Détection et simulation d’instabilités viscoplastiques dans les disques de turbines
Géométries d’essais uniaxiaux
Les essais uniaxiaux réalisés les plus communément à ce jour sont toujours importants à mener pour avoir une bonne connaissance du comportement et de la rupture du matériau. En effet, dans le cadre de l’étude d’un disque en rotation, celui-ci rencontre de manière locale des états critiques similaires à ceux générés par ce type d’essais. C’est pourquoi nous avons choisi de réaliser des essais de traction sur des éprouvettes axi-symétriques lisses et entaillées, sur des éprouvettes en déformation planes et plates, entaillées ou non. Ces éprouvettes ont été testées pour deux températures, 20°C et 500°C et, pour certaines d’entre elles, sur une large plage de vitesses de déformation imposées.
Éprouvettes axi-symétriques lisses et entaillées
Éprouvette axi-symétrique lisse (AL ou ST) L’éprouvette axi-symétrique lisse (AL) (figure 2.1) est l’éprouvette de référence pour caractériser le comportement mécanique sous chargement uniaxial d’un matériau. Soumise à un effort de traction F sur les filets, l’éprouvette est sollicitée sur sa partie utile en traction simple. La zone utile ou zone centrale se caractérise par une zone où la déformation induite par le chargement est dans un premier temps homogène jusqu’à l’apparition dans un second temps d’une localisation de la déformation. A l’échelle macroscopique cela se traduit par l’apparition d’une striction (réduction importante du diamètre de l’éprouvette à un endroit précis) à l’endroit où la déformation devient hétérogène. Enfin cette éprouvette garantit une striction, et donc un amorçage de la rupture au sein de cette zone, dont la position exacte est inconnue avant la réalisation de l’essai. Figure 2.1 – Éprouvette axi-symétrique lisse (AL). Les dimensions sur plan sont présentées en annexe. Les grandeurs d’intérêt une fois l’essai réalisé sont la déformation (εi) et la contrainte (σi) exprimées dans la configuration de référence, grandeurs ingénieurs, la déformation (εv) et la contrainte (σv) exprimées dans la configuration actuelle, grandeurs vraies, ainsi que la réduction diamétrale (φ∗) calculées de la façon suivante : εi = ∆L L0 (2.1) σi = F S0 = 4F πΦ2 0 (2.2) φ∗ = φ φ0 (2.3) εv = log (1 + εi) (2.4) σv = F S = F S0 (1 + εi) = σi(1 + εi) (2.5) où ∆L est l’écartement mesuré au cours de l’essai entre deux points situés par exemple aux extrémités de la zone utile, L0, la longueur initiale de la zone utile, F, la force mesurée par la cellule de charge, S0, la surface initiale de la zone utile, φ0, le diamètre mesuré avant l’essai et φ le diamètre mesuré au cours de l’essai. Éprouvettes axi-symétriques entaillées (AE) Les éprouvettes axi-symétriques entaillées (AE ou NT pour notched tensile) sont des éprouvettes où une entaille de rayon R est dessinée dans la zone utile. L’éprouvette est toujours sollicitée en traction simple mais cette fois-ci la déformation dans la zone utile n’est plus homogène dès le début de l’essai. La géométrie implique que la déformation y est localisée avant d’assister à la rupture de l’éprouvette dans cette zone. Il a été décidé d’étudier trois géométries (figures 2.2a, 2.2b, 2.2c) avec un rayon d’entaille R de plus en plus sévère pour un diamètre φ0 identique. On remarquera, de part et d’autre de l’entaille, deux rainures permettant de faciliter la position de l’extensomètre et d’éviter tout glissement au cours de l’essai. La distance, L0, entre ces deux rainures est identique pour les trois géométries. (a) AE10 – NT10 (b) AE4 – NT4 (c) AE2 – NT2 Figure 2.2 – Éprouvettes axi-symétriques entaillées (AE – NT) de diamètre identique mais de rayon d’entaille de plus en plus sévère (représentées en couleur magenta, rouge puis jaune). Les dimensions sur plan sont présentées en annexe. Ces éprouvettes sont conçues de manière à pouvoir contrôler et faire augmenter la triaxialité au centre de l’éprouvette. Bridgman (1952) propose une formule analytique permettant de déterminer la triaxialité T0 au centre de l’éprouvette en fonction de ses caractéristiques géométriques : T0 = 1 3 + log » 1 + φ0 4R # (2.6) A titre de comparaison, la triaxialité des contraintes déterminée analytiquement par la formule 2.6 pour les différentes géométries lisse et entaillées est présentée dans le tableau 2.1. Cette approche est valable dans l’hypothèse où l’on ne tient pas compte de l’évolution de la géométrie de l’entaille au cours de la déformation et donc pour un chargement bien en amont de l’apparition de la striction. Bao et Wierzbicki (2005) proposent une formule analytique modifiée prenant en compte l’évolution géométrique. On verra par la suite, grâce aux calculs éléments finis, qu’après striction ces valeurs augmentent de manière significative. Type AL AE10 AE4 AE2 Bridgman 0.33 0.55 0.82 1.14 Table 2.1 – Valeurs analytiques de la triaxialité déterminées à partir de l’équation 2.6. Les grandeurs d’intérêt, une fois l’essai réalisé, sont le déplacement extensométrique, (Uext), la contrainte ingénieur, (σi) ainsi que la réduction diamétrale, (φ∗) : Uext = ∆L (2.7) σi = F S0 = 4F πΦ2 0 (2.8) φ∗ = φ φ0 (2.9) où ∆L est la différence d’écartement mesuré au cours de l’essai entre les deux rainures, F, la force calculée par la cellule de charge, S0, la surface initiale en fond d’entaille, φ0, le diamètre mesuré avant l’essai et φ le diamètre mesuré au cours de l’essai. 2.3.2 Éprouvettes à géométrie plate (D0) Éprouvette plate L’éprouvette plate (D0) à tête trouée (figure 2.3) est très similaire à l’éprouvette axi-symétrique lisse. Celle-ci est soumise à un effort de traction F via l’utilisation de goupilles fixées aux traverses de la machine de traction. La zone utile concentre de la même manière que l’éprouvette axi-symétrique lisse une déformation homogène jusqu’à striction et les grandeurs d’intérêt y sont identiques à l’exception du calcul de S0 qui s’exprime comme le produit de la largeur de la zone utile, l, par son épaisseur e. L’état de contrainte est ici dans un état intermédiaire entre un état de contrainte plane et un état de contrainte axi-symétrique. 17 CHAPITRE 2. CAMPAGNE EXPÉRIMENTALE Figure 2.3 – Éprouvette plate (D0). Les dimensions sur plan sont présentées en annexe. Cette géométrie a beaucoup été utilisée dans le but d’étudier l’apparition de bandes de localisation induites par le phénomène Portevin-Le-Chatelier compte tenu de la limitation d’une corrélation 2D à haute température. Un mouchetis tenant à haute température a été réalisé sur l’ensemble de ces éprouvettes dans le but d’accéder à une grandeur d’intérêt local, le champ de déplacement. Éprouvette plate entaillée (D0E) L’éprouvette plate entaillée (figure 2.4) permet, de la même façon que l’éprouvette axi-symétrique entaillée, d’augmenter la triaxialité des contraintes. Cependant compte tenu des surfaces planes, l’effet d’entaille est plus limité. Le rayon d’entaille est ici identique à celui de la NT4. Figure 2.4 – Éprouvette plate entaillée (D0E). Les dimensions sur plan sont présentées en annexe. Cette géométrie a principalement été utilisée pour mieux comprendre l’influence d’une entaille sur l’apparition des instabilités induites par le phénomène de Portevin-Le-Chatelier. De la même manière que l’éprouvette plate, un mouchetis a été utilisé dans le but d’accéder localement au champ de déplacement.
Éprouvettes en déformation plane Éprouvette déformation plane (DP)
L’éprouvette de déformation plane (DP) est construite sur le même modèle que l’éprouvette plate à la différence que la largeur l est très supérieure (douze fois dans notre cas) à son épaisseur e. Cette nouvelle géométrie confère à la zone utile de l’éprouvette un état de quasi déformation plane. Les simulations numériques élasto-plastiques permettent de confirmer que la déformation totale dans la direction de l’épaisseur, ε33, est quasiment nulle. Deux géométries d’attache de cette éprouvette sont à distinguer par la suite : l’une à tête plate (figure 2.5a) et l’autre à tête axi-symétrique (figure 2.5b). Les éprouvettes à tête axi-symétrique ont été utilisées pour les essais à chaud compte-tenu de la machine d’essai et du montage mis à disposition et les éprouvettes à tête plate ont été utilisées à température ambiante dans l’objectif de diminuer le coût matière. Au cours des essais sur éprouvette à tête plate, il est très difficile d’être sûr que l’éprouvette soit sollicitée parfaitement perpendiculairement à son axe. C’est pourquoi deux extensomètres placés de part et d’autre de la zone utile sont utilisés afin de savoir si une légère rotation est induite au cours du chargement. Trois courbes seront généralement tracées lors de la présentation des résultats : i) le déplacement mesuré par l’extensomètre lorsqu’il est placé à gauche ii) le déplacement mesuré par l’extensomètre lorsqu’il est placé à droite et iii) une moyenne de ces deux mesures que l’on appellera courbe moyenne. (a) DP à têtes plates. (b) DP à têtes axi-symétriques. Figure 2.5 – Éprouvettes de déformation plane (DP). Les dimensions sur plan sont présentées en annexe. Les grandeurs d’intérêt sont les deux déplacements extensométriques de part et d’autre de la zone utile, (∆L1) et (∆L2), la moyenne (U), et la contrainte ingénieur (σi) : Uext1 = ∆L1 (2.10) Uext2 = ∆L2 (2.11) U =< Uext1 + Uext2 > (2.12) σi = F S0 = F le (2.13) Éprouvette déformation plane entaillée (DP6) L’éprouvette de déformation plane entaillée (DP6) joue le même rôle que l’éprouvette axisymétrique entaillée. Celle-ci vise à reprendre l’éprouvette de déformation plane en ajoutant un rayon d’entaille R permettant à nouveau d’augmenter la triaxialité des contraintes. Deux géométries d’attache (figures 2.6a et 2.6b) expliquées précédemment ont été réalisées. Les grandeurs d’intérêt sont les mêmes que celles énoncées dans le paragraphe précédent. (a) DP6 à têtes plates. (b) DP6 à têtes axi-symétriques. Figure 2.6 – Éprouvettes de déformation plane entaillées (DP6). Les dimensions sur plan sont présentées en annexe.
Positionnement des éprouvettes sur le graphique Lode–Triaxialité
L’ensemble de ces géométries a été choisi de manière à représenter différents états de sollicitations locaux. Ainsi, chaque éprouvette décrite précédemment peut être positionnée schématiquement sur un diagramme où le paramètre de Lode (L) est tracé en fonction de la triaxialité des contraintes (T) (graphique 2.7). Chaque étoile est associée à une géométrie et est valable pour un état proche de la configuration initiale. On néglige ici le trajet de chargement et donc l’évolution géométrique qui altère l’état de sollicitation local final. De plus, on rappelle que la courbe de couleur noire (courbe de référence sur la figure 2.7) est établie pour un état en contrainte plane de von Mises (voir chapitre 1.3). Pour chaque géométrie, on calcule le paramètre de Lode ainsi que le coefficient de triaxialité. Il apparaît, comme cela était attendu, que les quatre éprouvettes axi-symétriques (AL, AE10, AE4 et AE2) présentent au centre une valeur du paramètre de Lode égale à 1, ce qui correspond à un état de sollicitation en traction pure. On remarque que la triaxialité augmente avec la sévérité de l’entaille de l’éprouvette. Les éprouvettes plates (D0 et D0E) présentent un paramètre de Lode égal à 0.75 et un coefficient de triaxialité qui augmente avec la présence de l’entaille. Il faut noter que le coefficient de triaxialité est identique pour le même rayon d’entaille des deux éprouvettes (D0E) et (AE4). Enfin pour les éprouvettes en déformation plane (DP) et (DP6), le paramètre de Lode est nul. L’ajout d’une entaille sur l’éprouvette sur cette géométrie se traduit également par une augmentation significative de la triaxialité. Ainsi, ce graphique 2.7 est très important car il servira de référence. En effet, les différents points critiques du disque de turbine soumis à une force centrifuge pourront être placés sur ce graphique. On pourra en déduire que les points du disque qui occuperont les mêmes positions que celles des éprouvettes obéiront ainsi à la même loi de comportement.
1 Introduction |