Description générale des campylobacters
Taxonomie, phylogénie
Les campylobacters appartiennent à la superfamille VI des protéobactéries (anciennement groupe des bactéries à coloration de Gram négative). Cette superfamille comprend 4 genres : Campylobacter, Arcobacter, Helicobacter et Wolinella. Les campylobacters et les arcobacters appartiennent à la famille des Campylobacteriacae dont le genre Campylobacter est le genre type. Aujourd’hui, 16 espèces sont décrites, 6 sous-espèces et de nombreux biovars. La plupart d’entre elles présente une importance clinique et/ou économique. Au sein du genre Campylobacter, il est possible de classer les espèces en 3 groupes : le groupe thermotolérant, le groupe « fetus » et le groupe anaérobie. C. jejuni et C. coli appartiennent au groupe thermotolérant (On 2005). C. jejuni comprend 2 sous-espèces qui diffèrent substantiellement dans leur répartition et dans une moindre mesure dans leur écologie. C. jejuni subsp. jejuni est souvent noté C. jejuni. Il correspond au taxon qui avait été isolé par Jones et al. en 1931 (Jones, Orcutt et al. 1931). L’arbre phylogénique des campylobacters est présenté sur la figure 1.
Morphologie des campylobacters
Les Campylobacteriacae sont des bactéries incurvées, spiralées ou en forme de S. Leur taille varie de 0,2 à 0,9 µm d’épaisseur et de 0,5 à 5 µm de long. Ces bactéries sont mobiles, munies d’un flagelle polaire unique à l’une ou à leurs deux extrémités (Federighi 1999; Megraud 2000; Snelling, Matsuda et al. 2005). L’observation au microscope montre un déplacement caractéristique souvent décrit comme un « vol de moucheron » ou « en tire-bouchon ». Les cellules bactériennes au sein d’une colonie présentent une hétérogénéité d’âges et d’états physiologiques. Il est admis qu’à la périphérie de la colonie, les cellules sont très actives, en croissance alors qu’au centre et à la surface de la colonie, les nutriments sont moins disponibles et les cellules tendent à vieillir et à être moins actives. Dans une colonie de C. jejuni (cultivée sur un milieu gélosé), différentes formes prédominent dans les différentes zones de la colonie. Les formes spiralées sont majoritaires à la périphérie et les cellules coccoïdes sont plutôt au centre de la colonie. Cette observation suggère que les formes spiralées sont des bactéries en activité, alors que les formes coccoïdes sont des formes de vieillissement. Les différentes formes de C. jejuni sont visibles sur la photographie de la figure 2 (Ng, Sherburne et al. 1985)
Génome des campylobacters
Le génome de la souche C. jejuni NCTC 11168, a été publié en février 2000 (Parkhill, Wren et al. 2000). La bactérie possède un chromosome circulaire de 1,64 Mb. Le pourcentage G+C est parmi les plus bas chez les bactéries (30-38%). Le génome des campylobacters est de très petite taille (par exemple, le génome d’Escherichia coli est d’environ 5 Mb). Cette petite taille est sans doute à relier à Description générale des campylobacters 20 la nature délicate et aux exigences nutritionnelles de ce microorganisme. Ce handicap est compensé par les très grandes capacités de réarrangements génomiques (Federighi 1999). De plus, l’analyse du génome de campylobacter a révélé que ce micro-organisme est démuni de la plupart des mécanismes de réparation de l’ADN présent chez les autres genres bactériens (Parkhill, Wren et al. 2000). Ces observations pourraient expliquer les taux de mutation élevés observés chez cette bactérie.
Détection et isolement des campylobacters
Une des raisons qui explique la longue durée écoulée entre la première observation de campylobacter et sa culture au laboratoire est certainement liée aux nombreuses exigences que ces microorganismes arborent. Le développement d’un milieu sélectif de culture pour l’isolement des campylobacters dans les selles humaines par Martin Skirrow en 1977 (Skirrow 1977) a permis de confirmer le rôle de cette bactérie dans la maladie chez l’homme. Avant la mise au point de ce milieu sélectif, la détection des campylobacters se faisait par filtration sur membrane des selles de patients malades sur un milieu non sélectif, ce qui représentait un travail lourd et laborieux. Bien que le milieu de Skirrow soit efficace pour isoler les campylobacters des prélèvements fécaux humains, il était beaucoup plus difficile à appliquer aux prélèvements animaux et environnementaux, en raison des autres espèces bactériennes présentes dans ces prélèvements. Ceci a conduit à la mise au point en 1982 par Bolton du milieu sélectif de Preston, qui permettait l’isolement de campylobacter à partir prélèvements d’aliments ou d’environnement (Bolton and Robertson 1982). Dans les années qui ont suivi ces publications, des milieux plus sensibles et plus sélectifs ont permis d’améliorer la détection des campylobacters (Moore, Corcoran et al. 2005).
Conditions générales de culture de campylobacter
Atmosphère
– Microaérophilie : les campylobacters se cultivent en présence d’une atmosphère appauvrie en oxygène, comprise entre 3 et 15% (Federighi 1999; Megraud 2000; On 2005). – Capnophilie : les campylobacters exigent une atmosphère enrichie en CO2 (10%) pour cultiver (Federighi 1999; Megraud 2000; On 2005). Actuellement, ces conditions atmosphériques sont facilement obtenues soit dans des jarres avec des sachets générateurs en présence d’un catalyseur, soit dans une étuve par l’utilisation directe du mélange gazeux stocké dans des bouteilles, permettant de réguler les quantités de CO2 (Federighi 1999). 2.1.2 Température Une température d’incubation de 37°C permet le développement de toutes les espèces de campylobacter connues. Mais la capacité de croissance à d’autres températures constitue un caractère différentiel d’espèces important, notamment à 25° et 42°C. On observe des espèces se développant à 25°C et non à 42°C parmi lesquelles Campylobacter fetus et des espèces se développant à 42°C et non à 25°C, appelés campylobacters thermotolérants, dont les espèces d’intérêt en hygiène des aliments (Dromigny 2007).On peut donc en conclure qu’une incubation à 37°C sur des milieux non sélectifs permettra la culture de toutes les espèces de campylobacter tandis que 42°C constituera la température optimale de recherche de C. jejuni et C. coli. Il semble que la température d’incubation de 42°C pour les campylobacters thermotolérants soit un avantage pour le faible compétiteur microbiologique qu’est campylobacter, car dans les prélèvements polymicrobiens (prélèvements fécaux et alimentaires par exemple), les germes de la flore compétitive ont souvent une croissance moins importante à 42°C. Cette température d’incubation va ainsi renforcer la sélectivité du milieu (Federighi 1999).
Méthodes de détection
Choix de la méthode en fonction de l’origine des prélèvements
L’origine des prélèvements influe sur : • Le niveau de contamination par campylobacter : par exemple, les prélèvements de fientes de volailles contiennent environ 106 à 108 UFC/g, les prélèvements d’aliments ou d’eau en contiennent beaucoup moins (en relation avec leur niveau de contamination). • L’ « état » des campylobacter : dans les prélèvements environnementaux, les campylobacters sont souvent dit « stressés ». Ils ont été prélevés dans un milieu peu propice à leur croissance, souvent dépourvu en nutriments. Dans ce cas, les campylobacters vont nécessiter une phase de « récupération » de quelques heures dans un milieu non sélectif (Humphrey 1989). Si la culture des campylobacters est réalisée directement à partir du prélèvement, on parlera d’isolement direct. Si elle est réalisée après une phase d’enrichissement, on parlera d’isolement indirect.
Enrichissement
Cette phase d’enrichissement permet d’augmenter le nombre de campylobacters dans le milieu. Elle favorise la détection des campylobacters dans les prélèvements où ces bactéries sont en faible nombre, ou stressées et/ou en présence d’une flore compétitive abondante. L’enrichissement est donc recommandé pour les prélèvements d’environnements (Newell, Shreeve et al. 2001). L’enrichissement consiste à incuber les prélèvements dans des bouillons sélectifs (contenant des antibiotiques) pendant 24 à 48h à 37°C (Bolton and Robertson 1982). Ces bouillons sélectifs dérivent pour la plupart des milieux solides les plus connus (par exemple : Bouillon d’enrichissement de Preston).
Technique de culture sélective des campylobacters
Deux possibilités existent pour cultiver sélectivement les campylobacters : les milieux sélectifs et la filtration.
La filtration
Dans les milieux polymicrobiens, il existe une alternative à l’utilisation des milieux sélectifs pour éliminer la flore compétitive de campylobacter : la technique de filtration. La suspension est déposée sur un filtre (pores de 0,65 µm de diamètre) posé sur une gélose au sang ou au chocolat. Le filtre esetiré après un temps variable (30 minutes à 2 heures) et la gélose est incubée à 37°C. Seuls les campylobacters sont capables de traverser le filtre et se développent sur la gélose. Cette technique, longue et fastidieuse, permet d’isoler les espèces fragiles de campylobacter et nécessite que les prélèvements soient très riches en campylobacter (Federighi 1999).
Les milieux sélectifs
Les milieux sélectifs sont des géloses ou des bouillons au sang additionnées de plusieurs antibiotiques qui vont inhiber la flore saprophyte des prélèvements. Les campylobacters sont sensibles au stress oxydatif, donc la plupart de ces milieux contient des ingrédients qui protègent les campylobacters des effets toxiques des oxydants. Les plus utilisés sont le sang défibriné ou lysé, le charbon de bois, des combinaisons de sulfate de fer, de métasulfite de sodium et de pyruvate de sodium (FPB) et l’hématine (Corry, Post et al. 1995). Les 3 milieux les plus connus sont (Corry, Post et al. 1995): • le milieu de Skirrow (Skirrow 1977) • le milieu de Karmali (Karmali, Simor et al. 1986) • le milieu de Butzler (Virion) (Goossens, De Boeck et al. 1983) La composition du milieu d’enrichissement de Preston et de ces 3 milieux sélectifs est indiquée dans le tableau 1. Les géloses sont ensuite incubées pendant 48 h à 37°C ou 42°C en fonction des espèces de campylobacter recherchées. Après isolement, il est possible de cultiver les isolats de campylobacter sur des géloses non sélectives comme la gélose de Mueller-Hinton complémentée de 5% de sang de mouton défibriné.