication. Les personnes à niveau de vie élevé y avaient majoritairement recours par rapport aux personnes au niveau de vie plus modeste, avec une utilisation 40 % plus fréquente chez les personnes du 10éme décile par rapport au personnes du 1er décile, cela s’expliquant par le fait que les médicaments achetés en vue d’une automédication ne sont pas remboursables par l’assurance maladie, ni par les mutuelles qui ne versent de prestations le plus souvent qu’en complément de remboursements du régime de base. À l’inverse, quand le médicament est remboursable, la prescription par un médecin permet d’ouvrir le droit au remboursement de la Sécurité sociale, mais donc également des mutuelles. Par ailleurs le coût de la consultation chez le médecin généraliste n’ était que rarement source de renoncement aux soins (13;34). En terme socio-professionnel il apparaissait que les cadres et les artisans ont un plus fort tropisme à l’automédication que les ouvriers. Cela s’expliquait par le fait que, bénéficiant de revenus plus confortables, la charge représentée par le coût des médicaments était moins sensibles pour ces 25 catégories socio-professionnelles ( CSP ). Par ailleurs le recours à l’automédication était source de gain de temps pour ces CSP, qui ont généralement des journées de travail plus longue. Au-delà de l’effet revenu et la CSP, un fort effet diplôme était observé, les personnes à Bac+2 ou plus ayant un usage de l’automédication 39% supérieur aux personnes sans diplômes, les personnes ayant un faible niveau d’études exprimant une certaine méfiance vis-à-vis des médicaments d’automédication, en particulier en terme de qualité et de leur dangerosité. Inversement, les personnes au niveau d’études plus élevé expriment une certaine confiance sur ces points. Cette différenciation en rapport avec le niveau d’étude sur le recours à l’automédication semble pouvoir aussi s’expliquer par l’aura du médecin. Dans les milieux modestes, le rôle de conseil du médecin apparaît plus important, alors que les personnes ayant suivi des études s’estiment plus aptes à évaluer leurs symptômes(34). Enfin dans le détail des indications pour lesquelles les français s’automédiquent, en 2013, les chiffres de vente montrent que les médicaments indiqués dans les pathologies des voies respiratoires hautes et basses (24%), les antalgiques (18,7%), les médicaments du système digestif (13,4%), les spécialités dermatologiques (10%) étaient les plus vendus. Au contraire les sédatifs et tranquillisants (3,3%) et les vitamines (5,7%)(3). I-4 : Démographie médicale actuelle et future concernant la médecine générale en Haute Normandie Selon l’étude du CNOM de 2014 sur la démographie médicale en Haute Normandie, la région affichait une densité moyenne de 251 médecins en activité régulière pour 100 000 habitants, la région Haute-Normandie était la troisième région de France en termes de densité faible derrière la Picardie et la région Centre. D’après les analyses ordinales, la densité régionale sera de 248,2 médecins en activité régulière pour 100 000 habitants en 2018.Il y avait en 2014 1660 médecins 26 généralistes libéraux en activité régulière, contre 1767 en 2007, soit une baisse de 6,1% sur cette période. Les perspectives prévoient dans le futur proche une nouvelle baisse, avec à l’horizon 2018 une estimation de 1588 médecins dans la région soit un recul de 4,5% du nombre de médecin dans cette spécialité. L’âge moyen du médecin généraliste Haut Normand en 2013 était de 53 ans, et 28,1% étaient âgés de 60 ans ou plus, à contrario seuls 10.5% avaient moins de 40 ans(33). Les données actuellement affichées dans la littérature semblent donc montrer que le choix de l’automédication en première intention ne semblait pas augmenter, malgré un certain nombre de stimuli de l’assurance maladie en vue d’en encourager la pratique. La situation de faible démographie médicale en Haute-Normandie associée à une perspective d’évolution négative nous questionne donc sur l’état actuel de la pratique d’automédication de première intention dans notre région compte tenu de ses particularités de démographie médicale. 27 II : Objectifs II-1 : Objectif principal Comparer aux données existantes le recours au pharmacien en lieu du médecin généraliste en vue d’une automédication selon les grandes variables socio-démographiques que sont l’âge, le sexe et la catégorie socio-professionnelles, chez des patients de la région Haute-Normandie.
Objectifs secondaires
Définir quels types de pathologies sont susceptibles de provoquer une demande d’automédication via la pharmacie. Caractériser la finalité de ce comportement de soin, en explorant les motivations pécuniaires, les problématiques d’accès aux soins, et de volonté de libre-choix des patients. Evaluer l’impact de la généralisation du tiers payant dans la pratique d’automédication.
Matériel et méthode
Cabinets médicaux et officines pharmaceutiques
L’étude s’est déroulée du 7 septembre 2015 au premier décembre 2015. Des questionnaires (annexe 1 ) ont été déposés aux maisons médicales de Gaillon (27600) et Neufchâtel-en-Bray (76270), ainsi que dans les officines pharmaceutiques du Champ des Oiseaux à Bois-Guillaume (76230) et Noditza à Neufchâtel-en-Bray. III-2 : Population étudiée Tout patient se rendant dans les structures sus citées, concernant tous types de problèmes de santé, était susceptible d’être inclus dans l’étude via l’auto-remplissage du questionnaire réalisé sur la base de leur propre volontariat.
Questionnaire
L’élaboration du questionnaire (cf annexe 1) a été faite après recherche bibliographique et consultation de la littérature traitant de son sujet (3 ;7 ;13 ;14 ;15 ;16 ;17 ;21 ;22).
Recueil et exploitation des données
Une étude descriptive, transversale, multi-centrique a été réalisée sur des patients de cabinets médicaux et officines pharmaceutiques de Haute-Normandie. Les données ont été recueillies à l’aide d’un questionnaire papier rempli par le patient, puis codées et saisies afin de constituer une base de données informatisée dans le logiciel Microsoft Excel. Chaque questionnaire était anonyme et portait un numéro d’identification ainsi qu’une mention concernant le lieu de recueil. L’ensemble des données a été analysé de façon rétrospective afin de pouvoir les traiter en fonction des variables suivantes : sexe, âge, CSP. III-5 : Méthode statistique Pour la caractérisation des groupes, deux méthodes ont été employées : l’analyse de variance ou la comparaison de moyenne (test de Student) pour les variables quantitatives et le test de chi2/Fisher pour les variables qualitatives. Ces analyses ont été faites au seuil de 5% dans le cas d’un test bilatéral, et les tests multiples ont été contrôlés par la méthode de Holm (variable quantitative) ou le HSD de Tukey ( variable qualitative). Les analyses statistiques ont été réalisées via le logiciel R de R Core Team .
I. Introduction |