Des amplificateurs laser aux amplificateurs
paramétriques
Un bref tour d’horizon
A bien y regarder, la physique moderne repose sur un petit nombre de concepts et de principes fondamentaux : l’espace, le temps, la vitesse finie de la lumière, l’action, l’énergie, le principe de moindre action …Il en va de même pour les modèles physiques : un petit nombre d’entre eux permettent de décrire un très vaste ensemble de phénomènes. En optique, la dualité onde-particule constitue une des briques élémentaires les plus fondamentales et les plus pratiques de la pensée physique : fondamentale car elle permet d’appréhender les phénomènes optiques dans leur ensemble, pratique car elle permet de s’affranchir un instant de la complexité des phénomènes pour n’en retenir que l’essentiel. Ainsi, dans une perspective quantique, la lumière est constituée de grains de lumière appelés photons, portant une quantité d’énergie déterminée et invariable tant que le photon n’interagit pas avec la matière. Dans le domaine visible, cette quantité d’énergie n’est autre qu’une mesure de ce nous percevons comme la couleur de la lumière. L’ensemble des phénomènes optiques associés aux transformations à énergie constante des photons (réflection, réfraction, diffusion …) constituent ce que les physiciens appellent l’optique linéaire. A cette optique linéaire s’opposent l’optique non linéaire, qui, a contrario, peut être décrite comme une chimie des photons : deux photons peuvent fusionner pour n’en faire qu’un de plus forte énergie et, réciproquement, un photon de forte énergie peut se scinder en deux photons de moindre énergie. En optique non linéaire, on peut aussi, à partir d’un réservoir de photons (par exemple de la lumière de couleur verte), fractionner ces derniers en un grand nombre de photons moins énergétiques (infrarouges) et ainsi multiplier le nombre de ces photons. Concrètement, cela signifie qu’il est possible, par exemple, d’amplifier de la lumière infrarouge par de la lumière visible. C’est dans cette vision des choses que s’inscrit la thèse présentée ici : la possibilité d’amplifier de la lumière par de la lumière.
Retour sur le modèle de l’électron élastiquement lié
Pour revenir une description plus académique des choses, revenons d’abord aux fondements : le modèle de l’électron élastiquement lié. Ce modèle consiste à assimiler l’atome à un dipˆole constitué d’un noyau lourd chargé positivement et d’un nuage électronique chargé négativement. En présence d’une onde lumineuse, ce nuage électronique est soumis à trois forces : une force de rappel d’origine électrostatique qui tend à ramener élastiquement le centre de masse du nuage vers le noyau à la pulsation ω0, une force de frottement et la force de Lorentz induite par l’onde électro-magnétique. A l’échelle atomique, on peut décrire le champ électrique de l’onde comme un champ uniforme oscillant à la pulsation ω. Compte tenu des ordres de grandeur mis en jeu 2 , le mouvement du nuage électronique se réduit à celui d’un oscillateur harmonique forcé dont la pulsation d’excitation ω est faible devant sa pulsation propre ω0. De ce résultat, on déduit, par exemple, que l’amplitude de déplacement du nuage électronique est de la forme A + B ω2 et que la puissance optique rayonnée par l’atome varie comme ω 4 . On retrouve ainsi que l’indice optique varie avec le carré de la pulsation optique (loi de Cauchy) et que les hautes fréquences sont plus diffusées que les basses fréquences (diffusion de Rayleigh 3 )
Optique linéaire et optique non linéaire
Dans les matériaux non linéaires, la force d’attraction entre le noyau et le nuage électronique n’est plus proportionnelle au déplacement du nuage électronique et l’atome ne se comporte plus comme un oscillateur harmonique mais comme un oscillateur anharmonique. Lorsque ce type d’oscillateur est soumis à une excitation périodique dite fondamentale, la réponse de l’oscillateur fait apparaˆıtre de nouvelles fréquences et en particulier les harmoniques de la fréquence fondamentale : fréquence double, triple etc. Cet effet a été identifié dans le domaine optique dès 1961 par P. Franken et ses collaborateurs [36], et connaˆıt, aujourd’hui, des applications grand public comme les pointeurs laser vert. Il est également possible d’amplifier, dans les matériaux non linéaires, un faisceau optique de plus basse fréquence par un mécanisme analogue : on parle alors d’amplification paramétrique. L’ambigu¨ıté du terme paramétrique mérite qu’on lui consacre ici quelques lignes. Ce terme apparaˆıt déjà en 1887 dans un article de Lord Rayleigh [88] portant sur les oscillateurs harmoniques mécaniques dont la pulsation propre est modulée périodiquement. Le mot paramétrique tire son origine historique du fait que cette modulation est réalisée en modulant un paramètre d’oscillation, par exemple la fréquence propre de l’oscillateur en question. Ces oscillateurs paramétriques possèdent des propriétés remarquables et notamment celle de voir leur amplitude d’oscillation croˆıtre exponentiellemen lorsque le paramètre de résonance est modulé à exactement deux fois la fréquence propre de l’oscillateur. En mécanique, un pendule dont la longueur (ou le moment d’inertie) est modulé périodiquement constitue un excellent oscillateur paramétrique. Un exemple courant d’un tel oscillateur est la balançoire : en s’allongeant et en se redressant sur le siège de la balan- çoire, on déplace son centre de gravité et on module périodiquement le moment d’inertie de la balançoire.
Amplification paramétrique optique
En optique, on appelle amplification paramétrique un effet analogue 4 à la résonance paramétrique telle qu’elle existe en mécanique ou en électronique : en présence d’une onde de fréquence élevée appelée onde de pompe, il est possible d’amplifier une onde de basse fréquence, appelée onde signal. Cette amplification s’accompagne de la génération d’une troisième onde, l’onde complémentaire, conjointement amplifiée avec l’onde signal [106]. A la différence de la balançoire, il n’est pas nécessaire que la fréquence pompe soit égale au double de la fréquence signal. L’analogie entre les oscillateurs paramétriques mécaniques ou électroniques et les oscillateurs optiques n’est donc pas complète et la physique cachée derrière le mot paramétrique est sensiblement différente en optique non linéaire et en mécanique. L’origine physique de cette différence réside dans le fait que, dans le modèle de l’électron élastiquement lié, aucune résonance électronique n’est excitée : l’énergie n’est pas stockée par l’atome mais directement transmise à l’onde signal. Cette propriété fait des amplificateurs paramétriques optiques des amplificateurs aux propriétés très intéressantes, notamment au regard des amplificateurs laser. En effet, comme le cristal non linéaire ne stocke pas et n’absorbe pas l’énergie, les effets thermiques sont faibles. D’autre part, comme la réponse électronique est quasi-instantanée, l’amplification paramétrique n’est pas fonction de la fluence mais de l’éclairement optique. Enfin et surtout, comme il n’y a pas de résonance électronique impliquée, l’amplification paramétrique est, par nature, accordable en fréquence et, parfois, large bande : un intervalle de fréquences optiques qui peuvent être simultanément amplifiées 5
I Amplification paramtrique optique en ondes planes |