Étude structurale de la RNase Y, une endoribonucléase impliquée dans la dégradation des ARNm chez Bacillus subtilis
Dégradation des ARNm par les Ribonucléases chez les bactéries
I.A. Dégradation des ARNm : deux modèles bactériens différents, Escherichia coli et Bacillus subtilis Dans cette introduction, nous allons nous intéresser à la dégradation des ARNm chez les bactéries ainsi qu’aux enzymes impliquées dans cette dégradation en nous focalisant sur les aspects structuraux et mécanistiques. La dégradation des ARNm ayant principalement été étudiée chez deux modèles bactériens, Escherichia coli (E. coli) et Bacillus subtilis (B. subtilis), nous verrons d’abord comment se fait cette dégradation chez ces deux bactéries et quelle est son importance dans la régulation de l’expression des gènes lors des divers stress auxquels les bactéries sont soumises. Nous détaillerons ensuite les enzymes responsables de l’initiation de cette dégradation : les endoribonucléases E, J et Y permettent de fragmenter les ARNm afin de générer des fragments d’ARN substrats pour une autre classe de ribonucléases (RNases), les exoribonucléases qui agissent à partir des extrémités 3’ ou 5’ (ex : PNPase, RNase II, RNase R,…) (Figure 1). Nous verrons comment les structures des RNases E et J ont permis d’obtenir des informations quant aux mécanismes de reconnaissance et de clivage interne de l’ARN. Puis nous rappellerons l’ensemble des études réalisées sur la RNase Y, l’endoribonucléase principale chez B. subtilis dont la structure n’est pas connue et nous verrons pourquoi il est primordial d’obtenir des informations structurales sur cette RNase. Des études indiquent que les RNases Y et J font partie d’un complexe macromoléculaire de dégradation des ARNm, le dégradosome. Alors que ce complexe a été largement étudié chez E. coli, chez B. subtilis, son existence reste encore à démontrer. Pour finir, nous verrons que la RNase Y joue un rôle important dans la virulence de certains pathogènes humains, comme le Staphylocoque doré et que, de manière générale, les RNases sont des cibles thérapeutiques potentielles pour de nouveaux antibiotiques qui pourraient permettre de lutter efficacement contre ces pathogènes qui sont de plus en plus résistants aux traitements actuels
Les procaryotes au sein du monde vivant
Les procaryotes (êtres vivants ne possédant pas de noyau), partie intégrante de la biomasse terrestre, rassemblent les archées et les bactéries qui forment deux des trois branches de l’arbre phylogénétique du domaine vivant1 (figure 2) et représentent, à elles seules, 30,9 % de la biomasse terrestre derrière les plantes (68 %), et devant les protistes (0,62%), les champignons (0,31%) et enfin les animaux et insectes (0,15%) (Figure 3) (Site internet n°1). Les bactéries sont présentes dans tous les environnements : le sol, les eaux (océans, mers, lacs, rivières, sources thermales,…) ainsi qu’au sein des êtres vivants (humains, animaux, …).
Escherichia coli et Bacillus subtilis : deux modèles d’étude pour la dégradation des ARNm
Deux modèles principaux bactériens sont utilisés pour les études des processus cellulaires bactériens, comme le métabolisme des ARNm : Escherichia coli appartenant à l’embranchement des Proteobacteria et à la classe des γ-Protéobactéries et Bacillus subtilis appartenant à l’embranchement des Firmicutes et à la classe des Bacilli. Escherichia coli est une bactérie à Gram négatif, présente majoritairement dans le tube digestif des animaux. Cet organisme a d’abord été utilisé pour étudier le processus de conjugaison bactérienne3 et est à l’heure actuelle un modèle bactérien très largement utilisé en recherche. Bacillus subtilis est une bactérie à Gram positif présente dans le sol et capable d’entrer en symbiose avec les racines des plantes. Cette bactérie est donc un excellent modèle pour étudier certains processus cellulaires absents chez E. coli, comme la sporulation ou la formation de biofilms4,5. Cet organisme est également utilisé pour mieux comprendre le fonctionnement de certains pathogènes humains à Gram positif comme Staphylococcus aureus, Streptococcus pyogenes, Bacillus anthracis (responsable de la maladie du charbon) 6–8 ou encore le genre bactérien Lysteria, comme Lysteria monocytogenes responsable d’intoxications alimentaires. L’étude de ce modèle devrait permettre de répondre, dans l’avenir, à certaines questions telles que : Quelles pourraient être les nouvelles stratégies thérapeutiques pour combattre ces pathogènes ? Comment ces pathogènes se protègent-t-ils grâce à leur mécanisme de sporulation et de formation de biofilm ? Quel est le mécanisme de résistance à certains antibiotiques, en particulier pour le Staphylocoque doré résistant à la méthicilline (SARM) qui devient multi-résistant et pose de nombreux problèmes dans les hôpitaux6 . E. coli et B. subtilis vivent dans des environnements complètement différents qui nécessitent des fonctions physiologiques distinctes pour y vive et s’y adapter. De plus, près de trois milliards d’années d’évolution séparent ces deux organismes9 ce qui permet de penser que des différences existent en ce qui concerne la dégradation des ARNm chez ces deux organismes. Une première différence majeure concernant le métabolisme des nucléotides et de l’ARN a été observée au début des années 7010 . Une étude a révélé que l’utilisation d’eau marquée 18O conduit à une forte incorporation d’ 18O dans les acides nucléiques chez E. coli signifiant que le métabolisme des acides nucléiques fait appel à un mode de synthèse et de dégradation hydrolytique10. A l’inverse, chez Bacillus subtilis, cette incorporation était très faible, indiquant un mécanisme non-hydrolytique11. A cette époque, la polynucléotide phosphorylase (PNPase) et la RNase II était les deux enzymes connues fonctionnant respectivement de façon phosphorolytique et hydrolytique. Des tests enzymatiques ont été réalisés à partir d’extraits cellulaires provenant de quatre souches : trois d’E. coli (sauvage, PNPase_ et RNase II_ ) et la souche sauvage de B. subtilis, en utilisant un polynucléotide marqué au tritium ([3H]polyA). La comparaison de la quantité de mononucléotides relargués en absence ou présence de phosphate inorganique a montré que, dans la souche sauvage d’E. coli, la dégradation hydrolytique était prédominante alors que, chez B. subtilis, la dégradation hydrolytique était négligeable par rapport à la dégradation phosphorolytique12. De plus, la comparaison de l’activité mesurée pour la souche PNPase – par rapport à la souche RNase II- d’E. coli indique que c’est la RNase II qui est responsable de la dégradation de la majeure partie du poly(A) (>90%). Cette étude a suggéré que la différence de mécanisme de dégradation des ARN pour ces deux organismes est due au fait qu’ils vivent dans des milieux différents qui ne dépendent pas des mêmes ressources énergétiques. En effet, la dégradation phosphorolytique, qui permet de relarguer des nucléotides diphosphates et de conserver l’énergie de la liaison phosphodiester, serait présente chez B. subtilis qui vit dans le sol où les conditions sont plus difficiles et les ressources énergétiques plus rares. A l’inverse, le mécanisme hydrolytique serait prédominant chez E. coli, qui vit dans le tube digestif des animaux ou les sources d’énergie sont abondantes, ce qui ne nécessite pas de conserver l’énergie de la liaison phosphodiester12. Cette étude a posé la question de l’influence du milieu environnemental, dans lequel vit la bactérie, sur le mode de dégradation des ARNm
INTRODUCTION |