Elaboration de complexes porphyrines/C6
Synthèse de porphyrines selon la méthode de J. S. Lindsey
Synthèse d’une méso-tétraaryl-porphyrine
S. Lindsey a mis au point une méthode concernant la synthèse de porphyrines mésosubstituées, dans des conditions plus douces et permettant l’utilisation de benzaldéhydes sensibles. Elle évite, également, les problèmes éventuels de purification. La TPP est ainsi obtenue avec un bon rendement, reproductible, en petites quantités.[108] La condensation entre quatre équivalents de pyrrole et quatre équivalents de benzaldéhyde se fait dans du chloroforme, voire du dichlorométhane, sous atmosphère contrôlée, en présence d’un catalyseur acide et à température ambiante. Cette réaction correspond à un équilibre, fonction, entre autres, de la concentration initiale des réactifs. Elle est donc réversible. Lorsque l’équilibre est atteint, c’est à dire quand le tétraphénylporphyrinogène est l’espèce majoritaire, on oxyde irréversiblement celui-ci pour obtenir la porphyrine désirée (Figure I. 4). Les conditions expérimentales ont été optimisées. Ainsi, la concentration pour chacun des réactifs doit être de 10-2 M et le catalyseur acide est soit le BF3.OEt2 soit l’acide trifluoroacétique (TFA). La concentration pour le premier est de 3,3.10-3 M, tandis que pour le second, elle est de 10-2 M. Par contre, ce dernier favorise la formation de dipyrrylméthanes.[110] Lors de la première étape, il se produit la réaction de cyclisation voulue mais également une polymérisation, réaction parasite. Celle-ci explique le fait que le rendement final en porphyrine ne soit que de 50% au maximum. Avec une concentration en benzaldéhyde de 10-2 M, la réaction de cyclisation est favorisée, tandis qu’à des concentrations de 10-1 ou 10-3 M le rendement final chute et n’est plus que de 10 à 15%. L’étape de condensation atteint son équilibre au bout d’une heure. Comme elle a lieu sous atmosphère inerte, l’intermédiaire porphyrinogène n’est oxydé qu’au courant de la seconde étape, lors de l’ajout d’un oxydant, soit le p-chloranil (2,3,5,6-tétrachloro-1,4-benzoquinone), soit la DDQ (la 2,3-dichloro-5,6- dicyano-1,4-benzoquinone). Cette dernière agit rapidement, à température ambiante, mais 38 donne de moins bons rendements, tandis que le premier nécessite l’emploi d’un chauffage à reflux, pour un résultat meilleur. La réaction de condensation est suivie par prélèvements d’échantillons qui sont oxydés par l’emploi de DDQ, tandis que l’oxydation se fait par l’emploi du p-chloranil, avec chauffage à reflux de la solution. L’oxydation conduit à la formation de la méso-tétraphényl-porphyrine désirée mais également à celle de polymères, les polypyrrométhènes, et de dipyrrylméthènes provenant respectivement de l’oxydation des polypyrrométhanes et des dipyrrylméthanes. La purification de la porphyrine se fait par chromatographie sur colonne de silice. condensation condensation cyclisation polymérisation tautomérie tétraaryl-porphyrinogène polypyrrométhanes tétraaryl-porphyrine polypyrrométhènes dipyrrométhènes oxydation oxydation Figure I. 4. Mécanisme de formation d’une tétraaryl-porphyrine selon Lindsey.[110] Le seul inconvénient de cette méthode est la concentration utilisée qui, à moins de travailler avec d’énormes volumes de solvant, ne permet pas l’obtention de très grandes quantités de produit. Mais, comme le rendement est facilement reproductible, il s’agit juste de reproduire plusieurs fois la manipulation pour obtenir quelques grammes de produit. Comme ceci se fait dans des conditions douces, il est possible d’employer un grand nombre de benzaldéhydes différents, sensibles ou non, permettant la synthèse de très nombreuses porphyrines. En effet, elle ne permet pas uniquement la synthèse de porphyrines de symétrie A4 mais également, par condensation mixte entre deux benzaldéhydes différents, de porphyrines de symétrie plus basse, comme celles de type A3B. 39
Obtention d’une porphyrine de type A3B
En condensant deux benzaldéhydes différents A et B, à la concentration totale de 10-2 M, avec un nombre équimolaire de pyrrole, dans du CHCl3, en présence de BF3.OEt2, on obtient un mélange statistique de six porphyrines différentes. Les différentes symétries possibles sont A4, A3B, A2B2 trans, A2B2 cis, AB3 et B4. Le rendement de chaque porphyrine dépend de la réactivité des deux aldéhydes, ainsi que de leur proportion respective. Pour obtenir une porphyrine de type A3B, on fait réagir trois équivalents de l’aldéhyde A avec un équivalent de l’aldéhyde B et quatre équivalents de pyrrole. Le rendement maximal est alors de 20 à 25% (Figure I. 5).Figure I. 5. Synthèse d’une porphyrine de type A3B par condensation mixte de 2 benzaldéhydes avec le pyrrole.[111] C’est cette méthode qui a été utilisée pour synthétiser la porphyrine mono-[18,6]-éthercouronne, objet de notre étude. 40 2. Synthèse des aldéhydes de départ de la porphyrine A3B [18,6]-éther-couronne. Pour obtenir la porphyrine A3B, il faut d’abord préparer les deux aldéhydes A et B. L’aldéhyde A (5) est le di-tert-butyl-benzaldéhyde tandis que l’aldéhyde B (11) est le [18,6]- éther-couronne benzaldéhyde (Figure I. 6). O O O O O O NH N N HN tBu tBu tBu tBu tBu tBu N H 1) , BF3 .Et2O CHCl3, 1 h 2) 3 éq. p-chloranil, ∆, 1 h O O O O O O CHO tBu CHO tBu 1 + 3 A (5) B (11) A3B (12) R = 13% Figure I. 6. Synthèse de la porphyrine A3B mono-éther-couronne 12. A. Préparation du 3,5-di-tert-butylbenzaldéhyde.[112-114] Cet aldéhyde s’obtient en 3 étapes (Figure I. 7). La première consiste à réaliser une substitution électrophile aromatique sur le toluène, pour obtenir le 3,5-di-tert-butyl-toluène 2. La seconde est une réaction de bromation radicalaire et se fait sous irradiation. Deux dérivés bromés sont alors obtenus, le mono-bromé 3 et le di-bromé 4. Ces deux dérivés sont alors mis ensemble et par réaction de Sommelet et d’hydrolyse, le 3,5-di-tert-butyl-benzaldéhyde 5 est finalement synthétisé. H O tBu t CH2Br Bu tBu tBu CHBr2 tBu tBu CH3 tBu tBu CH3 ∆ NBS, hν benzène + 1) HMTA H2O/EtOH ∆, 3h 2) HCl conc. ∆, 1h30 tBuCl AlCl3 , t. a. 2 3 4 5 Figure I. 7. Synthèse du di-tert-butyl-benzaldéhyde A (5).[112-114] 41 La première étape dure 24 heures et se fait dans du toluène, qui est réactif et également solvant, en présence de deux équivalents de 2-chloro-2-méthyl-propane (tBuCl) et de 4% d’AlCl3. Ce dernier est un acide de Lewis, catalyseur de la réaction, fortement exothermique. La substitution électrophile se fait principalement en position méta du toluène pour des raisons stériques, le produit désiré, le 3,5-di-tert-butyl-toluène 2, est donc majoritaire. Après divers lavages, le produit brut est distillé sous vide pour isoler le produit 2 des autres produits formés par substitution, ainsi que des réactifs. La bonne fraction est déterminée par spectroscopie RMN du proton. Le toluène disubstitué est obtenu avec un rendement de 39%. La deuxième étape se fait par irradiation du 3,5-di-tert-butyl-toluène 2 avec 1,5 équivalents de N-bromo-succinimide (NBS) dans du benzène, à reflux. La réaction débute lorsque les radicaux Br. dus à la NBS sont libérés dans le milieu. Ceci a pour effet de libérer du brome et de changer la couleur de la solution, elle passe du jaune clair à l’orange. Quand elle est finie, c’est-à-dire quand tous les radicaux ont été consommés, le milieu redevient jaune clair. Il y a formation de la N-succinimide, insoluble. Après filtration du précipité blanc de NHS, puis évaporation du solvant, une huile jaune-orange est obtenue, contenant les deux dérivés bromés 3 et 4 (Figure I. 8). Celle-ci est utilisée telle quelle pour l’étape suivante. Le ratio de dérivé mono-bromé par rapport au dérivé di-bromé peut être déduit des spectres RMN du proton en calculant les intégrations relatives à chaque produit. Il varie de 40/60 à 60/40 selon les fois. Si l’on avait ajouté plus de 1,5 équivalents de NBS, le dérivé di-bromé serait favorisé par rapport au dérivé mono-bromé mais il pourrait y avoir formation du dérivé tri-bromé. Le problème étant que ce dernier s’avère inutile pour la suite. 42 N O O N O O Br NBS NS ΦCH2 H Br NS ΦCH2Br H NS ΦCH2Br NHS ΦCBrH H Br NS ΦCHBr2 H NS ΦCHBr2 NHS . . hν Initiation : . Propagation : . . + + . . . + + . + . . + + . . . + + . + puis Br Figure I. 8. Mécanisme de la bromation radicalaire. La troisième étape se fait par réaction des deux dérivés bromés 3 et 4 dans un mélange H2O/EtOH en présence de 2,6 équivalents d’hexa-méthylène-tétra-amine (HMTA), le tout étant chauffé à reflux. Après trois heures, est ajouté, goutte à goutte, à l’aide d’une ampoule à addition, une solution d’HCl concentrée. Après divers lavages et évaporation du solvant, le produit est recristallisé, pour l’essentiel. Le reste est purifié par chromatographie sur colonne de silice. Le 3,5-di-tert-butyl-benzaldéhyde 5 est obtenu avec un rendement de 48%. Cette réaction, dite de Sommelet, permet d’oxyder le dérivé mono-bromé 3 en aldéhyde 5, alors que 4 n’est qu’hydrolysé pour conduire lui aussi au composé 5. B. Préparation du [18,6]-éther-couronne-benzaldéhyde. Cet aldéhyde s’obtient en deux étapes (Figure I. 9). La première est la protection du penta-éthylène-glycol par le groupement tosyle, bon groupe partant. La seconde étape est la substitution nucléophile du 3,4-dihydroxy-benzaldéhyde sur le penta-éthylène-glycol ditosylé 10, avec formation du cycle éther-couronne pour obtenir le [18,6]-éther-couronnebenzaldéhyde . Figure I. 9. Synthèse de l’adéhyde [18,6]-éther-couronne B (11). La protection du penta-éthylène glycol se fait avec 2,2 équivalents de chlorure de ptoluène-sulfonyle, dans la pyridine, à froid. Après 18h d’agitation, la solution est lavée. Après évaporation du solvant, l’huile brune-jaune est purifiée par chromatographie sur colonne de silice. Le penta-éthylène glycol ditosylé 10 est alors obtenu avec un rendement de 78% La seconde étape se fait dans le CH3CN, en présence de 4 équivalents de CsF. Celui-ci déprotonne le 3,4-dihydroxy-benzaldéhyde. Le double alcoolate ainsi obtenu, nucléophile, va alors se substituer aux tosylates du penta-éthylène-glycol. La réaction se fait sous chauffage à reflux, pendant 6 jours, en solution diluée, ce qui permet la cyclisation. Le [18,6]-éthercouronne-benzaldéhyde 11 est alors obtenu avec un rendement de 89%, après filtration, lavage et chromatographie sur colonne de silice. L’huile jaune cristallise au réfrigérateur.
INTRODUCTION |