Les infections du site opératoire (ISO) entraînent une augmentation de la morbi-mortalité avec un impact médicoéconomique [1, 2]. L’antibioprophylaxie (ATBP) est essentielle pour la maîtrise du risque infectieux postopératoire si elle est bien appliquée selon un protocole conforme aux recommandations de bonne pratique d’antibioprophylaxie chirurgicale de la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation (SFAR) .
Infection du site opératoire
Définition de l’infection du site opératoire (ISO)
Les infections qui apparaissent après les interventions chirurgicales sont dites «infections post-opératoires ». Il existe deux types d’infections post-opératoires :
– Les infections à distance de l’acte chirurgical, comme les infections pulmonaires en chirurgie extra-thoracique ou les infections urinaires en chirurgie générale. Elles ne relèvent pas de l’antibioprophylaxie mais du non respect de la qualité, de la durée du geste chirurgical, de l’hygiène dans le bloc opératoire et de l’asepsie.
– Les infections directement liées à l’acte chirurgical : notamment appelées infections du site opératoire (ISO).
Les ISO et les infections à distance de l’acte chirurgical font partie des infections nosocomiales, c’est-à-dire une infection contractée dans un établissement de santé.
Le centre de prévention et de contrôle des maladies (CDC : Centers for Disease Control and Prevention), dans le “Guideline for Prevention of Surgical Site Infection”, définit 3 types d’infections du site opératoire :
– Les infections superficielles de l’incision (peau et tissu sous cutané)
– Les infections profondes de l’incision (fascias et muscles)
– Les infections des organes et des espaces inter-organes.
En France, le Comité technique des infections nosocomiales et des infections liées aux soins (CTINILS), a opté pour un regroupement de l’infection profonde et de l’infection d’organe et des espaces inter-organes en raison de la difficulté pratique de distinguer les deux .
Épidémiologie
L’ISO est la troisième cause d’infection nosocomiale plus fréquemment rapportée après les infections urinaires et les pneumopathies . Elle représente 14-16% de toutes les infections nosocomiales chez les patients hospitalisés [6, 7]. Aux Etats-Unis, un indice permettant de surveiller l’incidence des infections nosocomiales, le National Nosocomial Infections Surveillance System (NNIS) à été crée par le CDC [8]. Cet indice représente le risque d’acquisition d’une infection. Il a notamment permis de qualifier les ISO comme infections nosocomiales les plus fréquentes chez les patients opérés. En France, une enquête nationale de prévalence des Infections Nosocomiales (IN) à été mise en œuvre par les établissements de santé et les Centres de Coordination de la Lutte contre les Infections Nosocomiales (CCLIN). Cette enquête a été coordonnée par les Institutions de Veille Sanitaire (InVS) en 2006. Sur 358 467 patients, 19 296 IN étaient recensées, soit une prévalence 5,38%, de patients infectés. Les infections urinaires (n=5 586) étaient les plus fréquentes, devant les pneumopathies (n= 2 833) et les ISO (n=2 733). Ces trois localisations d’IN représentaient 59,2% des sites infectieux documentés. Une enquête de surveillance des ISO à été effectuée par le Réseau d’Alerte d’Investigation et de Surveillance des Infections Nosocomiales (RAISIN) en 2011. et a établi un taux d’incidence brute des ISO de 1,05% (n= 733) pour 70 021 interventions, dont 55% étaient superficielles, 30 % profondes et 15 % concernaient un organe ou une cavité . Soixante douze pourcent des ISO seraient diagnostiqués dans les 15 premiers jours suivant l’intervention chirurgicale.
Physiopathologie des ISO
Les bactéries trouvent au niveau du site opératoire un environnement favorable à leur développement : une diminution de la défense immunitaire, des nécroses tissulaires ou des sérosités. Les infections peuvent provenir de différentes sources:
– L’infection endogène : ou « auto-infection » acquise à partir des bactéries appartenant à la flore normale du patient (cutané, oropharyngée, intestinale et vaginale)
– L’infection exogène : causée par les bactéries provenant d’une source non liée au patient (instruments, personnels, air,…) .
En France, avec l’enquête de surveillance des ISO effectuée par le RAISIN en 2011, sur 733 IN dont 207 ISO. Le critère de diagnostique était la microbiologie et a permis d’isoler 246 micro-organismes, dont les plus fréquemment en cause sont :
– Les Cocci Gram + : staphylococcus 26%
– Cocci Gram + : Enterococcus faecalis 5,7%
– BGN non Entérobactéries : Pseudomonas aeruginosa 5,7%
– Levures 1%
– Candida albicans 0,8%
– Autres Cocci Gram – 0,4% .
Antibioprophylaxie (ATBP)
Historique
L’observation d’un phénomène de compétition par lequel la présence d’une espèce de bactérie peut inhiber la prolifération d’une autre espèce a été faite pour la première fois par Pasteur et Joubert en 1877, qui observèrent l’effet inhibiteur de bactéries saprophytes sur la croissance du bacille charbonneux. Ils nommèrent ce phénomène l’antibiose [14]. Mais la découverte pénicilline par Sir Alexander Fleming en 1928 [15] a complètement changé le sens d’approche pour traiter les maladies infectieuses et sauver la vie de millions de personnes. En effet, le développement de la pénicilline a été un tournant dans la lutte contre les maladies infectieuses et constitue une véritable révolution dans l’histoire de la médecine.
Au début, il y avait une époque dite « euphorique » où l’utilisation des antibiotiques s’est faite de façon non justifiée, massive et empirique, séparée de l’intervention par un intervalle libre et sans connaissance réelle des modes de contamination de la plaie opératoire ni des germes en cause. En effet, la prescription de ces molécules d’antibiotique en postopératoire fut la première forme «antibioprophylaxie » réalisée. C’est seulement à partir de l’année 1955 que Altemeier et Coll ont décrit les inconvénients majeurs de cette «antibioprophylaxie»: l’efficacité non certaine, coût considérable du traitement, la toxicité et la sélection des souches de bactérie résistant aux antibiotiques [16]. C’est alors qu’Altemeier et Coll vont initier les principes d’une prophylaxie raisonnée :
– Limiter certaines classes de chirurgies « propres » ou « propres contaminées »
– S’adresser à une cible bactérienne définie, la plus fréquemment en cause
– Définir un intervalle de temps entre l’administration de l’antibioprophylaxie et le début de l’intervention.
En 1961 les travaux de Burke et son équipe chez l’animal, ont permis d’introduire la notion de période décisive, ayant démontré expérimentalement la nécessité de commencer l’ATBP avant de débuter l’intervention .
En 1984, Vachon à émis la thèse que l’ATBP a pour but de participer à la réduction en fréquence et en gravité d’un risque d’infection hypothétique, liée à une intervention chirurgicale donnée .
Actuellement, les modalités et les indications de l’ATBP ont été affinées et de nombreux protocoles ont été proposés. Une première conférence de consensus à été organisé par la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation (SFAR) en 1992. Ces recommandations font l’objet d’une régulière actualisation, une révision a été faite en 1999 et la dernière actualisation date de 2010 .
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