Démographie, peuplement et urbanisation des territoires au Sénégal
ensemble Yorouba et contrées en particulier, le Sénégal a une histoire urbaine relativement récente. Ce n’est qu’au milieu du XVIIe siècle et plus tard avec la colonisation que sont apparues les premières villes sous forme de comptoirs commerciaux d’abord et de ports maritimes ensuite. Pour autant, ce pays semble aujourd’hui n’avoir en rien raté le démarrage urbain précolonial qu’a connu la sous-région ouest-africaine durant la période des grands empires. La seconde moitié du XXe siècle s’y est soldée par un « rattrapage urbain » sans précédent marqué par des taux d’urbanisation relativement élevés dépassant de loin la moyenne sous-régionale et même continentale. Tous les échelons urbains sont concernés. Ce « boom urbain » spectaculaire est essentiellement sous-tendu par deux facteurs : le fort accroissement naturel et le comportement des mouvements spatiaux des populations. Ils sont les principaux déterminants de l’urbanisation récente et du processus de transition urbaine plus particulièrement. Totalement en marge du commerce transsaharien, le Sénégal précolonial n’a pas connu la ville au sens actuel du terme. Tantôt guerrières, tantôt maraboutiques, les sociétés précoloniales sénégambiennes et sénégalaises plus particulièrement étaient essentiellement agricoles. Comme le note Pasquier cité par J. Lombard (1963), « la civilisation rurale du Sénégal, à l’écart des grands courants commerciaux sahariens, était incapable de donner naissance à un organisme urbain. Il n’existait pas de cités caravanières comme Kano, Gao ou Djenné». Cependant, l’époque des aristocraties guerrières avait déjà donné naissance à de gros bourgs qui, aujourd’hui, font penser à des tentatives de constructions urbaines
avortées. Traversant le Nord du Sénégal au début du XXe siècle, Mollien dénombrait déjà un certain nombre de villages peuplés de plus de 2000 habitants : Niomré, Koki et Sédo avec respectivement 3 000, 5 000 et 6 000 habitants pour ne citer que ceux-là (Becker et Mbodj, 1994). Ces bourgs peuvent être, dans une certaine mesure, considérés comme le «chaînon de base» de l’histoire urbaine du pays même si, détruits ou désertés durant les luttes de résistance, ils ne permettent pas d’établir un quelconque lien avec le réseau urbain actuel. Ils seraient au moins et hormis l’aspect agricole dans l’un des critères qui définissent aujourd’hui la ville au Sénégal : le seuil démographique. Il faut dire, au-delà de cette mise au point, que la ville sénégalaise est le fruit d’un concours de circonstances dont trois notamment : la colonisation, l’introduction de la culture arachidière et du chemin de fer et l’Islam confrérique. Ces facteurs constituent en quelque sorte des arrière-plans dont la compréhension est un préalable fondamental pour saisir la configuration spatiale actuelle du réseau urbain sénégalais, mais aussi pour comprendre la dynamique urbaine actuelle du pays et de notre zone d’étude plus particulièrement (l’axe urbain Dakar-Touba).
routes maritimes notamment, puisque au-delà de leur rôle stratégique, ils devaient faciliter l’acheminement vers la métropole des ressources tirées de l’exploitation des colonies. Pour cela, les côtes sénégalaises offraient un double avantage : la possibilité de relier la métropole en un temps record et d’avoir un contrôle suffisamment large sur l’Atlantique; cette partie du continent africain étant relativement proche de l’Europe et de l’Amérique. La position géographique d’une ville comme Dakar a suscité, à ce propos, beaucoup d’analyses. Coursin par exemple cité par J. Lombard (1963) écrivit en 1948 que « Dakar se trouve au nœud d’un faisceau de lignes à peu près directes de France et d’Angleterre au Cap; d’Istamboul et du Caire à Buenos-Aires, par Natal, Pernambouc et Rio de Janeiro; de Washington et New-York à Tananarive par Brazzaville et Léopoldville; de l’Amérique centrale à Khartoum et Djibouti par Niamey et Fort-Lamy». Ainsi, c’est dans ce contexte de choix stratégique que vont naître les premiers comptoirs coloniaux et par-delà les premières villes d’origine coloniale. Corrélativement au dépeuplement des villages guerriers, les comptoirs coloniaux connurent un essor démographique ample et rapide.