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Pourquoi le groupe ComMod utilise-t-il des modèles pour questionner la GRNR ?
Les expériences décrites précédemment montrent que les chercheurs du groupe ComMod travaillant sur la viabilité des modes de GRNR fondent leurs recherches sur la modélisation. Voyons donc pourquoi.
Pour rendre compte de la complexité de la gestion des ressources naturelles et renouvelables.
Les ressources naturelles renouvelables sont soumises à une grande variabilité naturelle ou d’origine anthropique. Les écosystèmes sont complexes parce que le moindre changement des conditions initiales modifie la trajectoire d’ensemble du système. Les écosystèmes naturels existent dans des gammes d’échelles spatiales et temporelles variables : rien de comparable entre la gestion d’un forestier sur plusieurs siècles et celle de réserves halieutiques susceptibles d’être épuisées en quelques décennies (J. Weber et D. Bailly, 1993).
Une autre source de la complexité de la GRNR réside dans la multiplicité des acteurs impliqués. Les interactions entre sociétés et ressources peuvent impliquer des structures collectives ou des individus. Ces multiples acteurs, éléments d’un même système social, sont le produit d’une histoire et sont mus par des intérêts personnels ou communs. Ils occupent des positions sociales et se comportent en fonction de rôles et de règles collectives. Sur une même ressource, les acteurs peuvent ainsi avoir des points de vue multiples. Ils interviennent dans les processus de décision avec des niveaux d’« engagement » variés. Ces processus de décision autour de la ressource s’effectuent sur des pas de temps variables.
La GRNR est complexe, dynamique et multidimensionnelle. En conséquence, chaque acteur peut avoir un point de vue différent sur une même ressource. Dans ce cas, comment gérer ensemble cette ressource sans que des conflits d’intérêt n’apparaissent ? La modélisation a été privilégiée par les membres du groupe ComMod comme un moyen de prendre en charge la complexité de la GRNR et de favoriser l’échange de points de vue différents.
Modéliser pour limiter la part de “learning by doing”
Dans les méthodes participatives de développement, les expériences réalisées ont bien souvent fonctionné par tâtonnement utilisant parfois la population cible comme population « cobaye » en sous estimant l’ensemble des conséquences sociales et économiques de leurs interventions dans les sociétés locales, régionales ou nationales (P. Aquino (d’), 2002; J.-P. Chauveau, 1994; J.-P. Olivier de Sardan, 1995; J.N. Pretty, 2000).
La modélisation a été privilégiée par les membres de l’équipe comme un moyen de limiter la part du « learning by doing » dans la mise en œuvre des projets de recherche-développement. La modélisation est définie comme « toute action d’élaboration et de construction susceptible de rendre intelligible un phénomène perçu comme complexe et d’amplifier le raisonnement de l’acteur projetant une intervention délibérée, notamment par l’anticipation des conséquences des projets d’action possible » (J.-L. Le Moigne, 1990). La modélisation est ainsi utilisée comme un moyen pour mieux appréhender les systèmes complexes, objets de recherche du groupe ComMod. Ils ont ainsi développé des modèles de gestion des ressources conçus comme des sortes de laboratoires virtuels. Dans ceux-ci est testée la cohérence d’hypothèses sur les comportements individuels ou collectifs, d’humains ou de non-humains, en interaction dynamique pour explorer l’évolution de ces systèmes complexes. Ces hypothèses peuvent être issues de plusieurs disciplines.
Une modélisation « ascendante » pour favorise r l’autonomisation des acteurs locaux
Que ce soit pour la construction des SMA ou des JDR, les membres du groupe ComMod placent les acteurs locaux au centre du processus de modélisation. Il s’agit donc d’une modélisation participative ascendante (P. Aquino (d’), 2002). Ces chercheurs tentent ainsi de les intégrer le plus tôt possible dans le processus de modélisation. Pour P. d’Aquino, ces acteurs sont les créateurs du premier modèle construit : le jeu de rôles SelfCormas (P. Aquino (d’) et al., 2002b). Pour d’autres chercheurs, elle intervient après une première phase d’enquêtes de terrain ou bibliographique qui aboutit à la construction d’un premier modèle qui sera ensuite confronté au terrain (P. Aquino (d’) et al., 2002a). Comme la construction des modèles type SMA ou JdR est réalisée dans le cadre de projets visant à améliorer la gestion locale des ressources naturelles pour en assurer la viabilité, placer ainsi les acteurs au centre du processus de modélisation n’est pas neutre. Cela montre une volonté forte de faciliter l’autonomisation (empowerment) des acteurs locaux pour en faire des partenaires à part entière du processus de prise de décision. Agissant comme un médiateur entre les acteurs, la modélisation favoriserait le dialogue et permettrait de faciliter l’échange des points de vue et d’informations entre tous les acteurs de la GRNR. Cette observation faite par ces modélisateurs mérite d’être testée. La réduction de l’asymétrie d’information entre les différents protagonistes du système est aussi un moyen d’atteindre cet objectif d’autonomisation. Mais en quoi cette démarche de modélisation peut-elle permettre d’améliorer la GRNR ? En d’autres termes, un modèle virtuel peut-il influencer des processus réels de gestion ?
Outre ces trois grands principes, il ressort de ces différentes expériences certaines hypothèses plus ou moins implicites. Le jeu de rôles peut être antérieur ou non à la construction du SMA et ce sont les contextes de la recherche et de l’action qui semblent déterminer le positionnement de l’un par rapport à l’autre. Parmi les expériences du groupe ComMod notons cependant que lorsque le jeu est antérieur il est souvent plus simple que dans le second cas. Il peut alors être réduit à une description sommaire d’un contexte dans lequel les joueurs pourront adopter des comportements non définis au préalable. Le modélisateur peut ainsi acquérir de la connaissance sur un système puis implémentés les informations recueillies dans le modèle informatique. Le SMA alors construit peut alors servir à tester différents scénarii de gestion avec les acteurs locaux. L’exemple type est le cas de SelfCormas.
A l’inverse, en prenant l’exemple de Shadoc, lorsque la recherche précède l’action, la construction de SMA est plus complexe et intègre non seulement des contextes mais également des comportements sociaux plus ou moins théoriques. Le jeu de rôles vient alors dans une seconde étape soit pour tester les hypothèses implémentées dans le modèle informatique, pour en valider le contenu voire pour l’utiliser dans l’action. Un tel jeu est souvent compliqué et nécessite d’être simplifié pour son usage en appui à la concertation. L’exemple type est celui de Shadoc. L’hypothèse de la simplicité des modèles est alors essentielle dans cette démarche même si elle est appréhendée différemment en fonction de l’objectif premier du modèle construit. Mais le caractère dynamique de cette modélisation rend possible, d’après les expériences présentées, le passage d’un objectif d’action vers un objectif de recherche et vice versa. Recherche et développement sont ainsi étroitement liés.
Expérimentation dans un monde virtualisé avec les acteurs, prise en compte de la dynamique des interactions sociales et écologiques, multiplicité des échelles spatio-temporelles et des niveaux d’organisation des acteurs, complexité des systèmes de gestion, diversité des disciplines réunies, ont amené ces chercheurs à profiter et contribuer aux avancées de la recherche en intelligence artificielle. Ils ont ainsi privilégié les simulations à l’aide des systèmes multi-agents et des jeux de rôles pour mieux comprendre, modéliser les processus de décision et améliorer la GRNR (F. Bousquet et al., 1999).
Comment les membres du groupe ComMod modélisent-ils ?
La question de la viabilité de la GRNR amène à s’interroger sur les dynamiques écologiques et les dynamiques sociales. Replaçons les modèles « type SMA » et jeu de rôles dans le cadre plus large de la modélisation en écologie et en sciences sociales.
Modélisation de la GRNR.
L’écologie n’est pas une discipline récente puisque ses origines remontent au milieu du XIXe siècle. Le terme » écologie » a été créé par le zoologiste allemand Ernst Haeckel en 1866. Étymologiquement, il associe les mots grecs oikos, qui signifie » maison « , et logos, qui signifie étude « . Il peut donc se traduire par » science de l’habitat « . L’émergence de la notion de communauté végétale à la fin du siècle dernier (en particulier Charles Flahault avec le concept d’association végétale), celle de biosphère (par Vladimir Ivanovitch Vernadsky en 1925) et celle d’écosystème (par Arthur Tansley en 1935) constituent les phases majeures qui ont caractérisé son développement. Les recherches en écologie se sont ensuite centrées sur la compréhension du fonctionnement des écosystèmes, en particulier en ce qui concerne le rôle du flux de l’énergie : ces travaux, initiés par Raymond Linderman, ont été poursuivis par Howard Odum et Eugene Odum au cours des années 1940 et 1950. Un écosystème est une entité constituée par l’association de deux composantes en constante interaction : l’une physico-chimique, dite abiotique, dénommée biotope, à laquelle est associée une communauté vivante, dite biotique, la biocénose.
Pour la modélisation des écosystèmes, la relation étroite entre l’écologie et la théorie des systèmes (L. Von Bertalanffy, 1968 (trad. 1993)) amène cette discipline à se rapprocher des formalismes mathématiques. Pendant longtemps, les écosystèmes ont ainsi été modélisés sous forme de compartiments stables reliés entre eux par des flux et des contrôles. C’est de ce type de modélisation qu’est né le concept de sustainability dont le principe est de définir les prélèvements acceptables provenant de la sphère économique et sociale, c’est-à-dire que le compartiment écologique peut soutenir.
Cette vision réductionniste de l’écologie est aujourd’hui remise en cause par un courant qui cherche à replacer l’individu, ses comportements et leurs interactions au centre de la discipline. Initiée par la volonté de prendre en compte la variabilité entre les individus, elle aboutit secondairement à une remise en cause du modèle écologique basé sur l’équilibre ou les mécanismes de rétablissement de l’équilibre. Les individus interagissent et forment des organisations complexes qui évoluent. Les états du système ne sont plus définissables a priori. Le chercheur écologue s’intéresse alors aux changements organisationnels (F. Bousquet, 2001).
En sciences sociales, la modélisation de la GRNR s’est surtout développée en économie de l’environnement. Elle prône notamment une modélisation bioéconomique de l’exploitation des ressources renouvelables destinées à en contrôler la « soutenabilité » grâce à des outils économiques de gestion (quotas, taxes, etc.). Elle est basée sur une conception de la dynamique des interactions entre l’homme et son milieu s’appuyant sur la notion d’externalité7. Elle s’appuie également sur une modélisation systémique de type stock-flux ayant pour objectif de présenter un arbitrage économique entre les différents usages possibles d’un écosystème. Le caractère normatif de cette modélisation pose problème quant à son utilisation dans les processus de décision (solutions optimales).
Externalités : effets (coûts) générés par une personne qui crée des coûts pour une autre mais qui ne sont pas payés par la personne les ayant générés. En économie, les externalités apparaissent quand les activités de production ou de consommation d’une unité économique ont un effet économique direct sur le bien-être d’une autre unité de consommation ou de production. Cet effet peut être positif ou négatif. Les externalités sont dites négatives quand cet effet réduit le spectre des opportunités disponibles pour l’autre unité et positives quand le spectre augmente pour la seconde sans qu’elle n’est à payer pour cela (J. Dunster et K. Dunster, 1996).
Un autre courant de pensée autour de la modélisation de la gestion des ressources naturelles s’est développé en réaction à la tragédie des communs annoncée par G. Hardin (G. Hardin, 1968). Selon cet auteur, la gestion des biens communaux aboutirait inexorablement à une surexploitation de la ressource jusqu’à son épuisement. Ce courant hétérodoxe présente des fondements institutionnalistes (F. Berkes et al., 1989; E. Ostrom, 1990) et se concentre sur les mécanismes de régulation en jeu dans la gestion des écosystèmes. La théorie des jeux a été utilisée notamment pour démontrer l’incohérence de la thèse d’Hardin dès lors qu’on ne s’intéresse pas aux individus pris isolément mais communiquant entre eux et développant des stratégies maximisatrices non coopératives mais insérées dans des contextes sociaux (contrôle, sanction). Théorie des jeux et économie expérimentale ont été employées pour analyser des situations de gestion des ressources communes (E. Ostrom et al., 1994).
Les jeux de rôles ont été utilisés pour amener des acteurs à réfléchir sur la gestion prospective d’une ressource (L. Mermet, 1993) ou d’un territoire (V. Piveteau, 1995). Dans un exercice de simulation politique, L. Mermet cherche à simuler comment les politiques de gestion de la ressource en eau de la plaine du Pô pourraient s’adapter à un éventuel changement climatique qui en modifierait le régime hydrologique. Il montre ainsi que les jeux de rôles permettent (i) de mobiliser une certaine pluridisciplinarité scientifique nécessaire à la compréhension des phénomènes mis en jeu, (ii) d’enrichir les décideurs et chercheurs en considérant la dimension temporelle des processus étudiés (sur l’intégration de ces processus dans des systèmes naturel et décisionnel plus large, sur les incertitudes inhérentes aux problèmes abordés et sur les manières de les prendre en compte dans la réflexion sur les politiques), (iii) de mesurer et de réduire la distance entre les réflexions et le traitement en situation par les acteurs impliqués (L. Mermet, 1993). V. Piveteau s’est intéressé plus particulièrement aux diverses représentations de l’avenir de zones rurales fragiles. Il montre ainsi que le jeu de rôles peut être utile comme médiateur dans le cadre d’une réflexion prospective territoriale. Mais la démarche prospective de modélisation utilisant les jeux de rôles ne permet pas, selon lui, d’identifier clairement dans quelles mesures les idées nouvelles exprimées à l’issue de la séance de jeu sont liées ou non à l’exercice de simulation. De plus la préparation et l’exécution des jeux sont des opérations lourdes et coûteuses en temps, ce qui limite les répétitions. Enfin, les résultats des jeux sont « brouillons » ce qui induit nécessairement des pertes si on ne s’est pas préalablement armé pour les décrypter. En tant qu’outil médiateur, V. Piveteau note que le jeu gagnerait en puissance s’il était conçu en interdisciplinarité. L’interrogation demeure quant à la traduction dans la réalité des résolutions prises dans le jeu (V. Piveteau, 1995). La question du lien entre le jeu de rôles et la réalité apparaît ici.
Les sciences cognitives se sont, elles aussi, intéressées aux processus de décision. Un premier courant se focalise sur les capacités calculatoires des agents. Un second courant s’intéresse plus aux séquences « objectifs-intentions-actions » et modélise les interactions entre les agents et leur environnement (F. Bousquet, 2001).
Ainsi, dans ce champ de la modélisation de la GRNR, l’association des SMA et jeux de rôles occupe une position nouvelle. Les concepts sur lesquels elle repose sont à rapprocher des modélisations en sciences cognitives. Ils s’appuient notamment sur les interactions entre des agents et leur environnement et sur les représentations de ces agents. Les modélisations avec les acteurs permettent de dépasser les résultats des simulations théoriques développées dans le cadre de la théorie des jeux et de leurs applications en économie expérimentale. Les expériences sont le plus souvent réalisées avec des étudiants8 placés dans des conditions strictement contrôlées. La modélisation telle que développée par le groupe ComMod se donne pour objet l’étude de systèmes ouverts en dynamique avec des acteurs réels qui disposent d’une certaine marge de manœuvre pour interagir. Une certaine complexité des systèmes étudiés est ainsi introduite dans les modèles. Mais jusqu’à quel point la complexité de la situation réelle doit-elle être reproduite par le modèle au vu des usages auxquels il est prédestiné ?
Voyons maintenant comment les membres de ComMod modélisent la GRNR.
La Charte de la modélisation d’accompagnement
Pendant près de dix ans, les membres initiateurs de la démarche ont développé un réseau scientifique international dans lequel se retrouvent aujourd’hui différentes équipes dont les chercheurs viennent d’horizons disciplinaires variés. Après avoir mené ces différentes expériences, le groupe ComMod a ressenti le besoin de prendre un peu de recul pour poser les bases de leur posture scientifique : la modélisation d’accompagnement ou Companion modelling9. Cette charte a été l’occasion de clarifier les principes scientifiques sur lesquels ont reposé ces expériences.
La modélisation d’accompagnement est une posture scientifique qui caractérise une recherche impliquée » dans le Développement. Les sujets de ces recherches sont des systèmes complexes, ouverts, dynamiques. La démarche consiste en des allers-retours entre les théories et les terrains d’étude. La confrontation continue et itérative entre ces deux pôles suppose de construire des modèles dont les hypothèses sont susceptibles d’être remises en question par le terrain : c’est le principe de la réfutation empirique. Pour cela, ces hypothèses doivent être clairement explicitées. Les résultats de ces recherches doivent pouvoir être reconnus, critiqués, amendés par la communauté scientifique : c’est un principe de réfutation conceptuelle. Le terrain doit être pris en compte dès les premières étapes de la construction des modèles. L’une des difficultés de la démarche réside dans la validation des processus représentés puisqu’il n’existe pas de procédures claires de validation intégrant les systèmes sociaux et leur environnement (R. Axelrod, 1997; V. Peters et al., 1998). Deux objectifs sont assignés à cette démarche : (i) la connaissance des environnements complexes et (ii) l’appui aux processus collectifs de décision en situation complexe10.
Le cadre : la démarche patrimoniale
L’ensemble de ces recherches a pour cadre la gestion viable des ressources naturelles renouvelables. La gestion est vue comme résultant des interactions entre les hommes et la nature. Penser cette gestion en terme de viabilité, c’est nécessairement l’intégrer dans le long terme, c’est prendre en compte les états du système, les modes de régulation et sa dynamique (J.-P. Aubin, 1994). Or la conception de la gestion partagée par ces chercheurs considère que les modes d’appropriation des ressources déterminent l’état du système tandis que la dynamique des interactions société-nature est fournie par les processus de décision. La complexité des systèmes de gestion des ressources naturelles oblige à dépasser la théorie classique de la décision basée sur les choix d’un décideur individuel ou collectif (M. Olson, 1978) puisque cette dernière ne prend en compte ni les interactions entre les individus ni les interactions entre l’individu et son environnement. La décision est pour le groupe ComMod conçue comme le résultat d’un processus d’interactions entre des acteurs individuels et/ou collectifs ayant des représentations et des poids différents dans la négociation (J. Weber, 1995; J. Weber et D. Bailly, 1993; J. Weber et J.-P. Reveret, 1993).
S’intéressant au processus décisionnel s’inscrivant dans le long terme, les recherches du groupe ComMod se placent dans le cadre de la médiation patrimoniale (L. Mermet, 1992; H. Ollagnon, 1989; J. Weber et D. Bailly, 1993). La démarche patrimoniale part de l’hypothèse que le long terme n’est pas prévisible mais il est en partie décidable. La négociation des choix patrimoniaux initie la démarche patrimoniale. Ces choix se situent dans de long terme et désignent ce que les parties prenantes entendent transmettre aux générations futures. Cet objectif étant déterminé, la concertation porte alors sur les chemins à suivre pour l’atteindre et les moyens à mettre en œuvre. L’intervention d’un médiateur est essentielle dans cette démarche pour amener les parties prenantes à trouver une solution acceptable. Pour devenir patrimonial, le résultat de la négociation doit enfin être légitimé et ritualisé (D. Babin et al., 1997; J. Weber, 2000). Cette démarche vise à établir un système de références commun à tous les acteurs.
Une posture : l’important n’est pas la solution trouvée mais le processus qui y a conduit Réalisées dans le cadre de démarches patrimoniales, ces expériences de médiation ne cherchent pas à imposer un point de vue scientifique sur la solution trouvée. Le chercheur adoptant cette posture scientifique accompagne les parties prenantes du système, enjeu de la négociation11. Travaillant sur des systèmes complexes, il essaye d’intégrer les multiples points de vue des acteurs sans en privilégier aucun. Il ne présuppose pas l’existence d’une solution a priori. Au contraire, vu la complexité de ses objets de recherches, le groupe ComMod considère qu’il n’existe pas de solution idéale à la question posée. Et c’est pour cette raison qu’il s’intéresse plus au processus de décision qui aboutira, pas à pas, à l’établissement d’une solution acceptée et légitimée. En ce sens, ces chercheurs se réfèrent à la science Post-Normale (S. O. Funtowicz et J. R. Ravetz, 1993).
Table des matières
Introduction
PARTIE 1 : DES REFLEXIONS DES CHERCHEURS SUR L’USAGE DE JEUX DE ROLES EN MILIEU REEL
1 Les réflexions du groupe ComMod sur l’usage de modèles pour accompagner la gestion des ressources naturelles renouvelables
1.1 Des expériences multiples d’usages conjoints des SMA et jeux de rôles
1.2 Pourquoi le groupe ComMod utilise-t-il des modèles pour questionner la GRNR ?
1.3 Comment les membres du groupe ComMod modélisent-ils ?
1.4 Des objets intermédiaires aux questions des chercheurs
2 De la déconstruction des questions des chercheurs ComMod à la construction d’une problématique sur l’usage des jeux de rôles.
2.1 Quels problèmes cette distance entre la représentation du modélisateur et les représentations des acteurs peut-elle avoir sur la concertation quand ces modèles sont utilisés avec des acteurs locaux ?
2.2 Quels changements du système étudié peuvent être induits par l’usage de ces modèles et vice versa ?
2.3 Simulacre, réalité : vers une schizophrénie des acteurs ?
3 Le jeu de rôles Njoobaari ilnoowo utilisé dans les systèmes irrigués de la vallée du fleuve Sénégal
3.1 Contexte de la construction du jeu de rôles Njoobaari ilnoowo
3.2 Vers le jeu de rôles Njoobaari ilnoowo
3.3 Retour vers le modélisateur : le système irrigué vu par le chercheur
PARTIE 2 : … A LA CONSTRUCTION D’UNE METHODOLOGIE D’ANALYSE BASEE SUR LA COMPLEMENTARITE ENTRE LE LUDIQUE ET LE REEL APPLIQUEE DANS DEUX SYSTEMES IRRIGUES…
4 Méthodologie
4.1 De la problématique aux hypothèses
4.2 La construction de trois hypothèses
4.3 Méthodologie de recueil et d’analyse des informations dans la réalité et dans le jeu.
5 Le contexte de l’usage du jeu dans les systèmes irrigués de Wuro-Madiu et Thiago
5.1 Choix des sites d’application de la méthode
5.2 Installation du peuplement
5.3 Les institutions villageoises
5.4 Organisation sociale de l’irrigation et contexte de production
6 Les informations recueillies
6.1 Au cours des sessions de jeu de rôles
6.2 Dans la réalité : description des récits de vie
PARTIE 3 : LES RESULTATS OBTENUS : PERTINENCE ET CONTRIBUTIONS AUX REFLEXIONS DE COMMOD ET DE LA SOCIOLOGIE
7 Les conditions pratiques de l’usage du jeu de rôles
7.1 La question du jeu avec des agriculteurs musulmans
7.2 Les acteurs du jeu
7.3 Organisation du jeu
8 Du jeu à la réalité : analyse des résultats
8.1 Hypothèse 1 : la représentation schématique du système irrigué est acceptée par les joueurs
8.2 Hypothèse 2 : l’habitus et le champ social des acteurs interfèrent avec les rôles des joueurs
8.3 Hypothèse 3 : le jeu est un outil heuristique qui révèle les relations sociales entre les acteurs
9 Les apports du travail pour le groupe ComMod et pour la sociologie
9.1 Retour vers le terrain
9.2 Retour vers les chercheurs du groupe ComMod.
9.3 Le jeu de rôles : un nouvel outil de recueil de données sociologiques ?
Conclusion Générale
Références bibliographiques
Tables des matieres