Pour désigner les « agrégations » d’individus ou d’organisations avec un terme ne faisant pas directement référence à une approche précise, on parle de « collectifs ». Il est important de comprendre la place et le rôle des « collectifs » souvent éclatés en diverses organisations dans le cours d’un processus collectif. Partant de l’idée générale selon laquelle le projet collectif est une pratique de l’action collective, la pédagogie du projet définit le projet collectif comme une entreprise qui permet à un collectif de personnes ou d’organisations de réaliser une production concrète socialisable, en intégrant des savoirs nouveaux. Certains chercheurs sont arrivés à formuler leurs pensées au sujet des projets collectifs.
Lucbert (2001) dans le cadre d’une étude en rapport avec le Contrat Territorial d’Exploitation (CTE) à Hérault, analyse les projets collectifs dans cette région en tenant compte des dynamiques collectives des territoires considérés dans leurs dimensions productrices, environnementales, sociales et culturelles. Elle met l’accent sur l’organisation économique locale et l’interaction entre les communautés locales et le pouvoir public. Elle préconise que : « L’initiative du projet vient toujours d’une organisation économique locale désirant se positionner dans le concert départemental de projets collectifs territoriaux… Ces projets font donc l’objet de ce que nous pouvons nommer des cogestions fonctionnelles ».
Une étude parallèle et complémentaire à celle de Lucbert (2001), réalisée par Pivot et al. (2001) apporte un éclairage sur les projets collectifs toujours dans l’organisation du dispositif CTE à partir de cas. Ces auteurs insistent sur les modalités que peuvent revêtir les projets collectifs et formulent la conclusion de leur étude par la pensée ci-après: « Il apparaît enfin une certaine diversité des stratégies retenues dans les projets collectifs pour concilier à la fois l’adéquation fine des actions aux situations rencontrées et la prise en compte d’objectifs très variés. L’élaboration des actions relatives à chacun des domaines considérés apparaît effectuée par des collectifs et à des échelles variées, dont la superposition est organisée selon diverses modalités se traduisant souvent par des projets collectifs à caractère globalisant, mais parfois aussi par un ensemble de projets collectifs plus spécifiques, articulés entre eux selon des modalités précises ».
Bouche et Casabianca (2001) à leur tour s’interrogent sur les mécanismes susceptibles de permettre ou handicaper l’émergence des projets collectifs. Ils proposent « le processus d’autonomisation » des projets comme critère majeur de qualification de leur accompagnement par les organismes dont c’est la vocation. Ils prétendent que : « L’accompagnement de projets collectifs suppose donc de conduire des apprentissages dont l’aboutissement est l’autonomie des producteurs vis-à-vis des chercheurs, techniciens ou responsables administratifs et politiques engagés dans la réussite de ces projets ».
Bréchet et Schieb-Bienfait (2010) à leur époque insistent sur le facteur des savoirs partagés lorsqu’ils livrent leur définition sur le concept de projet collectif. Voyons ce qu’ils pensent: « Le projet collectif est un effort d’intelligibilité (un travail sur les savoirs à caractère plus ou moins collectif ou partagé) indissociable d’un effort de construction des relations (un travail de prescription des savoirs, à caractère aussi plus ou moins collectif ou partagé, dans le cadre de relations à construire) ».
Le regard pluriel des chercheurs sur les projets a mis en lumière une importante production académique en gestion de projet sur les phénomènes liés aux projets collectifs. Le nuage d’approches que recouvrent les projets collectifs appelle un effort de clarification et de différenciation des concepts qui les traduisent. Dans ce projet de mémoire, nous nous intéressons aux huit concepts suivants : coconstruction, cocréation, codevéloppement, coinnovation, collaboration, coopération, coordination et coproduction.
Coconstruction
Le terme coconstruction a fait irruption de manière récente dans le langage courant. Ce terme subit une évolution dans la littérature académique : son occurrence dans les résumés des articles devient sensible essentiellement à partir des années 2000.
Pour comprendre la notion de coconstruction dans une situation de travail par projet et la construction de l’identité individuelle, Lindgren et Packendorf (2007) pensent que la conconstruction est un ensemble de processus de confirmation et/ou d’infirmation discontinus dans le sens qu’ils se produisent lorsque le travail par projet et la construction de l’identité individuelle sont réunis pour une même situation.
En règle générale, la coconstruction sert à mettre en valeur l’implication d’une pluralité d’acteurs dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet ou d’une action (Akrich, 2013).Alors que cette dernière insiste sur la mise en relation de plusieurs acteurs, Schieb-Bienfait et al. (2014) insistent plutôt sur la réciprocité des relations entre ces acteurs et affirment que le travail en coconstruction est le déploiement de relations réciproques entre partenaires clefs pour que chaque acteur puisse à la fois faire bénéficier et bénéficier de l’offre du service envisagé.
CHAPITRE 1 : INTRODUCTION |