Dégradation des zones côtières et estuariennes

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Types de polluants chimiques

Métaux

Les métaux sont naturellement présents dans les roches et minerais de la croûte terrestre, généralement sous la forme d’oxydes, decarbonates, de silicates ou de sulfures. Une partie des métaux présents dans les sédiments côtiers provient donc de l’altération de ces roches et de l’érosion du bassin versant. D’autres phénomènes, tels que le volcanisme, les feux de biomasse et les sources thermales, contribuent au rejet de métaux dans l’environnement (Rocher, 2003). A ces apports naturels se sont ajoutés les métaux émis à la suite des activités humaines: exploitation des gisements et utilisation des métaux dans de nombreux secteurs d’activité (métallurgie, fonderie, incinération des déchets, combustion des matériaux fossiles et des carburants, épandage de produits phytosanitaires et de fertilisants en agriculture). Les métaux sont présents dans la colonne d’eau et les eaux interstitielles sous forme d’ions libres, de complexes inorganiques et organiques dissous, ou sont liés aux particules en suspension. Les effets toxiques des métaux ainsi que leur comportement au sein du milieu aquatique (mobilité, biodisponibilité) vont dépendre en grande partie de leur spéciation, qui correspond à leur répartition en différentes espèces, formes ou phases (solubles et/ou insolubles) (Boust et al., 1999). La fraction réactive du sédiment regroupeles particules susceptibles de relarguer les éléments métalliquesqu’elles contiennent lors d’une remise en suspension du sédiment et/ou de la modification d’un ou de plusieurs paramètres biogéochimiques (modification de l’activité bactérienne, du potentiel d’oxydoréduction, du pH…) (Di Toro et al., 1990; Cooper et Morse, 1998; Huerta Diaz et al., 1998; Simpson et al., 2000). Certains métaux sont essentiels pour les organismes vivants (Cu, Zn, Co, Fe, Mn, Ni, Cr, V, Se, As) et indispensables à certaines foncti ons biologiques mais l’augmentation de leur concentration peut aboutir à des phénomènes de toxicité sur les organismes. Pour d’autres éléments tels que l’Ag, le Cd, le Hg et le Pb, ce aractère essentiel n’a pas été détecté (Mason et Jenkins, 1995). Ils entraînent des effets biologiques délétères à de très faibles concentrations et représentent donc des substances considérées comme prioritaires pour la surveillance du milieu marin (Réseau National d’Observation de la qualité du milieu marin, RNO)

HAPs

Les hydrocarbures sont des produits naturels composés uniquement d’atomes de carbone et d’hydrogène. Ils sont, dans des conditions normales de température et de pression, solides (paraffine), liquides (essences, pétrole, etc.) ou gazeux (méthane, butane, etc.). Au sein de cette famille, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) composés d’au moins deux cycles aromatiques fusionnés, occupent une place particulière en raison de leurs propriétés toxiques (IARC, 1983; Baumann, 1989; NTP, 1999). Seize HAP ont été définis comme polluants organiques prioritaires par l’Agence pour la Protection de l’Environnement des Etats-Unis (EPA US) (Keith et Teillard, 1979). Les propriétés physico-chimiques des HAPs dépendent de la structure et de la masse moléculaire des composés et conditionnent leur distribution dans l’environnement.
Les HAPs sont rejetés près des raffineries ou dansles ports (pollution tellurique), et également en haute mer par le déversement des eaux de ballast des pétroliers ou accidentellement après naufrage (pollution pélagique) (Marteil, 1974). Le trafic maritime mondial est le facteur le plus important de pollution par les HAPs. Environ deux millions de tonnes de ces composés aromatiques peuvent être retéesj par déballastage chaque année sans compter les nombreux accidents de navigation responsables de la perte en mer de près d’un million de tonnes de pétrole supplémentaires (Marteil, 1974).

Polluants organiques persistants

Les polluants organiques persistants (POP) sont des composés organiques qui, à des degrés divers, résistent à la dégradation photolytique, chimique ou biologique principalement par voie bactérienne. Les POP sont souvent halogénés et se caractérisent par une faible solubilité dans l’eau et une solubilité élevée dansles lipides. Ils persistent dans l’environnement, s’accumulent dans les tissus des organismes vivants à travers la chaîne alimentaire, et présentent le risque d’entraîner des effets indésirables sur les organismes vivants. De par ces propriétés de persistance et debioaccumulation, ces molécules ont tendance à se déplacer sur de très longues distances et se déposer loin des lieux d’émission, typiquement des milieux chauds (à forte activité humaine) vers les milieux froids (en particulier l’Arctique). Les POPs au contraire des HAPs ou métaux n’existent pas naturellement et proviennent de produits chimiques industriels et de sous-produits de certaines combustions et procédés de l’industrie chimique. sIl comprennent les PolyChloroBiphényle (PCB) dont 7 congénères sont particulièrement persitants et présents dans l’environnement (congénères 28, 52, 101, 118, 138, 153, 180), les pesticides les plus nocifs, dont le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT), les dioxineset les furannes.

Surveillance des zones littorales

Biosurveillance

La directive-cadre européenne sur l’eau (2000/60/CE) (DCE), adoptée le 23 octobre 2000 établit un cadre pour une politique européennedans le domaine de l’eau dont l’objectif est de parvenir à un bon état écologique et chimiquedes eaux d’ici à 2015. L’état écologique d’une masse d’eau de surface résulte de l’appréciation de la structure et du fonctionnement des écosystèmes aquatiques associés à cette masse d’eau. Il est déterminé à l’aide d’éléments de qualité : biologiques (espèces végétales et animales), hydromorphologiques et physico-chimiques, appréciés par des indicateurs (par exemple les indices invertébrés ou poissons en cours d’eau). Les conditions de référence d’un type de masse d’eau sont les conditions représentatives d’une eau de surface de ce type, pas ou très peu influencée par l’activité humaine.
En adoptant la directive cadre européenne « Stratégie pour le milieu marin », la France et les pays de l’Union, se sont engagés à évaluer et à préserver la qualité de leur environnement marin. Avec un objectif ambitieux d’atteinte ou de maintien du bon état de l’environnement marin d’ici 2020, cette directive constitue le pilier environnemental de la stratégie maritime européenne. Le suivi de la qualité des eaux dont les eaux littorales est basé sur une sélection de paramètres chimiques et écologiques permettant de dresser un bilan complet de l’état des eaux en Europe. Cet objectif engendre des besoins de connaissances pour suivre, évaluer et agir sur les pollutions qui peuvent rendre impropre l’utilisation de l’eau et/ou perturber l’écosystème aquatique ou marin.
Jusqu’à la fin des années 1980, la surveillance de l’environnement reposait essentiellement sur un ensemble de techniques d’analyses physico-chimiques plus ou moins sensibles, menant à l’évaluation des concentrations de polluants dans l’eau, les sédiments et les organismes vivants. Cependant, bien que ces méthodes soient nécessaires pour évaluer la présence des contaminants dans le milieu, elles ne fournissent pas d’informations sur l’impact réel des molécules chimiques sur les organismes vivants. C’est pourquoi le concept de biosurveillance (ou biomonitoring) s’est développéces dernières années afin d’étudier les effets biologiques des polluants sur les organismes. Le besoin d’une approche écotoxicologique spécifique aux problèmes environnementaux est donc apparu afin d’estimer les risques engendrés par la pollution sur la santédes organismes et de l’écosystème par l’utilisation de mesures chimiques couplées à des mesures biologiques. L’un des défis auxquels est actuellement confrontée l’écotoxicologie est d’élaborer des méthodes performantes permettant non seulement de porter un diagnostic sur la qualité du milieu, mais aussi de prédire les effets à long terme d’une contamination chimique sur les populations, les communautés et les écosystèmes. Dans ce contexte,l iconvient donc de développer des outils et des méthodes pour identifier les sources de pollution, les niveaux d’exposition des organismes et leurs effets tout en prenant en compte les différents facteurs environnementaux susceptibles de moduler ces réponses (Figure 3). La biosurveillance nécessite donc l’utilisation de modèles biologiques appropriés, deméthodes de suivi établissant des relations entre polluants et effets biologiques ainsi que de biomarqueurs sensibles et pertinents.

Modèles biologiques

Tous les organismes ne répondent pas de manière similaire à la contamination chimique. Cela s’explique en partie par la nature et le niveau d’exposition aux substances. Cette exposition dépend du comportement biogéochimique des contaminants, du compartiment considéré, du mode d’alimentation desespèces et de leur place dans le réseau trophique. Les effets observés vont également dépendre des caractéristiques tissulaires et/ou physiologiques des espèces, de leur sensibilité ainsi que du mode d’action des toxiques. Différents organismes ont été utilisés afin d’étudier les effets de la contamination chimique sur les écosystèmes littoraux comme les mollusques(Cossa, 1995; Hiss et al., 1999), les échinodermes (Fernandez et Beiras, 2001; Beiras et al., 2003), les crustacés (Rainbow et White, 1989; Clason et al., 2003), les poissons (Van der Oost et al., 2003), les oiseaux (Jenssen, 1994; Bradbury et Kirby, 2006) et les mammifères marins (Aguilar et al., 2002; Dolman et al., 2009). Ces espèces ont été utilisées en considérant que les bioconcentrations en polluants et les effets biologiques mesurés sont représentatifs de la contamination de leur milieu environnant. Selon Phillips (1980) une espèce sentinelle de la qualité du milieu aquatique doit satisfaire différents critères :
– une abondance et une taille qui facilitent la réalisation des prélèvements et l’obtention d’échantillons représentatifs,
une sédentarité et une large distribution géographique permettant des comparaisons des niveaux de présence entre plusieurs sites,
– une capacité à accumuler les contaminants,
une capacité à intégrer dans le temps les fluctuations du milieu que des mesures dans la colonne d’eau ne permettraient pas de suivre,
– une tolérance aux stress environnementaux et aux contaminants,
– une faible capacité à biotransformer les substances chimiques suivies.
Les mollusques filtreurs comme les huîtres ou les moules, étant des espèces sessiles capables d’accumuler les polluants, satisfont ces critères et sont donc largement utilisés dans les programmes de surveillance environnementale des polluants du milieu marin. Pour l’environnement marin, le programme de surveillance ROCCh-RNO2 conduit par Ifremer pour le compte du MEEDDM (Ministère de l’Ecologie de l’Energie et du Développement Durable et de la Mer), font ainsi largement appel aux bivalves comme espèces indicatrices de la qualité du milieu marin littoral. L’utilisation des poissons dans de tels programmes de surveillance est moins fréquente notamment à cause de leur vie moins sédentaire et leur capacité à s’adapter aux perturbations du milieu (Arendt, 1997). Cependant, les poissons représentent des espèces d’intérêt de part leur forte diversité et leur valeur commerciale en tant qu’importante ressource halieutique. De nombreuses espèces de poissons sont dépendantes des aires littorales pendant une partie de leur cycle de vie et sont donc susceptibles d’être impactées par la contaminationchimique de ces milieux (Cabral et al., 2007). En général, le frai prend place au large, impliquant la migration des larves vers la côte continentale à travers les aires littorales et estu ariennes (Koutiskopoulos et Lacroix, 1992). Les larves et juvéniles y restent durant plusieurs mois ou années, en fonction de l’espèce, jusqu’au recrutement des adultes pour le renouvellement des populations (Beck et al., 2001; Vasconcelos, 2008). L’utilisation des zones estuariennes et côtières par les juvéniles de poissons présentent plusieurs avantages tels qu’une disponibilité en proie, un refuge vis-à-vis des prédateurs, de bonnes conditions pour une croissance rapide et une forte connectivité avec d’autres habitats (Beck et al., 2001; Cabral et al., 2007). Beck et al. (2001) considèrent quatre facteurs nécessaires à la contribution des zones de nourricerie pour le bon recrutement des adultes : densité, croissance, survie des juvénileset mouvement vers les habitats adultes. En particulier, de nombreuses études ont montré que les juvéniles de poissons qui présentent une croissance rapide et possèdent de hauts niveaux de réserves énergétiques sont moins vulnérables à la prédation et sont donc plus aptesà survivre en période hivernale (Biro et al., 2004; Sogard, 1997; Vinagre et al., 2008). En effet, pendant l’hiver, les poissons peuvent endurer des périodes de jeûne provoquées par la diminution de la disponibilité en nourriture (Foy et Paul, 1999), ce qui implique que les juvéniles doivent puiser sur leurs réserves énergétiques accumulées pendant les périodes estivales et automnales. L’augmentation des apports en contaminants chimiques comme les métaux et polluants organiques dans les environnements littoraux tendent ainsi à perturber leur fonction essentielle de nourricerie pour les juvéniles de poissons (Gilliers et al., 2006; Le pape et al., 2007). En effet, les juvéniles restent habituellement inféodés à leur estuaire, ils ne migrent généralement pas entre estuaires (Amaraet al., 2007) même si ces habitats sont sujets à une diminution de leur qualité (Moles et al., 1994). En France, une étude réalisée sur 13 estuaires de la façade Manche-Atlantique, suivie par la direc tive cadre sur l’eau, a révélé la perturbation de la fonction de nourricerie de ces estuaires en relation avec les perturbations d’origine anthropique (Courrat et al., 2009). Une diminution de l’abondance et du nombre d’espèces de juvéniles utilisant ces estuaires comme zone de nourricerie a ainsi été reliée aux contaminants métalliques et organiques malgré la forte productivité des estuaires les plus anthropisés. L’étude des effets des contaminants chimiques sur les poissons apparait donc indispensable pour suivre leur état de santé et prévenir d’une perturbation sur les populations à plus long terme. L’utilisation du poisson en tant qu’espèce biologique indicatrice de la contamination chimique a d’autant plus d’intérêt queles connaissances en physiologie, biochimie, écologie et éthologie sont assez nombreuses chez ces organismes par rapport aux invertébrés (Boudou et Ribeyre, 1989). De plus, lespoissons présentent une grande diversité de types morphologiques, des régimes alimentaires, des cycles de vie, des distributions verticales et de comportements qui permettent de couvrir l’ensemble de la composante spatiale aquatique des estuaires susceptibles d’être impacté par les activités humaines (Whitfield et Elliott, 2002). Le rôle important des poissons dans la structuration et le fonctionnement des réseaux trophiques aquatiques conduit à les considérer comme des éléments représentatifs et intégrateurs de l’écosystème.

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Méthodes d’étude

Différentes méthodes d’étude ont été utilisées n afid’analyser les effets des contaminants chimiques sur les organismes aquatiques en condition plus ou moins contrôlées, chacune apportant différents degrés d’informationstoxicologiques (Figure 4). La première méthode consiste à prélever des organismes dans dessites plus ou moins impactés. Cette méthode d’étude représente l’outil le plus intégrateur des conditions environnementales et permet ainsi d’aboutir à des résultats pertinents sur l’état de contamination chimique du milieu environnant. Ce type d’approche a été réalis avec des prélèvements de poissons dans des milieux présentant des niveaux de contamination contrastés (Riba et al., 2005; Henry et al., 2004; Amara et al., 2009) et est utilisé dans différents programmes ed biosurveillance. C’est par exemple le cas du programme Seine-Aval dans lequel le flet, Platichthys flesus, et le bar, Dicentrarchus labrax, ont été choisi comme espèces pilotes pour évaluerles processus de contamination en métaux (Miramandet al., 1998). Cependant, les migrations de la plupart des espèces de poissons pour l’alimentation ou la reproduction entraînent une incertitude sur la capacité de ces prélèvements d’organismes à refléteréellement la qualité du site de capture. De plus, la fluctuation des différents facteurs environnementaux rendent difficile d’accéder avec certitude aux effets seuls des contaminants chimiques présents dans l’environnement. Il peut être également difficile de disposer de sitesde référence dans lesquels les mêmes organismes seraient présents et soumis à des conditions environnementales similaires que les sites pollués.
La mise en place d’expérimentations en conditions contrôlées permet de prendre en compte les interactions entre les facteurs biotiques et abiotiques dans l’étude des effets des contaminants et représente donc un moyen de pallier, en partie, aux difficultés rencontrées dans les études de terrain (Culp et al., 2000). En effet, en contrôlant les facteurs confon dants, les bioessais de toxicité apparaissent comme des instruments pertinents pour les scientifiques pour tester les mécanismes de toxicité ainsi que labiodisponibilité des contaminants chimiques pour les organismes. Des bio-essais respectant un protocole expérimental précis (durée, température, salinité, photopériode, stade développement, etc.) et comprenant des mesures d’effets léthaux des polluants sur les organismes peuvent ainsi être normalisés et intervenir dans l’établissement de valeurs toxicologiques de références (NQE, CL50, NOEC, etc.). Les tests de toxicité qui impliquent des mesures subléthales des poissons fournissent également des informations sur la sensibilité, la pertinence et la variabilité des différents biomarqueurs utilisés en écotoxicologie vis-à-vis d’un polluant ou d’un mélange complexe de polluants (Jiménez-Tenerio et al., 2007). Dans ce contexte, les bio-essais peuvent être utilisés pour comprendre les mécanismes des perturbations ou pour identifier les substances responsables des effets observés. Une multitude de bioessais ont ainsi été réalisées chez des poissons exposés à des contaminants chimiques par contamination par la colonne d’eau (Al-Yakoob et al., 1996; Richards et Playle, 1998; Gagnon et Holdway, 1999; Annune et Iyaniwura, 1993; Gbem et al., 2001), par le sédiment (Moles et Norcross, 1998; Fragoso et al., 2006; Otte et al., 2008; Costa et al., 2008; Kilemade et al., 2009) ou par voie trophique (Scott et al., 2003; Mielbrecht et al., 2005; Saborido-Rey et al., 2007). Cependant, même si des efforts se sont développés pour essayer de réaliser des expositions dans des conditions proches de celles du milieu naturel, les concentrations et le comportement des polluants s’avèrent souvent très différents entre laboratoireet environnement naturel. En effet, les durées d’exposition de ce genre d’expérimentation ’avèrents souvent relativement courtes et les concentrations utilisées peuvent se situer dans une gamme assez loin des concentrations environnementales.
Une immersion directe des poissons dans des sites sélectionnés (site pollué et site de référence) permet un meilleur contrôle des conditions d’exposition aux polluants présents dans l’environnement. L’utilisation de cage de pois sons (méthode de « caging ») dans de telles études représente donc un avantage certain ne connaissant avec précision la localisation et la durée d’exposition des espèces tout en conservant les caractéristiques environnementales du site étudié (Oikariet al., 2006). Ce type d’approche permet de choisir l’esp èce d’intérêt qui peut être soit issue d’aquaculture ou prélevé en milieu naturel, et également de sélectionner leur taille, leur stade de développement et parfois leur sexe suivant l’objectif de l’étude. Plusieurs récent travaux ont ainsi utilisé cette méthode en tant que méthode d’étude alternative des effets des contaminants chimiques en mesurant principalement la réponse de biomarqueurs moléculaires (Lindström-Seppa et Oikari, 1990; Soimasuo et al., 1995; Goksoyr et al., 1996; Stien et al., 1998; Van der Oost et al., 1998; Winter et al., 2005). En général, ces études ont été réalisées sur des poissons de grande taille de salmonidés (Lindström-Seppa et Oikari, 1990), de poissons plat s (Beyer et al., 1996) ou d’anguilles (Teles et al., 2004; Trembley et al., 2004). Cependant, certains désavantages ont étédentifiés comme les problèmes d’alimentation, la mise en place souvent laborieuse des cages et il est encore difficile d’évaluer le stress physiologique induit par ce procédé sur les organismes. La réalisation complémentaire d’étude en milieu naturel et d’expériences de laboratoire permettrait de mieux comprendre les mécanismes de oxicité et de mieux appréhender l’importance des facteurs environnementaux sur cette toxicité.

Les biomarqueurs

Bien que le développement des analyses chimiques ait permis de détecter et doser de nombreux contaminants chimiques présents dans l’environnement, l’association de ces polluants peut rendre difficile les interprétationssur leurs effets potentiellement toxiques sur les organismes. Conjointement aux mesures chimiques, la mesure de variables biologiques est susceptible d’apporter une information intégrée surl’état de l’écosystème (Lévêque, 1997). Différents paramètres biologiques ont ainsi été développés représentant des paramètres à moindre coût pour évaluer les réponses biologiquesaux pollutions environnementales au niveau moléculaire, cellulaire et de l’organisme (McCarthy et al., 1990; Shugart et al., 1992; Viarengo et al., 1997). Un biomarqueur peut être défini comme uneréponse biologique pouvant être reliée à une exposition ou à des effets toxiques de contaminants chimiques présents dans l’environnement (Peakall, 1994). Selon le NRC (National Research Council, 1987), les biomarqueurs peuvent être subdivisés entrois classes :
– Les biomarqueurs d’exposition sont des indicateurs de la contamination des systèmes biologiques par un (des) xénobiotique(s). Ils peuvent correspondre à des molécules exogènes ou leurs métabolites issus de la métabolisation duxénobiotique ou de produits issus de son interaction avec certaines biomolécules ou cellules cibles. Les biomarqueurs d’exposition peuvent également prendre la forme d’activités ou dequantités anormales d’enzymes. En effet, certaines enzymes sont capables d’être induites ou activées par les polluants, cette induction pouvant revêtir un caractère plus ou moins spécifique d’un type de polluant donné.
– Les biomarqueurs d’effets sont des altérations biochimiques, physiologiques, comportementales ou autres au sein d’un organisme dont la réponse, en fonction de son intensité, peut être assimilée à un trouble ou unemaladie. L’utilisation des biomarqueurs d’effet permet de montrer que le xénobiotique est entré dans l’organisme et, qu’après avoir été distribué entre les différents tissus, a exercé uneffet toxique sur une cible critique. Ils sont utilisés pour évaluer les effets des xénobiotiquesur les individus, les populations ou les écosystèmes.
– Les biomarqueurs de susceptibilité sont des indicateurs d’une capacité inhérente ou acquise d’un organisme à répondre à un xénobiotique spécifique. Ils ont pour objet de rendre compte de différences interindividuelles dans la réponse à une exposition toxique. Cette catégorie de biomarqueurs peut donc notamment inclure des facteurs génétiques. En effet, cette sensibilité individuelle peut résulter de polymorphismes des gènes impliqués dans le métabolisme des xénobiotiques ou dans la réparationdes lésions de l’ADN.
Certains biomarqueurs sont plutôt spécifiques d’une famille de substance chimique et d’autres ne font que traduire des réactions physiotoxicologiques générales, mais ne vont pas renseigner sur le type de substance responsable de cette réaction. Dans une optique de détection de l’exposition des organismes à des contaminants chimiques et d’évaluation précoce de risques écotoxicologiques, certains critères doivent être satisfaits afin de valider l’utilisation des biomarqueurs. Van der Oost et al. (2003) proposent six critères comprenant les informations les plus importantes que devrait respecter un « bon » biomarqueur:
la mesure du biomarqueur doit être précise (avec des assurances qualité), à moindre coût et facile à effectuer, la réponse du biomarqueur doit être sensible à l’exposition à un polluant et/ou ses effets pour servir de paramètre précoce d’alerte, les valeurs basales du biomarqueur doivent être bien définies pour distinguer la variabilité naturelle (bruit) et le stress induit par le contaminant (signal), les effets des facteurs confondant sur la réponse de ces biomarqueurs doivent être bien établis, les mécanismes soulignant les relations entre réponse du biomarqueur et l’exposition au polluant (dose et temps) doivent être établis, la pertinence écologique de la réponse du biomarqueur, c’est-à-dire les relations entre sa réponse et l’impact (à long terme) sur l’organisme, doit être établie.
L’exposition et/ou l’assimilation de polluants par un organisme marin provoque des effets plus ou moins importants sur sa santé en fonction de la durée d’exposition ou de la dose ingérée. L’exposition à des doses croissantes de polluants entraîne des réponses physiologiques compensatoires mais lorsque la compensation physiologique est insuffisante pour maintenir les fonctions vitales, des conséquences pathologiques interviennent. Selon les biomarqueurs considérés (d’exposition ou d’effets),leurs réponses vont se traduire dans ces zones de compensation ou non (Figure 5).

Table des matières

Chapitre I : Introduction générale
1. Dégradation des zones côtières et estuariennes
1.1 Importance écologique des milieux littoraux
1.2 Perturbations des milieux littoraux
2. Pollution de l’environnement littoral
2.1 Types de pollution chimique
2.2 Types de polluants chimiques
3. Surveillance des zones littorales
3.1 Biosurveillance
3.2 Modèles biologiques
3.3 Méthodes d’étude
3.4 Les biomarqueurs
4. Mesure des effets des polluants chez le poisson
4.1 De la molécule à la cellule
4.2 De l’individu aux populations
4.3 Sensibilité vs pertinence écologique
5. Utilisation simultanée de biomarqueurs chimiques, moléculaires et physiologiques
5.1 Bioconcentration des métaux et HAPs
5.2 Les biomarqueurs moléculaires
5.3 Paramètres physiologiques : croissance et indices de condition
6. Objectifs et organisation de la thèse
Chapitre II : Matériel et Méthodes
1. Expériences réalisées
1.1 Démarche expérimentale
1.2 Espèces cibles
1.3 Simulation d’un déversement pétrolier sur des juvéniles de bar : analyse en conditions controlées
1.4 Effets d’une pollution multiple de contaminants chimiques sur des juvéniles de bar et de turbot : analyses en conditions contrôlées et semi-controlées
1.5 Effets des contaminants chimiques sur l’état de santé de juvéniles de flet : analyse in situ
1.6 Synthèse des expériences et analyses effectuées
2. Analyses physico-chimiques
2.1 Paramètres hydrologiques et sédimentaires
2.2 Dosage des hydrocarbures dans la colonne d’eau
2.3 Analyse des contaminants chimiques dans les sédiments
3. Analyses des contaminants chimiques dans les poissons
3.1 Dosage des HAPs dans les chairs de poissons
3.2 Estimation des métabolites biliaires d’HAPs
3.3 Dosage des métaux dans les branchies et foies de poissons
4. Analyses des paramètres biologiques
4.1 Biomarqueurs moléculaires hépatiques
4.2 Indices de croissance
4.3 Indices de condition
4.4 Anomalies pathologiques et histologiques
Chapitre III : Simulation des effets d’un déversement pétrolier sur des juvéniles de bar : analyse en conditions controlées
1. Réponses de biomarqueurs moléculaires et d’indices de croissance et de condition mesurées sur des juvéniles de bar, Dicentrarchus labrax, exposés à du pétrole94
Résumé : Responses of molecular biomarkers, growth and condition indices measured on juvenile sea bass, Dicentrarchus labrax, exposed to an acute crude oil
2. Expérience complémentaire : utilisation d’un dispersant chimique
Chapitre IV : Effets d’une pollution multiple de contaminants chimiques sur des juvéniles de bar et de turbot: analyses en conditions controlée et semicontrolée
Partie 1 : Expérience préliminaire : exposition de juvéniles de bar à des sédiments contaminés pendant 48 h
Partie 2 : Exposition par « caging » de juvéniles de bar et de turbot dans un milieu portuaire
2.1. Réponses biologiques de juveniles de bar (Dicentrarchus labrax) et de turbot (Scophthalmus maximus) dans un port pollué
Résumé
Biological responses of caged juvenile sea bass (Dicentrarchus labrax) and turbot
(Scophtalmus maximus) in a polluted harbour
2.2. Les réponses des biomarqueurs moléculaires reflètent-elles la performance physiologique des juveniles de bar et de turbot mis en cage dans un port pollué ?
Résumé
Are biochemical biomarker responses related to physiological performance of juvenile sea bass (Dicentrarchus labrax) and turbot (Scophthalmus maximus) caged in a harbour polluted area?
Partie 3 : Exposition de juvéniles de turbot à des sédiments portuaires et estuariens en condition de laboratoire
3.1. Croissance et indices de condition de juveniles de turbot, Scophthalmus maximus, exposés à des sédiments contaminés : effets de composés métalliques et organiques
Résumé
Growth and condition indices of juvenile turbot, Scophthalmus maximus, exposed to contaminated sediments: effects of metallic and organic compounds.
3.2. Une approche multibiomarqueur pour évaluer les effets délétères de sédiments contaminés sur des juvéniles de turbot, Scophthalmus maximus
Résumé
A multibiomarker approach in juvenile turbot, Scophthalmus maximus, exposed to contaminated sediments
Chapitre V : Effets des contaminants chimiques sur l’état de santé de juvéniles de flet : analyse in situ
Résumé
Metal bioconcentrations and condition indices in juvenile European flounder,
Platichthys flesus, from French and Belgium estuaries.
Chapitre VI : Discussion générale
1. Méthodes d’étude
1.1 Intérêt des juvéniles de poissons
1.2 Faisabilité du caging sur les juvéniles de poissons.
1.3 Expériences en laboratoire
1.4 Méthode in situ
2. Sensibilité et pertinence des paramètres utilisés
2.1 Analyses chimiques
2.2 Biomarqueurs moléculaires
2.3 Biomarqueurs physiologiques
Conclusion générale
Perspectives
Références bibliographiques
Liste des Figures
Liste des Tableaux
Annexes

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