Histoire de l’éducation à l’environnement en France
Il n’est pas facile de retracer l’historique de l’éducation à l’environnement en France. Selon la définition qu’on lui donne, ses racines peuvent s’avérer très anciennes. Nous nous attacherons donc à ne citer que sa période la plus récente. C’est, certainement, au siècle des Lumières que l’éducation à l’environnement, telle qu’on la perçoit aujourd’hui, voit le jour avec Jean-Jacques Rousseau. Situant son éducation dans la nature, loin de la société humaine, il intègre la nécessité de l’apprentissage de la nature dans “Emile ou de l’éducation.”7 Dans cet ouvrage, Rousseau dit que “le développement interne de nos facultés et de nos organes est l’éducation de la nature ; l’usage qu’on nous apprend à faire de ce développement est l’éducation des hommes ; et l’acquis de notre propre expérience sur les objets qui nous affectent est l’éducation des choses.” Il faut, quand même, attendre la fin du XIXème siècle pour que les mouvements d’éducation populaire s’approprient l’éducation à l’environnement en envoyant pour la première fois des enfants en colonies de vacances à la campagne.
Edmond Cottinet, père de ces premières colonies, confirme que leur objectif est de donner “une cure d’air aidée par l’exercice naturel en pleine campagne, par la propreté, la bonne nourriture, la gaieté”8 aux enfants défavorisés. Durant la même période, les premières associations de scoutisme françaises apparaissent en France en 1911. Elles mettent en pratique les fondements de “l’Outdoor Education” qui s’est développée aux Etats-Unis à la fin du XIXème siècle. Si le mouvement de l’éducation nouvelle et les associations d’éducation populaire développèrent « l’école dehors » ou les colonies de vacances, il faut attendre l’après seconde guerre mondiale pour voir l’éducation à l’environnement véritablement se développer en France. En contraste avec l’essor économique des trente glorieuses et l’artificialisation de milieux naturels qui en découlent, des associations bénévoles militent pour la connaissance des espèces et des milieux naturels afin d’en assurer la préservation. Dans cette mouvance, l’association des “Jeunes Amis pour les Animaux” voit, par exemple, le jour en 1955. Son objet est de servir de structure juridique permettant à des groupes d’enfants et d’adolescents bénévoles de se réunir afin de découvrir la nature de proximité.
Après la naissance de l’écologie politique en 1962, la conférence de Stockholm en 1972 reconnaît pour la première fois l’existence de problèmes environnementaux à caractère planétaire. Le ministère de l’environnement est créé tandis que les premières maisons de la nature voient le jour en France. Le secteur se professionnalise progressivement, les premiers animateurs nature salariés côtoient les animateurs bénévoles. En 1975, la charte de Belgrade, puis la conférence internationale sur l’éducation relative à l’environnement en 1977 à Tbilissi, recommandent aux états membres d’adopter des politiques nationales pour le développement de l’éducation relative à l’environnement. En France, cette conférence se concrétise notamment par la circulaire Haby du 29 août 19779 qui intègre l’éducation à l’environnement dans les programmes du ministère de l’éducation nationale et qui met l’accent “sur l’interdisciplinarité, la démarche de projets, la découverte de son milieu, le partenariat avec des associations locales.”
Cette évolution de l’objet de l’éducation à l’environnement a également engendré la modification progressive des pratiques pédagogiques. Il apparaît la nécessité de faire évoluer l’éducation à la nature vers l’éducation pour l’environnement. Les années 1980 verront le secteur poursuivre son développement, sa professionnalisation et sa structuration. Ainsi en 1983, apparaît le réseau “Ecole et nature » qui vise à fédérer les associations d’éducation à l’environnement. Plus tard et devant le constat de la conférence de Rio en 1992, apparaîtra la notion de développement durable dans le champ éducatif. Pour les partenaires institutionnels du milieu associatif, l’éducation à l’environnement devient l’éducation à l’environnement et au développement durable (EEDD) marquant par là une évolution des pratiques attachant autant d’importance à l’environnement social que l’environnement naturel.
L’éducation à la nature et à l’environnement en Alsace
S’il est vrai que l’association “Jeunes Amis des Animaux” existe en Alsace depuis 1955, l’origine de la première maison de la nature en Alsace provient d’un combat contre l’intensification agricole sur le territoire du Ried Alsacien à Muttersholtz. Conscient de l’importance de sensibiliser le plus grand nombre afin de protéger les prairies naturelles du Ried, un groupe de naturalistes alsaciens créent en 1973 ACINER (Association pour le Centre d’Initiation à la Nature et à l’Environnement du Ried). Pierre Siegwalt, écologiste de la première heure et habitant de Muttersholtz met alors sa grange à disposition : la première maison de la nature alsacienne est née. Le mouvement de l’éducation à la nature en Alsace tire son origine d’un mouvement citoyen. Elle sera suivie par le Parc Naturel des Vosges du nord en 1975 puis la Maison de la nature de l’Au en 1977. Rejoints par les PEEP (Fédération des Parents d’Elèves de l’Enseignement Public) et les “Jeunes Amis des Animaux” devenus depuis “Jeunes Pour la Nature”, ces cinq structures se mettent en réseau et deviennent les pôles fondateurs du réseau associatif régional d’éducation à la nature et à l’environnement en Alsace (ARIENA), qui voit le jour le 31 mai 1977.
Son objet social est depuis ce jour de développer l’éducation à l’environnement en Alsace, en mettant notamment en réseau toutes les associations oeuvrant dans ce secteur. Actuellement, le réseau de l’ARIENA se compose de 48 structures alsaciennes, principalement associatives, oeuvrant dans le champ de l’éducation à l’environnement. Quinze associations sont exclusivement dédiées à l’éducation à la nature et à l’environnement (maisons de la nature, fermes pédagogiques…) et 33 autres structures agissent dans des domaines plus larges (associations de protection de la nature, parcs naturel régionaux, associations sportives…). En 2015, l’ensemble de ces structures employait 260 salariés dont 103 animateurs11. En 2017, selon l’ARIENA, 160 000 personnes ont été sensibilisées à la nature et à l’environnement en Alsace : 58% d’entre elles l’ont été sur des thèmes en lien avec la faune et/ou la flore, tandis que 15 % des personnes ont suivi des activités en lien avec des thématiques environnementales (déchets, énergie, consommation…). Les enfants représentent 75% du public sensibilisé. La plus grosse partie est sensibilisée dans le cadre scolaire (83%) tandis que les enfants sensibilisés dans le cadre de leurs loisirs représentent 27% des enfants sensibilisés. C’est dans ce contexte que s’intègre, l’association d’éducation à la nature et à l’environnement “Maison de la Nature du Sundgau (MNS).” Inaugurée en 1999, ses statuts, son projet associatif ainsi que son projet d’activités découlent à la fois des valeurs de l’éducation à l’environnement mais aussi des personnes qui composent l’association. De plus, depuis la territorialisation des actions consécutives à la création du label CINE (Centres d’initiation à la nature et à l’environnement) en 2003, ses activités doivent être en étroite relation avec son territoire.
De l’état des lieux à la problématique
Nous venons de voir que d’un côté le projet associatif stipule que la MNS se doit de sensibiliser le public le plus large, et notamment le public en précarité, et de l’autre côté qu’une majorité de personnes inscrivant leurs enfants aux accueils de loisirs ont un revenu supérieur à 38 850 euros. Il y a donc une réelle dichotomie entre les valeurs défendues par la MNS et la situation actuelle. Afin de pouvoir concrétiser ces valeurs, il nous semble donc intéressant d’interroger cette antinomie, d’en expliquer les raisons. Cette interrogation s’organise autour de deux questionnements distincts. Tout d’abord quels sont les freins et les motivations que rencontre le public face aux accueils de loisirs en général. Pourquoi les personnes de catégorie socio professionnelle basse sont-elles sous représentées aussi bien à la MNS qu’à la CCSAL : les raisons sont-elles d’ordre financier, liées à des considérations pratiques ou à d’autres facteurs encore ? Celles-ci sont-elles inhérentes au public, aux accueils de loisirs en général ou bien encore aux choix associatifs de la MNS ? Quels sont les freins que rencontrent les personnes de catégorie socio professionnelle basse pour inscrire leurs enfants : sont-ils uniquement financiers, liés à des considérations pratiques ou à d’autres facteurs encore ? Quant aux personnes de catégorie socioprofessionnelle élevée quelles sont les raisons qui favorisent leur inscription ?
Ensuite il y a, sur le territoire sundgauvien, une offre importante de structures pouvant accueillir les enfants durant leurs vacances, chacune avec leurs modes de fonctionnement, leurs valeurs et leurs méthodes pédagogiques. Il semble donc pertinent de se questionner sur les facteurs incitant à choisir la MNS plutôt qu’un autre accueil de loisirs. Au-delà des conditions pratiques, la méthode pédagogique est-elle prise en compte par les parents qui souhaitent inscrire leur enfant ? Les valeurs défendues par la structure ont-elles un rôle à jouer dans le choix des parents ? Enfin quels sont les profils types des personnes inscrivant leurs enfants spécifiquement à la MNS et ceux ne les inscrivant pas ? Dans la partie suivante, nous nous appliquerons donc à chercher dans la littérature les éléments qui permettront de nourrir la réflexion autour de ces questions et de porter un regard averti pour une meilleure analyse des entretiens qui ont été effectués dans le cadre de cette étude.
Note de synthèse |