Déformations introduites lors de la fabrication de transistors FDSOI
Étude du SOI en bord de STI
Dans cette partie, nous nous intéressons à l’autre bord de la STI, gravée dans le SOI (voir figure 3.1). Nous étudions le champ de déformation du SOI au cours des différentes étapes décrites en figure 2.3. Nous comparons les mécanismes mis en jeu dans le SOI à ceux mis en évidence dans le SGOI précédemment étudié.
Mesures DFEH
Les déformations dans le plan sont celles qui contiennent l’information traduisant un éventuel relâchement au niveau des interfaces film mince Si/oxyde. Elles seules seront montrées et exploitées dans la suite. La figure 3.12 montre les profils de εxx extraits des images DFEH, dans le film Si à partir du bord de la STI, au cours des différentes étapes. La déformation εxx initiale du film Si dans l’état « post-condensation » est montrée en figure 3.12 (a). Cette déformation est nulle car, pour le substrat SOI, le bord de STI est positionné loin de l’interface SOI/SGOI (étudiée en partie 3.3) et la structure SOI reste relaxée. Après gravure des STI (figure 3.12 (a)), le SOI montre une légère mise en compression à partir du bord (relaxé) de la STI, jusqu’à -0,25 % à 100 nm de ce bord. Après le recuit STI 6. four AMAT Producer Vantage Radiance 3.5. Étude du SOI en bord de STI 113 Figure 3.12 – Profils de déformation dans le plan mesurés par DFEH, dans le film mince SOI au bord d’une STI, pour les échantillons prélevés sur les wafers (a) « post-gravure STI », (b) « post-recuit STI » et (c) « post-CMP » (présentés en figure 3.1). Les profils de déformation de l’étape précédente sont reportés en gris clair pour aider à la comparaison. (figure 3.12 (b)), ces déformations εxx restent inchangées. Après la CMP (figure 3.12 (c)), le SOI montre une compression au bord de la STI (de l’ordre de -0,2 % à 30 nm du bord). Le film retrouve ensuite progressivement son état relaxé en s’éloignant de ce bord (εxx est de l’ordre de -0,05 % à 300 nm du bord). Les déformations présentées en figure 3.12 sont très faibles par rapport à celles observées dans le SiGe en partie 3.4. En effet, la principale source de déformation du SGOI provient de la transformation initiale du film Si en SiGe, qui n’est pas présente dans le SOI. En figure 3.12 (a), la relaxation du SiN (1,2 GPa) déposé au dessus du SOI afin de définir les STI (étape C représentée en figure 3.1), met en compression le film Si sous-jacent. Le recuit à une température élevée (étape D représentée en figure 3.1), permettant le fluage du SiO2, ne modifie pas significativement εxx (figure 3.12 (b)). Le retrait du masque SiN (étape E représentée en figure 3.1), engendre une relaxation partielle de la compression du film Si (figure 3.12 (c)). 114 Chapitre 3. Étude de la relaxation du film SiGe lors de la co-intégration sur SOI
Modélisation FEM
Nous utilisons exactement le même modèle FEM que celui employé dans la partie 3.4, en remplaçant la structure SGOI par la structure SOI. Une première version « classique » du modèle (profils rouges) est réalisée en supposant les interfaces Si/SiO2 rigides, tandis qu’une seconde version (profils bleus) prend en compte un relâchement aux interfaces Si/SiO2 (avec des constantes de raideur identiques à celles permettant de bien simuler les déformations dans le SiGe, en partie 3.4). À chaque étape, les champs de déformation et de contrainte simulés à l’étape précédente sont réintroduits comme conditions initiales dans le modèle FEM. La figure 3.13 présente les profils de εxx issus de ces deux modèles FEM, et les compare aux profils expérimentaux. Figure 3.13 – Profils de déformation dans le plan simulés par éléments finis dans le film Si, en bord de STI, pour les échantillons (a) « post-gravure STI », (b) « post-recuit STI » et (c) « post-CMP ». Les FEM sont effectuées à partir d’un modèle classique tenant compte de la viscosité du SiO2 (en rouge) et avec l’introduction des effets de relâchement aux interfaces film Si/SiO2 (en bleu). Ces profils sont comparés aux mesures DFEH. Pour l’échantillon SOI « post-gravure STI » (figure 3.13 (a)), la FEM classique retranscrit bien les déformations mesurées par DFEH. L’introduction de l’effet de relâchement aux interfaces film mince/oxyde ne permet pas de maintenir la compression dans le bord du film 3.5. Étude du SOI en bord de STI 115 Si comme observée par DFEH. Le profil de déformation dans l’échantillon « post-recuit STI » n’est pas aussi bien reproduit (figure 3.13 (b)). La FEM classique permet une bonne simulation de la mesure de εxx sur les 100 nm en bord de STI, mais elle prévoit que la compression diminue après 100 nm, alors qu’elle est mesurée constante jusqu’à 300 nm du bord. La FEM tenant compte du relâchement aux interfaces Si/SiO2 montre quant à elle un meilleur accord avec la mesure DFEH entre 150 et 300 nm du bord, mais un moins bon accord entre 0 et 150 nm. Les déformations εxx de l’échantillon « post-CMP » mesurées sont bien reproduites par le modèle FEM classique (figure 3.13 (c)). L’introduction d’un relâchement aux interfaces film/oxyde engendre une εxx dans le film Si presque nulle, en contradiction avec les observations. Finalement, à la vue de ces simulations, le modèle considérant les interfaces entre le film Si et le SiO2 comme rigides retranscrit mieux les mesures DFEH. Il n’est pas nécessaire d’introduire de relâchement aux interfaces film mince/SiO2 pour reproduire nos mesures, alors que c’était indispensable dans le cas des structures SGOI.
Interprétation : comportement de l’interface Si/SiO2
Nous observons une mise en compression du film Si par l’action du masque SiN susjacent, en tension, qui relaxe partiellement en bordure de STI en cherchant à se contracter. Cette action s’exprime en particulier lors du recuit STI à 1050 °C, grâce au fluage du SiO2 (figure 3.12 (b)). La compression du film Si est ensuite partiellement conservée lors du retrait du SiN, par l’action du BOX redevenu rigide à basse température (figure 3.12 (c)). Ce processus de transfert de contrainte dans le film mince est appelé « BOX creeping » dans le milieu industriel. Un modèle élastique « classique » reproduit convenablement les déformations dans le plan des échantillons SOI « post-gravure STI » et « post-CMP », en bord de STI (figure 3.13). Par contre l’étape de recuit n’est pas bien reproduite par les deux modèles FEM. Nous supposons que le paramètre Epseudo du SiO2, extrait de la partie 3.4.2.2 pour retranscrire le fluage à partir d’une FEM élastique, n’est pas adapté à la structure modifiée qui est simulée (SOI au lieu de SGOI). Finalement, pour ces structures SOI, l’introduction d’un relâchement aux interfaces film mince/oxyde dans la simulation dégrade la reproduction des mesures DFEH de εxx. Nous pouvons conclure que le relâchement aux interfaces du film mince n’est nécessaire que lorsque la couche contient du Ge. Cependant, l’énergie élastique emmagasinée dans le SOI est faible comparée à celle emmagasinée dans le SGOI. Cette densité d’énergie élastique par unité de surface est donnée par : Eel surf ´ = 1 2 σεc = 1 2 C11 + C12 − 2 (C11) 2 C12 ! ε 2 c (3.4) où c est l’épaisseur du film et ε la déformation du matériau (relativement à lui-même). Le calcul de cette densité d’énergie élastique du film Si à l’étape « post-recuit STI » est de 116 Chapitre 3. Étude de la relaxation du film SiGe lors de la co-intégration sur SOI Eel surf ´ = 0, 005 J.m-2, faible devant celle calculée pour le film SiGe à la même étape, de 0,053 J.m-2. Ainsi, la force motrice disponible dans le film Si pour faire évoluer les déformations du film, lors du retrait du masque SiN (étape E en figure 3.1), est beaucoup plus faible (d’un facteur 10) et donc pas comparable à celle présente dans le film SiGe. Nous ne pouvons donc pas écarter l’hypothèse selon laquelle la différence de comportement observée à l’interface film/SiO2, selon que le film est en Si pur ou en SiGe, proviendrait de la faible déformation initiale du film de Si.
Confrontation des résultats DFEH à des mesures NBED et électriques
Mesures NBED de la relaxation des échantillons SGOI Les mesures NBED ont été réalisées par A. Pofelski à STMicroelectronics sur un TEM FEI Tecnai Osiris, avec un diaphragme condenseur de 10 µm de diamètre. Ces mesures NBED ont été effectuées sur des wafers prélevés dans des lots différents, à différentes dates. La figure 3.14 compare les profils de déformation εxx mesurés dans des films SGOI en bord de STI, par DFEH et par NBED, après les différentes étapes étudiées précédemment (« post-condensation », « post-gravure STI », « post-recuit STI » et « post-CMP », voir figure 3.1). Globalement, nous observons un bon accord entre ces mesures, particulièrement pour les échantillons « post-condensation » et « post-recuit STI ». Les mesures NBED de l’échantillon « post-gravure-STI » (figure 3.14 (b)) encadrent la mesure DFEH, en montrant une portée de la relaxation des films SiGe de l’ordre de 150 nm et 400 nm (300 nm à partir de la mesure DFEH). Les mesures NBED de l’échantillon « postCMP » (figure 3.14 (d)) indiquent, comme dans le cas de la mesure DFEH, une relaxation sur une très longue portée : εxx décroît lentement en s’éloignant du bord de la STI. Nous pensons que les différences entre la mesure DFEH et les mesures NBED résultent de la caractérisation d’échantillons issus de différents lots de wafer, entre lesquels certains paramètres du procédé de fabrication sont amenés à évoluer. Finalement, les mesures NBED confirment les mesures DFEH, qui ont été effectuées sur un lot unique de wafers (tous les wafers que nous avons prélevés pour notre étude ont subi exactement le même procédé de fabrication).
Confrontation entre résultats structuraux et mesures électriques
Initialement, nous souhaitions étudier l’évolution des déformations, au cours des mêmes étapes de procédé, dans un substrat sSOI (où le film Si est contraint). Cette mesure aurait permis de comparer la relaxation d’un sSOI à celle d’un SGOI et d’accréditer ou réfuter un éventuel effet du Ge sur le relâchement aux interfaces film mince/oxyde. Cependant, nous 3.6. Confrontation des résultats DFEH à des mesures NBED et électriques 117 Figure 3.14 – Profils de déformation dans le plan mesurés dans le film mince SiGe au bord d’une STI, à partir de wafers (a) « post-condensation », (b) « post-gravure STI », (c) « post-recuit STI » et (d) « post-CMP ». Les mesures DFEH (exploitées en partie 3.4) sont comparées à des mesures NBED. n’avons pas pu obtenir de wafers permettant ces mesures. Afin de clarifier ce point, nous exploitons dans la suite des mesures électriques réalisées par R. Berthelon dans le cadre de sa thèse CIFRE (STMicroelectronics/CEMES). Les mesures ont été effectuées sur des MOSFETs de largeur W = 600 nm et de longueur de grille L = 20 nm (voir figure 1.1). Les paramètres géométriques décrivant le positionnement d’un transistor sur la zone active sont notés SA et SB, comme décrit en figure 3.15 (a). Ils définissent la distance entre le bord de l’active et le bord du canal, d’un côté et de l’autre côté du MOSFET. Les performances électriques des transistors sont mesurées pour différentes longueurs d’actives, où ils sont placés en leur centre, tels que SA=SB. Plus SA=SB est faible, plus le canal du transistor est proche de la STI. Il est ainsi possible de visualiser un effet de la distance du transistor par rapport à la STI, sur ses performances électriques. Nous comparons les mesures effectuées sur des p-MOSFETs fabriqués sur des actives SGOI à des mesures réalisées sur des n-MOSFETs fabriqués sur des actives sSOI, par le même procédé de fabrication. 118 Chapitre 3. Étude de la relaxation du film SiGe lors de la co-intégration sur SOI Figure 3.15 – (a) Schéma représentant le placement du MOSFET sur l’active en fonction des paramètres géométriques SA et SB. (b) Influence de la compression biaxiale d’un canal FDSOI Si0,8Ge0,2 <110> sur la mobilité des trous, dans l’approximation du modèle piézorésistif. (c) Influence de la tension biaxiale d’un canal FDSOI Si <110> sur la mobilité des électrons, dans l’approximation du modèle piézorésistif. Nous nous intéressons à la tension de seuil Vth et au courant de drain noté IODlin, qui correspond à IDS à VDS = 50 mV avec VGS − Vth = 500 mV. L’équation 1.2 montre que IODlin traduit la mobilité des porteurs. Il renseigne par conséquent sur l’état de contrainte présent dans le canal, c’est-à-dire au sein du film mince. Nous calculons l’influence d’une contrainte biaxiale au sein du canal sur la mobilité des porteurs, en utilisant l’approximation linéaire du modèle piézorésistif [Morva13], afin de comprendre dans quelle mesure elle modifie la mobilité des porteurs dans le canal et donc IODlin. Nous utilisons les coefficients piézorésistifs extraits de [Cass12], qui ont été mesurés dans des MOSFETs FDSOI similaires à ceux que nous étudions. La figure 3.15 (b) montre l’influence d’une compression biaxiale au sein d’un canal FDSOI Si0,8Ge0,2 <110> sur la mobilité des trous, et la figure 3.15 (c) décrit l’influence d’une tension biaxiale au sein d’un canal FDSOI Si <110> sur la mobilité des électrons. Alors, la mobilité des trous dans le canal augmente lorsque la compression biaxiale augmente et la mobilité des électrons dans le canal augmente lorsque la tension biaxiale augmente.
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