Des discours de l’espace politique au Sénégal (1981-2019)

Des discours de l’espace politique au Sénégal
(1981-2019)

 Au titre des ouvrages relatifs à notre sujet

Il y’a eu, durant ces cinquante dernières années, un foisonnement d’étude sur les connecteurs comme le démontre largement les multiples appellations qu’ils reçoivent çà et là. Moins que ces unités, le discours politique Sénégalais, lui, tarde à entrer en vigueur dans les perspectives de l’analyse du discours. Par contre les contributions venant d’ailleurs ne manquent pas. Tout comme le discours, la notion de positionnement dans le sens où nous l’inscrivons peine à être développé. Alors on constate aisément que ces contributions portent véritablement sur des aspects de notre sujet. Car, il n’y a eu, en ce que nous savons, d’étude des connecteurs articulés au discours politique Sénégalais visant à rendre compte des positionnements. Force est de reconnaitre cependant que les interprétations sur les connecteurs que nous revisitons ici, dans bien cas, entre en rapport avec notre sujet.

Sur les connecteurs

L’analyse des connecteurs a souvent posé des enjeux définitionnels aboutissant à des positions plus ou moins divergentes. Les connecteurs logiques d’Aristote sont des unités interactives pour Roulet, sémantiques selon V. Djirk ou encore argumentatives chez O. Ducrot et pragmatiques chez Moeshler, etc. De là, il est important de faire constater que ces résultats d’ordre macrostructural bien qu’ayant une finalité conséquente, étaient censés satisfaire surtout une préoccupation théorique. Malgré le fait que la pratique conduit à combler un vide théorique ou le contraire, cela demeure quand même une contribution scientifique. Aujourd’hui, les recherches sur les connecteurs sont fortement influencées par la problématique de la typologie des textes. Le type de connecteur est inhérent au type de texte. Et il en résulte qu’on a autant de type de texte que celui de connecteur. Mais il s’agit là d’une démarche qui s’appuie essentiellement sur le texte et moins sur le discours. Du même coup, il parait difficile de mesurer le poids et l’orientation que les connecteurs peuvent affecter aux énoncés. 34 En outre, vouloir définir le connecteur en partant du type de texte, ne permet pas de déceler sa portée spécifique puisque l’on ne saurait sortir du cadre général. Or, avec ce qu’ont tenté Ducrot et Moeshler, tout en restant dans le champ argumentatif, on peut espérer que le salut des études sur les connecteurs, émanera de la linguistique pragmatique. Tous les deux, sans se démarquer véritablement des approches précédentes, ont appréhendé ces « mots du discours », ainsi nommés par Ducrot. Grand connaisseur des connecteurs, Oswald Ducrot a fait une description scientifique de ces unités mais d’un point de vue centré sur l’argumentation. Ce qui n’enlève rien à la qualité de ses recherches. Son but était au regard des différentes appellations de ces unités, de parler, plutôt, lui, de connecteurs argumentatifs. Comme Ducrot, Jacques Moeshler qui travaille aujourd’hui dans la pragmatique formelle, a mis l’accent sur la portée pragmatique des connecteurs. C’est-à-dire des unités qui autorisent des actes pragmatiques. Il est, cependant, difficile de ne pas reconnaitre à Ducrot, l’énorme contribution qu’il a apportée sur l’étude des connecteurs. Il a posé les fondements d’une théorie sur l’argumentation. Et ses travaux demeurent remarquables en analyse du discours. En fait, dans son traitement des connecteurs, il y apparait clairement que les points de vue que portent les segments n’ont pas le même poids argumentatif. Il parle, en effet, d’argument fort et d’argument faible. Notre approche s’est inspirée de cette analyse. Etant donné que le segment qu’il appelle argument fort correspond à la thèse du locuteur et que ce dernier ne peut, en aucun se soustraire de son affirmation, il s’est imposé à nous de reconsidérer cet argument. De là, nous avons mesuré, l’impact du connecteur, en tant qu’élément clé dans ce processus argumentatif ainsi que le caractère irréfutable du présupposé qu’il entraine par son énonciation. Ce qui nous a conduits à parler d’acte de positionnement au-delà des actes argumentatifs. Par ailleurs, Michel Adams s’est attelé lui aussi à décrire les connecteurs mais du point de vue de leurs fonctionnements textuels. Ses recherches s’inscrivent dans le cadre de la linguistique textuelle dont il reste l’un des grands théoriciens. Il a innové  l’approche sur la typologie des textes, en parlant de séquences narrative, descriptive ou encore argumentative. Mais c’est à travers les textes à dominante argumentative qu’il décèle la portée des connecteurs. Dans un mouvement argumentatif souligné Par les connecteurs, le lien entre argument et conclusion est rattaché à un système de norme. (…) Un connecteur signale un point de vue énonciatif Et le degré de prise en charge par le locuteur L Des énonciations attribuées directement ou à des Enonciateurs ( E1, E2).Il développe un modèle de description très pertinent, révélateur d’une certaine logique dans l’argumentation. Nous remarquons qu’avec lui, l’argumentation se présente avec les éléments suivants : un locuteur et des énonciateurs, un argument et une conclusion, des points de vue, le tout encadré par un connecteur. Cette étude de l’argumentation sur la base des connecteurs s’est nourrie de la méthode d’Oswald Ducrot même si, chez lui, le volet énonciatif reste beaucoup plus apparent. En privilégiant des connecteurs tels « mais », « certes », « parce que » etc, il a insisté sur la dimension polyphonique des énoncés articulés par ces unités. Sans critiquer, nous avons détecté dans cette démarche, une volonté de prouver une préoccupation théorique liée à la linguistique textuelle d’une part et d’autre part à la typologie des textes. Ainsi, les connecteurs, vus sous ses lunettes, sont facteurs de cohérence et outils de régulateur de séquences argumentatives. Dans notre perspective, ces aspects sont pris en compte mais nous comptons nous appuyer sur des énoncés authentiques.

Sur le discours politique sénégalais

Si en France, l’analyse du discours s’est accrochée, dès ses débuts, au discours politique comme corpus, ici, au Sénégal, les études ont privilégié d’autres types, précisément le discours littéraire et religieux. Les chercheurs éprouvent l’intérêt de rendre compte de la particularité du discours religieux, ses valeurs et vertus d’une part et d’autres parts, ils travaillent sur le discours littéraire en vue de confiner et moderniser la méthode d’analyse et d’interprétation des textes littéraires. Cette tâche si périlleuse, laissait moins de place et moins de temps, probablement, à l’investigation du discours politique, qui pourtant, domine la communication dans le quotidien sénégalais. Néanmoins, des analystes d’horizons et de domaines différents ne cessent de manifesté leur intérêt pour le discours politique. Seules, cependant, les recherches qui s’inscrivent plus moins dans notre perspective, qui seront, ici, rappelées. Momar Cissé invite à une approche anti-immanentiste. Dans ces travaux, il prouve l’importance du contexte dans l’analyse linguistique. Son article illustratif sur les slogans wolofs de la campagne présidentielle de 2012, en dit long. En effet, après une description de quelques slogans du point de vue de leur compositionalité, il démontre que le contexte d’énonciation demeure indispensable pour une étude complète de ces expressions dites figées et, au de-là, la langue. Il nous rappelle ainsi la place centrale des slogans dans la démarche de l’analyse du discours. Mais ce qui retient notre attention, le plus, c’est l’énorme contribution sur le fonctionnement de ces « petites phrases » dans le discours politique sénégalais. L’examen de ces expressions révèle à la fois l’intérieur et l’extérieur du discours et édifie sur la situation politique de 2012. Une telle étude des slogans a comme avantage de mettre en relief les enjeux sociopolitiques du moment, les idéologies des partis, la responsabilité collective. Ainsi cette approche par les slogans reste une entrée décisive sur discours politique sénégalais qui, comme celle par les connecteurs rend compte, bien que partiellement, le discours avec efficacité. En outre, Fallou Mbow est revenu brièvement sur les intentions et les effets pragmatiques qui sous-tendent l’usage de certains slogans contre le président Macky 39 Sall, après son élection en 2012, dans son article16 : Discours de la ville : construction discursive des positionnements, des valeurs et des identités urbaines. Mais ce qui est frappant, dans cet article, c’est la position haute du discours politique parmi les discours en milieux urbains. Si la ville est l’espace où naît la politique, c’est que c’est dans l’espace de la ville que les acteurs politiques, leurs discours, leurs modes de représentation, se confrontent les uns aux autres. L’espace urbain est l’espace où se donnent à voir les manifestations et les défilés institutionnels ou politiques (manifestations revendicatives, mais aussi manifestations de visibilité des acteurs institutionnels) qui donnent à voir les identités politiques de ceux qui en sont porteurs en les donnant à voir aux habitants. Défilés, cortèges, manifestations rituelles et protocolaires de toutes sortes donnent dans la ville une visibilité matérielle réelle aux institutions et aux acteurs politiques de la cité. L’espace de la ville est également l’espace où se diffusent et se propagent les représentations symboliques des identités politiques, en particulier sous la forme des journaux, des affiches et de toutes les inscriptions publiques, ou encore sous la forme des emblèmes (drapeaux, inscriptions diverses) qui caractérisent les édifices publics de la ville.17 Le discours politique gagne en pertinence et en efficacité s’il s’offre à la ville comme lieu de production. L’auteur a rappelé, à cette occasion, le choix de paris de beaucoup de chefs d’état africain pour s’adresser à leur communauté. Par ailleurs, l’analyse qu’il propose s’appuie sur des axes majeurs de l’analyse du discours. En effet, la déclaration du candidat Abdoulaye Wade entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2012, y est étudiée du point de vue de sa « scénographie », de sa visée illocutoire et de l’éthos discursif de son locuteur.  Aux yeux de Mbow, le discours politique sénégalais est un discours de ville, il est interactif et persuasif. Il mobilise un ordre « autre que la phrase ». Par conséquent son appréhension exige le recours aux outils et mécanismes de l’analyse du discours. Ce qui est fort intéressant, c’est le fait que l’auteur parle de positionnement. La position de maitre Wade est ainsi décrite « un président modèle, persévérant et cultivé ». Sauf qu’ici le positionnement est du ressort de l’éthos et non des connecteurs. Il s’impose de montrer, à l’image de l’ethos, que le positionnement est aussi et essentiellement lié aux connecteurs. II.2.3 Sur le positionnement Le concept de « positionnement » est rattaché à l’analyse du discours. En effet, depuis qu’on a commencé à penser en terme de types, de genres et de formations discursives, le positionnement est devenu un observable décisif pour les analystes du discours. Dominique Maingueneau s’est réapproprié du terme pour en faire un instrument permettant de rendre compte du fonctionnement discursif. Pour lui, tout discours est soumis à une logique d’un champ où diverses identités discursives entre en compétition. Cette notion de positionnement (doctrine, école, Théorie, parti, tendance…) implique que, sur un Même espace, on rapporte les énoncés à la construction Et à la préservation de diverses identités énonciatives Qui sont en relation de concurrence.18 Positionnement est ici synonyme de place occupée par un groupe, une entité, en un moment donné et dans un espace précis, par rapport à d’autres. Le champ, étant régis par des normes, les acteurs, en exercice, parlent en fonction de leur statut et de leur appartenance idéologique. Donc, chez Maingueneau, le positionnement précède le  discours qui le confirme en le construisant. Cette réflexion est illustrée par Fallou Mbow dans sa thèse de doctorat et dans un de ses articles. Le champ littéraire négro-africain a servi de tremplin à Mbow pour expliquer la position de certains écrivains après les indépendances à travers leur éthos préalable et discursif. Dans sa perspective, le positionnement correspond à une délimitation énonciative (conformisme). Du coup, toute démarcation ou sortie, chez lui, est appelée « posture ». Ainsi, les écrivains comme Mongo Béti, Alioum Fantouré… sont décrits du point de vue de leurs postures et de leurs positionnements. On voit nettement que Mbow s’intéresse plutôt, lui, à la manifestation de la singularité ou non, comme marque de positionnement. Ce qui est important à souligner, est que Mbow tout comme Maingueneau, ont insisté plus sur le fait (le résultat) et moins sur les éléments qui articulent et réalisent le fait. C’est probablement, une des raisons du fait de l’absence, dans leur approche, de certaines unités en surface comme les connecteurs qui organisent pourtant le processus de positionnement à l’intérieur d’un discours argumentatif. Le positionnement est inhérent à l’argumentation dans la mesure où celle-ci traite des désaccords. Les identités discursives, en mode d’affrontement, recourent souvent au discours argumentatif. C’est ce qu’ont démontré Jacquin, Jérôme & Micheli, Raphaël. Le positionnement nous conduit à considérer l’argumentation d’un point de vue davantage discursif et interactionnel, relatif à l’expérience du désaccord comme mode de gestion de la co-présence et aux ressources, dialogiques et polyphoniques, de représentation du discours et du point de vue d’autrui.19 19 Jacquin, Jérôme & Micheli, Raphaël, Entre texte et interaction : propositions méthodologiques pour une approche discursive de l’argumentation en sciences du langage, Congrès Mondial de Linguistique Française – CMLF 2012, p.5 42 De manière plus concrète, le positionnement fait ancrer l’argumentation dans la langue. Ce sont, en effet, les éléments internes du discours, la trajectoire argumentative qui justifient une position discursive ou un point de vue. Cette conception nous conforte dans notre démarche qui cherche à appréhender le positionnement comme résultant d’une certaine utilisation des connecteurs dans le discours politique sénégalais. Pour récapituler, nous avons vérifié que les connecteurs ont connu des traitements multiples, qui justifient beaucoup de théories. Nous savons qu’ils sont des unités d’action à la fois ambivalente et polyvalente dont l’analyse exige le recours au contexte. Il est clair, aussi, qu’ils participent activement, dans l’interaction discursive où ils servent d’instrument de positionnement du sujet parlant. C’est en nous intéressant au positionnement, par ailleurs, que nous nous sommes rendus compte que le discours politique sénégalais a été faiblement exploité sur le plan linguistique, qu’il est traversé par de divers positionnements et que l’étude des connecteurs se révèle fondamentale pour son appréhension. Cela étant dit, nous nous efforcerons, dans la suite, à apporter des clarifications à la notion de connecteur ainsi que les différents concepts directement qui lui sont directement rattachés.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : CADRES EMPIRIQUE, THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE DE LA
RECHERCHE
Introduction de la première partie
Chapitre I : Approche méthodologique
Chapitre II : Revue de littérature.
Chapitre III : Clarification conceptuelle : de la notion de discours aux concepts connexes
Chapitre IV. L’analyse du discours, une approche interdisciplinaire : principales problématiques et disciplines en charge du discours
Chapitre V : Approches méthodologiques du discours politique .
Chapitre VI. Le champ politique Sénégalais : composition recomposition
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 
DEUXIEME PARTIE : SPECIFICITES DES CONNECTEURS ET DU DISCOURS POLITIQUE
SENEGALAIS 
Introduction de la deuxième partie
Chapitre VII. Les connecteurs : essai de définition
Chapitre VIII : Les connecteurs : de l’implicite à la subjectivité discursive
Chapitre IX : Retour sur le profil de certains auteurs de notre corpus
Chapitre X : Le corpus
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
TROISIEME PARTIE : ETUDEDES CONNECTEURS POSITIONNANTS DANS NOTRE CORPUS
Introduction de la troisième partie
Chapitre XI : Les approches d’études des connecteurs
Chapitre XII : Les connecteurs : finalités et particularités

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