Symptômes neuropsychiatriques
Puis les symptômes psychiatriques apparaissent au premier plan. Ils font partie du tableau d’encéphalite limbique . L’encéphalite limbique correspond à la triade : troubles du comportement d’installation rapide (moins de 3 mois), amnésie et épilepsie temporale.
En ce qui concerne plus spécifiquement l’encéphalite à Ac anti-R NMDA, 80 à 90 % des patients débutent la maladie par des symptômes psychiatriques. 75% des patients sont vus initialement par un psychiatre et 60% sont d’abord hospitalisés en service de psychiatrie .
Les symptômes psychiatriques sont non spécifiques et multiples : Trouble du comportement (80% des cas) et en particulier, l’agitation, l’agressivité ; Troubles du langage (50% des cas) comme le mutisme, un discours laconique, une écholalie, une logorrhée ;
Des idées délirantes (20% des cas) de type persécution ou mégalomanie, des hallucinations (31% des cas) visuelles ou auditives.
Une catatonie (32% des cas) peut également s’installer . L’anxiété, la labilité émotionnelle et moins fréquemment, des symptômes maniaques et des symptômes obsessionnels.
Ces symptômes peuvent être des conséquences des troubles cognitifs ou entrer dans un syndrome dysexécutif comportemental de type frontal.
Complications neurologiques
Puis, pour près de 70% des patients, s’installent des troubles de la vigilance et des troubles dysautonomiques comme une instabilité neurovégétative et une hypoventilation.
On peut retrouver comme symptômes des troubles du rythme (bradycardie et tachycardie), une hypertension ou hypotension artérielle, une dérégulation thermique, et aussi une hypersialorrhée, une incontinence urinaire et des dysfonctions érectiles. Certains patients peuvent présenter des dérégulations brutales du système sympathique associant une tachy-bradycardie, et des mouvements anormaux comme des crises oculogyres, sans éléments épileptiques .
Si ces symptômes persistent avec signes de gravité, ils peuvent amener au décès, via une hypoventilation centrale, ce qui justifie une prise en charge en unité de réanimation .
Symptômes neurologiques
Des crises d’épilepsie peuvent apparaitre et sont souvent le premier indice d’une cause non psychiatrique aux troubles du patient. Elles peuvent être partielles, en particulier chez les hommes, et être peu visibles, ou secondairement généralisées ou généralisées d’emblée, en particulier chez les femmes. Elles sont souvent résistantes aux traitements antiépileptiques.
Ces dernières peuvent être difficile à différencier de troubles moteurs. Ils sont très fréquents (86% des adultes) et peuvent se confondre également avec ceux de la catatonie : dyskinésie, en particulier oro-faciale, mouvements choréiformes, dystonie, bradykinésie, ballisme. Progressivement, des troubles cognitifs s’installent mais peuvent être réversibles sous traitement. Il s’agit de perte de mémoire à court terme, de trouble de concentration, de troubles du langage (du mutisme à la tachyphémie). Les troubles du sommeil sont également fréquents. Il s’agit d’insomnie, hypersomnie, troubles du rythme veille-sommeil.
Traitement immunomodulateur
Une rémission totale ou quasi-totale est obtenue dans 70-80% des cas sous immunothérapie. Elle est aussi à débuter le plus tôt possible, après élimination d’une cause infectieuse, en particulier virale (HSV).
En première intention : En première intention, il s’agit de corticostéroïdes, d’injections intraveineuses d’immunoglobulines ou encore d’échanges plasmatiques. Les corticoïdes sont la thérapeutique la plus largement prescrite pour leur effet anti-inflammatoire puissant et réparateur de la BHE. Mais ils sont peu spécifiques. De plus, ils sont associés à de nombreux effets indésirables, qui sont mesurables mais pas obligatoirement réversibles en cas d’utilisation au long cours. Ils sont donc souvent associés à une autre thérapeutique et en particulier les Ig intraveineuses qui ont l’avantage d’être facile d’utilisation, moins couteux que les échanges plasmatiques et ont peu d’effets secondaires .
En seconde intention : En seconde intention, l’utilisation d’immunosuppresseurs tels que le Rituximab et le Cyclophosphamide est nécessaire. En pratique, un traitement immunosuppresseur est instauré dans la très grande majorité des cas en France, afin d’obtenir la rémission et l’absence de rechute. Il s’agit de cure mensuelle ou semestrielle pendant 6 à 12 mois minimum. En cas d’évolution défavorable, d’autres traitements peuvent être proposés comme une ovariectomie prophylactique, un traitement immunomodulateur intrathécale. Mais dans ce cas, une prise en charge dans un centre de référence s’avérera le plus indiqué. La difficulté est surtout liée au processus physiopathologique partiellement connu, mais aussi à la perméabilité sélective de la BHE, à la production intrathécale des Ac par des lymphocytes B de durée de vie longue (demi-vie de plus de 6 mois) .
Les anticorps anti-R NMDA
Production des auto-Ac anti R NMDA : La production de ces auto-Ac n’est pas encore claire. Mais nous pouvons avancer quelques explications actuellement.
Chez les patients présentant un tératome ovarien, il a été démontré que les R NMDA sont exprimés par la tumeur . L’hypothèse d’une immunisation, mécanisme de défense physiologique anti-cancéreux, contre le R NMDA parait très probable dans un premier temps. Le virus HSV pourrait jouer un rôle essentiel comme prérequis de cette immunisation .
Dans un second temps, il y aurait une rupture de la barrière hémato-encéphalique (BHE), qui reste à expliquer, permettant le passage des auto-Ac au niveau cérébral et leur action sur les cellules exprimant le R NMDA . Ou il y aurait une synthèse intrathécale des auto-Ac, ce qui a été démontré à plusieurs reprises, notamment chez les patients dont la BHE semble intacte . Et dans ce cas, des lymphocytes B installés au niveau cérébral produisent les auto-Ac dirigés contre le R NMDA . Il faut rappeler que la production d’auto-Ac est fréquente physiologiquement mais les lymphocytes T les produisant sont soient détruits, soient inactivés (anergie) ou supprimés par les lymphocytes T régulateurs. En cas de rupture de tolérance ou d’activation inappropriée de ces lymphocytes, une maladie auto-immune peut se développer. Ces situations peuvent se rencontrer en cas dérégulation du microbiome, infections, cancers, vieillissement .
Effet des auto-Ac anti R NMDA : Même si des inconnues persistent, nous pouvons affirmer que les auto Ac anti-R NMDA ont un effet direct pathogène.
En effet, il a été montré que des antagonistes pharmacologiques, tel que la kétamine, miment les symptômes des patients avec encéphalite à Ac anti-R NMDA. De plus, les patients répondent très bien à un traitement immunomodulateur. Ceci va dans le sens qu’une action anti-R NMDA est responsable des symptômes et qu’il s’agit d’un mécanisme immunitaire.
La pathogénicité des Ac a été testée in vitro et ex vivo. L’incubation des auto-Ac des patients dans une culture neuronale montre une diminution réversible et spécifique de la densité de surface des R NMDA et de leur localisation synaptique. L’Ac perturberait l’internalisation du R et sa diffusion au niveau de la surface cellulaire . Au niveau électrophysiologique, les auto-Ac des patients semblent être responsables d’une modification de la communication interneuronale . Et la perfusion des auto-Ac des patients chez des souris semblent responsable d’une modification de leur comportement, ressemblant aux symptômes des patients .
Table des matières
INTRODUCTION
I. REVUE DE LA LITTERATURE
A. Epidémiologie
B. Clinique
1. Caractéristiques des patients
2. Tableau clinique de l’encéphalite à Ac anti-R NMDA
3. Récapitulatif
C. Para-clinique
1. Examens biologiques
2. Exploration cérébrale
3. Autres explorations
4. Récapitulatif
D. Diagnostics différentiels
E. Traitement
1. Traitement chirurgical
2. Traitement immunomodulateur
3. Traitement symptomatique
4. Récapitulatif
F. Pronostic
1. En chiffres
2. Les facteurs de mauvais pronostic
3. Les séquelles
4. Les rechutes
G. Physiopathologie
1. Le récepteur N-Methyl-D-Aspartate (R NMDA)
2. Les anticorps anti-R NMDA
II. CAS CLINIQUES
1. Mme F
Motif d’hospitalisation
Evolution durant l’hospitalisation en psychiatrie
Prise en charge en réanimation
Prise en charge de l’encéphalite auto-immune à Ac anti-R NMDA
Evolution post-hospitalisation
2. Mme C
Première hospitalisation
Deuxième hospitalisation
Evolution post-hospitalisation
3. Examens complémentaires de Mme F. et Mme C
III. DISCUSSION ET CONCLUSION
A. Autour des cas cliniques
1. Mme F
2. Mme C
B. La recherche de l’auto-Ac anti-R NMDA en psychiatrie
C. Signaux d’alerte sur une étiologie auto-immune en psychiatrie
D. L’auto-immunité en psychiatrie
BIBLIOGRAPHIE