Définition et concept du « temps »

“ Tout ça pour ça ! ” : temporalité pour les familles de l’accompagnement d’un proche en “ sursis ” et atteint de myélome

Définition et concept du temps 

Le terme « temporalité » vient du latin «  temporalités  » et «  est le caractère de ce qui se déroule dans le temps » [4]. Qu’est-ce que le temps ? Vaste question aux frontières de la philosophie, de la physique, de 1 astrophysique, de la métaphysique avec des incidences sur la psychologie. D’un temps linéaire pour les ranati-larnaticiens à L’absent. C’est du temps pour les physiciens quantiques. Mon propos n’étant pas d’exposer les différentes conceptions du temps, je me centrerai sur ce qui peut éclairer le vécu humain dans le contexte et la fin de vie qui nous intéresse ici. La mythologie met en scène Cronos, le Titan grec dévoreur, entre autres de ses enfants, pour s’assurer un règne sans rival. Orthographe proche de celle de Chronos >>, Dieu du temps, dévoreur des heures, qui modifie, altère toutes choses, tous êtres sur son passage dont ies êtres humains. Toute-puissance de Chronos face à l’impuissance de l’Homme, confronté à son caractère mortel et à son impermanence, au moins physique. « The clock is ticking » disent Ies Anglo-Saxons, Ilar.JS revro3 anü au temps de l’ horloge, mesurable, mesuré, froid et imperturbable. Mais pour que le temps soit tout-puissant, en§ore iui faut-il un << observateur >>, pourrait-on dire avec Eric Fiat [i 5]. Cet observateur à savoir l’Homme a donc ce qu’on appelle une << conscience » du temps. Et cette conscience purement humaine est loin de s’exprimer avec la froideur de l’horloge. Pour en non rmsr la différence, Bergson y glisse le mouvement, passe du temps à la durée et en distingue deux types [15] » 

Durées 

L’une serait une donnée quantitative correspondant à une appréciation mathématique ; l’autre serait qualitative. La « durée-qualité >> est << celle que la conscience atteint imrnédiatement ». « En d’autres termes, nos perceptions, sensations, émotions et idées se présentent sous un double aspect : l’un net, précis, rnais impersonnel : l’autre confus, infiniment mobile et inexprimable, parce que le langage ne saurait le saisir sans en fixer la mobilité, ni l’adapter à sa forme banale sans le faire tomber dans le domaine comrnun ». Bergson attire ainsi notre attention sur le fait que notre vie psychique est dynamique et que la traduire en mots revient à la solidifier, à la figer dans ie teflips s dans 1 espace, et donc à réduire, d’une certaine manière à la dénaturer. La répétition d’une sensation entraîne la modification de cette même sensation. Cela vaut également pour les sentiments. Tenter d’analyser leur déroulement, c’est-à-dire les découper dans le temps, en ôte la substantifique moëlle. Car ils sont riches de mille influences s’interpénètrent, de même la durée dans laquelle ils s’inscrivent « dont les moments se pénètrent ». Le temps dit psychologique. le Kairos grec, se distingue donc d’un temps que nous appelons communément linéaire, ie Chronos, le fameux temps des horloges. Quoique Bergson utilise l’exemple de i’horloge avec davantage de complexité, horloge dont on peut entendre la mélodie et dont il faudra faire un effort rétrospectif pour identifier le nombre de coups sonnés (et donc reconstituer l’heure), si telle n’avait pas été notre intention initiale. Voici En un même exemple illustrées durée-qualité et duréequantité. Ainsi, la durée créée par la vie psychique est faite de moments qui « ne constituent pas une multiplicité numérique >>. Nous sommes dans un temps qualitatif que nous appauvrissons dès que nous le projetons vers l’extérieur, notamment en exprimant par le langage. lr{sous le « décolorons » dit encore Bergson. Et ce temps qualitatif vécu par les familles qui nous intéresse particulièrement dans 1 accompagnement de leur proche malade. 

Temps et cancer

 Comme mis en évidence dans de nombreuses études de représentation sociale dont celle de Moulin [17], le Cancer renvoie à l’idée de maladie effrayante , de par sa gravité et le fait qu’elle puisse entraîner la mort, sociale et biologique. Même si les êtres humains ne découvrent pas à l’occasion d’un entretien exploratoire ou semi-directif qu’ils vont mourir, il seNable que l’évocation du cancer leur rende l’idée de leur finitude plus concrète ou plus proche à l’esprit et dans le temps. Or, Ç’est précisément quand l’idée de fin survient que la question du temps se pose de manière accrue, quand on n’a peut-être plus le temps, ou pas assez. Nous le constatons tous, dans des contextes bien moins dramatiques : qui n’a pas eu une impression d’urgence à visiter moultes musées ou à se rendre à divers endroits de la région pendant ses vacances, deux jours avant son départ après trois semaines de farniente ? Nous revenons ainsi à l’idée du « compte à rebours » évoquée précédemment. Comme le mentionne Erie Fiat « ia maladie fourbe l’espace-temps ». {-a perturbation peut prendre la forme de 1 attente. Fiat [18] illustre la notion d’attente par un exemple banal, de la vie quotidienne, celui où i} cherche à distinguer parmi les personnes attablées à la terrasse d’un café, celles qui attendent, par exemple 1 arrivée de quelqu’un, de celles qui n’attendent rien, qui ont le temps. Celles qui attendent sont présentes physiquement mais ne le sont pas moralement. Celles qui n’attendent pas, sont présentes à la lecture de leur journal, à la dégustation de leur verre, à leur conversation. 1, La situation est d’autant plus singulière pour le patient et sa famille lorsque la date présumée de la modification leur a été communiquée. Consciemment ou inconsciemment et quelle que soit leur manière de vivre , ils attendent cette échéance, telle la chronique d’une mort annoncée, sans nécessairement la souhaiter. Que se passe-t-il alors lorsque 1 échéance arrive et que la mort ne survient pas ? 3.4 « Sursis » Le sursis est défini comme la « remise de quelque chose à une date ultérieure, délai d’exécution i) avec 1 exemple d’un mort en sursis, « qui bénéficie d’un répit avant un événement inéluctable » [4]. Bien que les êtres humains soient en sursis dès leur naissance, ils ne reçoivent pas tous la déclaration d’une Pythie leur annonçant la date de leur mort. Je nomme donc « sursis >> cette période qui va au-delà de la date annoncée du décès par le médecin jusqu’au décès réel. Comment ce sursis, ce délai, est-il vécu par la famille qui accompagne un patient gravement malade ? 

Accompagnemet d’un proche atteint d’une maladie mortelle : les << temps >> pour la famille 

Avant de me pencher sur le vécu de ce sursis pour les familles, je vais brièvement parcourir les différents temps qui rythment l’accompagnement du proche malade et le vécu de ces étapes. 

Différents temps au cours de la maladie : de la pré-annonce au décès

 La temporalité pour la famille de l’accompagnement d’un proche atteint d’un myélome est rythmée par divers événements qui suivent l’évolution de la maladie. Tout d’abord, si le membre de la famille a connaissance de symptômes remarqués par son proche, il va vivre le temps qui précède l’annonce, ce temps d’incertitude et de questionnements, d’une suspicion par le médecin généraliste puis d’analyses et d’examens. Cette période peut être vécue sereinement ou au contraire dans très inquiétude suivant la plainte du proche et le degré d’alarme du praticien. Dans le cas du myélome, il est possible que l’identification de la maladie n’ait lieu que fortuitement, bien que des examens complémentaires soient néanmoins réalisés après une première suspicion. Ce temps de « préannonce » peut paraître long à la famille, suivant les persos. Les qualités de chacun et l’éventuelle crainte projetée sur le degré de gravité de l’affection et l’anticipation des résultats. Vient ensuite le temps de l’annonce, que cette dernière soit réalisée par le médecin en présence du membre de la famille, par le proche malade lui-même ou par une tierce personne. L’annonce est concrète, prend la forme d’r-rn diagnostic, d’un pronostic et tombe comme une sentence. Le membre de la famille peut l’entendre dans sa fulgurance, comprendre de manière quasi-immédiate que plus rien ne sera comme avant, percevoir la flèche du temps qui commence à se laisser compter, d’autant plus quand une espérance de vie chiffrée a été communiquée ; il peut aussi l’entendre sans l’entendre, mettre en piace ce qu’on appelle un refus ou une dénégation, engourdi qu’est son esprit qui refuse de laisser pénétrer une telle 12 nouvelle. Comme le note Ruszniewski à propos du mariage, << comment faire avec un temps qui vient de s’arrêter sous l’effet de quelques mots ? Comment espérer relancer la paroie et ouvrir sur un temps à vivre ? » [19], surtout lorsqu’on sait le temps borné. Le proche malade peut d’ailleurs être celui qui sort le membre de la famille de sa sidération mélangée de désespoir, telle une jeune fille qui constate << certes elle va mourir, mais elle est encore là. On a encore un peu de temps. Entre l’annonce et la mort, il y a donc un temps qui m’a été donné par la voix de ma grand-mère » [19]. Une fois les diagnostic et pronostic entendus, la flanelle accompagne son proche dans la bataille des . Four un myélome, il s’agit d’une chimiothérapie. La combativité, l’espoir et la volonté d’être un soutien pour son proche, guident généralement le membre de la famille, qui, souvent, tait ses propres souffrances, et met ses forces physiques et psychiques au service de la personne malade. Vient le temps des examens et bilans d’évaluation de la première ligne de chimiothérapie, avec à nouveau 1 angoisse des résultats. S’ils sont positifs, c’est un temps de rémission ou de stabilisation qui est vécu, avec le soulagement qui 1 accompagne et un relâchement temporaire, juste le temps de laisser couler ses larmes et/ou de s’offrir un moment agréable avec son conjoint, enfants, amis, de prendre enfin quelques jours de vacances, « d’oublier >> que 1a maladie est mortelle et que ce n’est surement qu’un répit. Il semble que ce temps, malgré une ligne d’anxiété sous-jacente, puisse être savouré, bien que, ces réactions soient étroitement liées à la manière dont le proche malade vit lui-même cette bonne nouvelle. Puis vient le temps de la rechute, où tout espoir semble temporairement abandonner la famille, avant de reprendre avec les propositions d’autres traitements curatifs. Comme le résume ma patiente Madame D., commentant l’oscillation de son moral en fonction des résultats des assises de sa mère : « quand maman va bien, je vais bien, quand maman va mal, je vais mal ». À Tortmenace de désespoir et d’espoir, de pulsion de mort et de pulsion de vie, tel Sisyphe poussant inlassablement son rocher sur une pente qui semble devenir de plus en plus abrupte au fil des lignes de chimiothérapie et autres traitements curatifs. Lln jour, un entretien avec Le médecin, sonne La fin des traitements curatifs et ouvre une voie unique aux traitements dits palliatifs. dont souvent, le membre de ia familie, n’a pas entendu parler précédemment, soit que le terme palliatif n’a jamais été prononcé soit qu’i 1 ne l’a pas laissé pénétrer sa conscience. Madame D., lorsqu’elle apprend, avec plusieurs mois de retard, l’échec de la dernière ligne de chimiothérapie de sa mère et la proposition de traitements palliatifs seuls, me rappelle qu– « palliatif » est synonyme de mort pour elle, son père étant décédé très rapidement après son admission dans une unité portant le même qualificatif. Ce qui nous permet d’avancer dans la thérapie alors, est de lui montrer que cela fait désormais cinq mois que les traitements échouent, donc cinq mois que sa mère survit et manifeste son envie irrépressible de vivre et d’assister au mariage de sa fille deux mois plus tard. Dans notre cas, le temps de la phase palliative peut alors être investi par ma patiente et lui permettre de se mettre au diapason de sa mère, ne serait-ce que dans son désir cher d’assister à son mariage. Comme le note Ruszniewski, une fois qu’il comprend que les soignants ne peuvent plus rien pour lui (en tout cas pas le guérir) « le malade va alors investir ses proches, qui n’ont d’autre pouvoir que d’être là, à ses côtés, air nés et vivants » 

Table des matières

INTRODUCTION
I – RE,CIT DE LA SITUATION
II – ANALYSE, DE LA SITUATION
1) Problèmes posés par la situation
2) Problèmes que me pose la situation
3) Questionnement et problématique
III – RECHERCHE DOCIJ\4ENTAIRE
1) Myélome
1.1 Définition et taux d’incidence
1.2 Aperçu des caractéristiques, prise en charge et évolution de la maladie
2) Pronostic
2.1 Définition et obligation du médecin
2.2Pratiques médicales en matière de pronostic
2.3 Fiabilité des pronostics
2.4 Pronostic : demande des patients, des familles ?
3) Temporalité
3.1 Définition et concept du « temps »
3.2 Durées
3.3 Temps et cancer
3.4 Notion de << sursis >>
4) Accompagnement d’un proche atteint d’une maladie mortelle : les « temps » pour la famille
4.1 Différents temps au cours de la maladie : de l’annonce au décès
4.2 Accompagnement de Ia « mouvance » du proche en sursis : de l’incrédulité à l’espoir renforcé
4.3 Sursis et syndrome du survivant
IV – SYNTHESE ET DISCUSSION
V-Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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