Des emplois contractuels au sein de la fonction publique
Dès les années 1970 en France, l’existence d’agents publics contractuels au sein de la fonction publique a attiré l’attention de la doctrine671. Il s’agit d’une question liée à la structure même de la fonction publique. À mesure que le développement de cette catégorie d’agents non titulaires prend de l’ampleur et tend à acquérir une cohérence tant par rapport aux agents titulaires qu’à l’égard des autres employés non titulaires de l’État employeur, la détermination de son régime juridique devient indispensable. La question s’avère tout aussi importante en Chine où l’État recrute actuellement trois catégories d’agents contractuels : les agents publics contractuels selon la loi du 27 avril 2005, les agents contractuels d’USP, et les employés contractuels (de droit privé) de l’administration. Ces derniers ne sont évidemment pas agents publics en raison de leur contrat de travail conclu avec l’administration. Les deux premiers, distincts organiquement, partagent pourtant beaucoup de points communs tant au niveau des régimes qui leur sont appliqués qu’au niveau de la nature de leurs contrats. Existe-t-il, au-dessus de ces deux catégories d’agents, et au-delà de leurs spécificités, une catégorie générale qui les transcende ? À ce propos, il est intéressant de comparer les régimes juridiques français et chinois applicables aux agents publics contractuels (section 1) ainsi que les questions relatives à la nature juridique du contrat de fonction publique (section 2).
Les régimes juridiques français et chinois applicables aux agents publics contractuels
L’apparition des agents publics contractuels en Chine est une des conséquences de la grande réforme économique entamée à partir des années 1980 et approfondie par une politique de réforme générale de l’État depuis les années 1990. Sous l’influence de l’École de la nouvelle gestion publique, les pouvoirs publics considèrent que l’utilisation des méthodes du marché et notamment du contrat, peut introduire de la souplesse dans le fonctionnement administratif qui est considéré trop rigide jusqu’alors, et rendre les appareils de l’État plus efficaces. Le contrat de recrutement du personnel est ainsi introduit dans les établissements administratifs et USP, facultatif pour ceux-là, mais obligatoire pour celles-ci. Bien que les agents contractuels soient recrutés par des employeurs publics de qualités différentes ― établissements administratifs et USP ―, leurs situations juridiques se rejoignent dans la mesure où ils tendent à former une catégorie à part entière d’agents publics contractuels, qui se distingue tant de celle des agents titulaires que de celle des employés privés de l’administration. La configuration du personnel des personnes publiques en France repose sur le même triptyque : agents titulaires, agents publics contractuels et agents de droit privé. Ce rapprochement schématique ne saurait, pour autant, simplifier la comparaison entre les deux pays car subsistent des différences qui relèvent de l’ordre historique et socioculturel. Nous les expliquerons en abordant la situation juridique des agents publics contractuels, d’une part (I), et en examinant le rapport entre les agents contractuels soumis au statut de la fonction publique et les autres employés de l’État employeur, d’autre part (II).
La situation juridique des agents publics contractuels
En France comme en Chine, les agents contractuels sont, malgré leur contrat, soumis à une situation similaire à celle des agents titulaires, marquée par la logique hiérarchique et par l’unilatéralité (A). Toutefois, cette situation statutaire, législative ou réglementaire, et sa spécificité par rapport au régime des salariés de droit privé sont controversées par le rapprochement entre le droit de la fonction publique et le droit du travail (B).En France, le contrat par lequel un EPA recrute un agent est un contrat de droit public par l’implication d’une personne publique et par l’objet qui est de réaliser des missions d’un service public administratif. C’est dire que, malgré le consentement mutuel entre l’administration et l’agent recruté, celui-ci est placé dans une situation statutaire672 à l’instar des fonctionnaires. L’assimilation de la situation des agents contractuels à celle des agents titulaires est admise de longue date. Sans évoquer la reconnaissance, bien qu’exceptionnelle, de la qualité de fonctionnaire aux agents contractuels de droit public par le statut de 1941673 puis abandonnée par le statut de 1946 et celui de 1959, le Conseil d’État déclare dès 1949 que « la puissance publique reste toujours libre de modifier les dispositions statutaires qui régissent les agents des services publics, même contractuels, dans l’intérêt et pour les besoins du service »674. Le contrat est souvent prédéterminé par des textes réglementaires lesquels ne sont évidemment pas susceptibles de faire l’objet de négociation individuelle. Ce principe a été d’abord énoncé par des textes ponctuels et particuliers tels que le décret n° 52-260 du 5 mars 1952 « fixant le statut des agents contractuels du ministère de l’Industrie et du ministère du Commerce » et le décret n° 69-697 du 18 juin 1969 « fixant le statut des agents contractuels en service à l’étranger ». Interrogeant l’existence d’une catégorie d’agents publics contractuels, Yves Gaudemet a souligné que « comme tous les agents publics, les contractuels sont, pour l’essentiel, dans une situation légale et réglementaire à l’égard du service qui les emploie »675. Cette prédominance statutaire dans la situation juridique des agents contractuels est ensuite affirmée par la jurisprudence Rabut. Le commissaire du gouvernement Genevois constate, dans ses conclusions sur cette affaire, que « la situation des personnels contractuels est en réalité par bien des aspects une situation réglementaire »676.