Détection de la résistance aux insecticides
Généralement la détection de la résistance aux insecticides chez une population se divise en trois étapes : les tests insecticides sur les insectes ou détection de la résistance phénotypique, les méthodes biochimiques et les méthodes moléculaires qui visent surtout à caractériser les mécanismes impliqués dans la résistance (World Health Organization 1998).
Détection de la résistance phénotypique
Les protocoles de test insecticide recommandés par les experts de l’OMS ont pour but d’identifier la résistance phénotypique chez une population par rapport à une « ligne de base » (World Health Organization 1970). Pour cela, il est essentiel de déterminer le niveau de résistance chez une population n’ayant pas subi de pression insecticide et où les individus résistants sont rares. Les données obtenues 36 I. chez les populations sensibles serviront de référence pour déterminer la sensibilité de la population étudiée. L’approche « temps d’exposition-réponses » consiste à exposer les insectes à une seule concentration pendant plusieurs intervalles de temps (Temps Létal ou TL); tandis que l’approche « concentrationsréponses » consiste à utiliser plusieurs concentrations et regarder les mortalités correspondantes et faire l’analyse des Concentrations Létales (CL). Les résultats sont ensuite analysés sous forme graphique avec souvent une droite de régression entre la mortalité et le logarithme du temps d’exposition ou des concentrations utilisées (Hemingway 1995). Il est alors possible de déterminer à partir de ces données la concentration ou le temps au bout duquel 100% de mortalité est obtenu pour une population sensible. C’est le temps ou la concentration diagnostique. On doit soupçonner la présence d’individus résistants aux insecticides si l’écart des CL50 est très important ou si l’écart des CL50 étant faible mais la ligne de régression est beaucoup plus horizontale que la ligne de référence, ou si la ligne de régression se terminant en plateau il est impossible d’obtenir des CL90 ou des CL100 (Hamon and Mouchet 1961). Le même raisonnement peut être appliqué pour l’étude du temps diagnostique (Brogdon and Chan 2010). Cependant il a été prouvé que l’approche temps-réponse est plus sensible en détectant le changement de la sensibilité aux insecticide dans une population, et correspond plus aux résultats des tests biochimiques (World Health Organization 1970, Brogdon and McAllister 1998a). Une des hypothèses avancées serait que la quantité d’insecticide absorbé par contact, et donc la toxicité de l’insecticide serait fonction de temps d’exposition (Roush and Mckenzie 1987). Ainsi à part la mortalité finale, la mesure du KD50 ou KD90, qui sont respectivement le temps au bout de lequel 50 ou 90% des individus sont mourants ou paralysés, donnent une idée du degré de résistance dans une population (Kofi et al 1998, Karunaratne et al 2007, Nkya et al 2014). KD vient du terme «knock-down» qui est un effet typique du mode d’action des insecticides qui ciblent les canaux à sodium voltage dépendants (DDT et pyréthrinoïdes). Cet effet est provoqué par une excitation excessive de la fibre nerveuse qui se traduit par une paralysie puis la mort plus ou moins réversible de l’insecte suivant l’insecticide et la dose utilisée (Haubruge and Amichot 1998). L’effet KD représente la traduction symptomatologique de la sensibilité du système nerveux de l’insecte vis-à-vis du pesticide (Haubruge and Amichot 1998). Il existe généralement une corrélation inverse entre les temps de KD et le taux de mortalité résultant: plus ce temps est élevé, plus le taux de mortalité qui en résultent est faible (Koffi et al 1998).
Méthodes biochimiques pour la détection de la résistance
Les tests biochimiques visent à mesurer l’activité des enzymes de détoxication des insecticides impliquées dans les mécanismes de la résistance métabolique. Les études de l’action des synergistes ont constitué les prémices des études sur l’implication des enzymes de détoxication dans la résistance métabolique chez le moustique ainsi que chez d’autres espèces d’insecte. Les insectes préalablement exposés à ces molécules perdent leur résistance à un insecticide ou à des groupes d’insecticide si l’enzyme de détoxication recherché est présent chez l’insecte (Picollo and Vassena 2000). En comparant ensuite le niveau de résistance obtenu entre une population exposée ou non avec les synergistes, l’expérimentateur est en mesure de diagnostiquer le mécanisme de détoxication mis en jeu chez l’insecte (Brogdon and McAllister 1998b). Cependant, les résultats de ces tests sont à prendre avec précaution car certains synergistes n’arrivent pas à bloquer efficacement certains enzymes de détoxication (Liu 2015). Le dosage enzymatique était l’approche la plus utilisée (Adelman et al. 2011, Gnanguenon et al. 2015). Il s’agit de mesurer l’activité enzymatique ou l’augmentation du métabolisme chez l’insecte en faisant des dosages enzymatiques, ciblant les principaux enzymes impliqués. L’extraction enzymatique est effectuée sur des individus résistants et sensibles. Les valeurs obtenues sont ensuite comparés à une valeur standard obtenue chez une souche sensible de référence. Plusieurs techniques ont été développées pour le dosage enzymatique, mais la plus courante est celle utilisant la lecture des plaques par spectrophotométrie (World Health Organization 1998).
Détection moléculaire de la résistance
La détection moléculaire de la résistance aux insecticides permet de voir les changements au niveau génétique (Berticat et al 2008). Les plus facilement détectables sont les mutations impliquées dans la modification des cibles (kdr, Ace 1) (Weill and Malcolm 2004). La mise en place des méthodes moléculaires incluent l’extraction d’ADN, les réactions PCR (polymerase chain reaction), le séquençage et le clonage. Les détections de routine se font par PCR en utilisant des amorces spécifiques encadrant le gène d’intérêt et permettent d’étudier plusieurs populations à la fois (Adelman et al 2011). Cette technique permet surtout de trouver les gènes responsables de la résistance par modification des cibles. D’autres techniques visant à étudier les mécanismes moléculaires à la base de la résistance métabolique. Par exemple chez les moustiques, la résistance aux insecticides associés à l’enzyme GST est due à une défaillance de la régulation du gène codant pour cette protéine, provoquée elle-même par une 38 I. mutation. Elle se manifeste par une surexpression ou un taux de transcription élevé du gène (CheMendoza et al. 2009). La technique de « microarray » ou puce à ADN permet d’analyser en même temps les différents profils de transcription des superfamilles des gènes impliqués dans la résistance aux insecticides (David et al. 2005, Mitchell et al. 2012, Nkya et al. 2014, Thomsen et al. 2014). Les outils de la bioinformatique permettent aussi une analyse poussée des séquences de gènes des populations d’intérêt, générées par les techniques comme le séquençage à haut débit, et ensuite comparées avec les séquences disponibles dans les banques de données (Adelman et al 2011).