Des processus d’urbanisation à différentes échelles du territoire

Des processus d’urbanisation à différentes échelles du territoire

Le territoire étudié, la région littorale du sud-Bénin, se situe en Afrique de l’Ouest et, à une échelle plus petite, dans la région du Golfe de Guinée et dans le pays Bénin. Le premier développement de ce chapitre va s’intéresser à la mise en perspective des grandes caractéristiques liées à cette situation et ce site singuliers. 1.1.1 Une région d’Afrique avec de fortes dynamiques d’urbanisation Le sud-Bénin est intégré dans une vaste région du continent africain, l’Afrique de l’Ouest, qui trouve une unité d’approche notamment à partir d’évènements historiques anciens (autour de grands royaumes) et plus récents (colonisations européennes) et l’organisation d’institutions politiques supranationales avec la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union Économique et Monétaire Ouest-africaine (UEMOA). C’est sur la base géographique de cette région africaine subsaharienne qu’ont été menés deux grands travaux sur la population : l’étude West Africa Long-term Perspectives Study (WALTPS) lancée en 1991 et Africapolis en 2009. Ces deux travaux, qui ont été financés par des bailleurs de fonds internationaux2 , tendent à révéler l’intérêt particulier de la communauté internationale pour la compréhension des évolutions dans cette sous-région du continent africain. Outils précieux, ces deux grandes études offrent une approche quantitative, qualitative et prospective de la structuration et de l’organisation spatiale de la population régionale depuis 1950 .- Les travaux WALTPS, élaborés par une équipe multidisciplinaire d’experts africains et internationaux sous l’égide du Club du Sahel (OCDE), se sont appuyés exclusivement sur l’utilisation et la compilation des données démographiques des recensements nationaux donc à partir des découpages administratifs en vigueur dans chaque pays et des définitions nationale de l’urbain [COUR J-M. et SNRECH S. 1998]. – Les travaux Africapolis, menés sous l’impulsion du SEDET (CNRS/Université Paris Diderot) sous la direction scientifique de F. Moriconi-Ebrard, sont principalement axés sur l’étude de l’urbanisation. Ils ont adopté une définition morphologique et harmonisée de l’urbain au niveau de l’ensemble de la région sur la base d’un travail d’interprétation de photographie aérienne et d’évaluation des densités de population [Africapolis, 2009]. Conçus à partir de méthodologies différentes, les références alternées à ces deux travaux permettent de varier les angles d’approches des évolutions de peuplement en cours dans la région soit en s’appuyant sur le découpage administratif en vigueur et les définitions locales de l’urbain soit par rapport à l’aspect d’agglomération et de « tâche urbaine ». Ces deux travaux ont donné lieu à plusieurs rapports , des cartes de synthèse et des données chiffrées En exploitant cette importante source d’informations produite et à partir d’éléments démographiques et historiques propres au Bénin, nous allons présenter ici les principales dynamiques de peuplement et de développement économique et spatiale de la région littorale du sud-Bénin, notre terrain d’étude. 

En Afrique de l’Ouest

une importante augmentation de la population et un développement général de l’urbanisation depuis 50 ans Avec une population évaluée par les travaux d’Africapolis à 294 millions d’habitants, l’espace ouest-africain (définit ici comme celui de la CEDEAO et de la Mauritanie) présentait en 2010 une population à peu près équivalente à celle des États-Unis sur une superficie d’un tiers inférieur et sur un territoire constitué d’un tiers environ de zones arides ou désertiques. La grande spécificité du peuplement de l’Afrique de l’Ouest est sa forte augmentation au cours de ces 60 dernières années : entre 1950 et 2010, le nombre d’habitants de la région a été multiplié par 4,8 (Tableau 1). Par ces taux de croissance, l’Afrique de l’Ouest est, depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’une des régions du monde les plus dynamiques sur un plan démographique (Tableau 2). Ce dynamisme démographique régional depuis 1950 a particulièrement touché le fait urbain sans pour autant vider les campagnes. Dans le détail de la croissance démographique, la population urbaine a été multipliée par plus de 21 entre 1950 et 2010 passant de 4,6 millions à 98,9 millions d’habitants. Sur la même période la population rurale qui a évolué de 56,7 à 195,9 millions n’a été multipliée que par 3,5. Le nombre d’urbains, sur cette période de 60 ans, a augmenté 4,5 fois plus vite que la population totale de la région et 6,2 fois plus vite que la population rurale (Figure 5).

 L’organisation d’un chapelet de villes imbriquées les unes aux autres par un axe routier performant le long du littoral du Golfe de Guinée

En zoomant sur la région du Golfe de Guinée, le sud-Bénin prend place dans une armature urbaine dense le long du littoral qui s’étend de la Côte d’Ivoire au Nigeria sur environ 600 kilomètres. Les situations des villes de Ouidah, Cotonou et Porto-Novo montrent un ancrage dans une organisation de villes côtières dans laquelle s’inscrivent plusieurs villes multimillionnaires (Abidjan, Accra et Lagos) et des cités de plusieurs centaines de milliers d’habitants (Figure 7). A l’échelle du Golfe de Guinée, et en particulier dans la région urbanisée du sud-Bénin qui nous intéresse, des formes variées d’urbanité sont bien antérieures à la colonisation européenne. Les premières villes connues dans la région se sont développées avec les royaumes côtiers, mais en retrait dans les terres. Moins puissants que les empires du Ghana, du Mali ou du Sonrhaï dans la région soudano-sahélienne, ces royaumes avaient permis, dans leur phase d’expansion économique, la création de quelques cités dynamiques. Etroitement liés à la guerre, ces royaumes avaient mis en place un système d’organisation urbaine pour magnifier et pérenniser leur dynastie. L’empire d’Oyo autour de la cité d’Ifé-Ifé, centre religieux traditionnel et berceau des Yoruba, a été à l’origine, sur le principe des conquêtes et avec l’avantage des armes en fer, de l’édification d’une armature urbaine dans le sud du Nigeria autour du 9e siècle avec Ketu, Sabe, Owu, Bénin-City et Old Oyo [CAMARA C. 1971]. Abomey, située à 90 kilomètres du littoral dans l’actuel Bénin, a figuré, aussi, comme la matérialisation d’un pouvoir absolu, celui des Alladahonnou à travers le Royaume du Danxomè. La cité s’était organisée à partir d’un système de maîtrise de l’espace particulier avec la construction de palais-résidence pour les différents princes héritiers instaurant de véritables quartiers fonctionnels. Le territoire de la ville se distinguait par la présence de muraille et d’un fossé qui entouraient partiellement la cité et une demi-douzaine de portes d’accès [ANIGNIKIN S. in COQUERY-VIDROVITCH C. 1988]. La prospérité d’Abomey et son influence s’exprimait sur un plan religieux et social, par exemple, à travers l’organisation de la fête des Coutumes [COQUERY-VIDROVITCH C. 1964] et par une stratégie de peuplement et d’assimilation d’une vaste région environnante. Au Ghana, l’État Ashanti a permis l’édification de la cité de Koumassi située à 200 kilomètres du littoral. À la fin du XVIIIe siècle, cette ville comptait entre 12 000 et 15 000 habitants [VENNETIER P. 1991 b].  

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