Jadis le pouvoir était aux mains des monarques. Désormais, ce sont les banques et les marchés financiers qui le détiennent. Le secteur bancaire est par ailleurs stratégique pour notre économie. En 2016, les banques contribuaient à 2,5 % de la valeur ajoutée totale en France et 2,3 % des emplois privés avec également 4 banques françaises qui se classaient dans le Top 9 européen (FBF, 2018). Si demain la banque se fait ubériser*, on peut légitimement s’interroger quant à l’impact sur le citoyen dans sa vie de tous les jours. En effet les menaces sont nombreuses avec l’irruption des fintech* (pour le crowdfunding*, le transfert de fonds, etc.), le positionnement prédateur des GAFA qui guident nos vies et proposent des solutions de paiement, de nouveaux acteurs bancaires, des actions de la multitude sur Internet. Selon (CSC, PAC, 2015), 40 à 60 % de parts de marché de la banque de détail pourrait être capté par les nouveaux acteurs d’ici 10 ans. Ceci est d’autant plus important que parallèlement des fragilités existent (affaire Kerviel, Panama Papers, crises ou faillites comme celle de Lehman Brothers le 15 septembre 2008 à la suite de la crise qui résultait de celle des subprimes, blanchiment d’argent sans compter les fraudes aux cartes bancaires). De plus, les attaques sont sous-estimées car peu de communication est assurée de la part des banques de façon à rassurer les clients. Ceci est d’autant plus vrai qu’elles reposent sur des technologies et notamment sur des mécanismes de sécurité qui font appel à des algorithmes sophistiqués.
Cette thèse traite de la mesure de la maturité numérique de tout acteur du secteur bancaire, du côté de la banque de détail. S’inscrivant pleinement dans une recherche académique, elle vise aussi une portée opératoire .
Au plan analytique, l’enjeu est d’explorer, dans une démarche structurée, la question (vaste) de la maturité numérique. La construction du modèle est une invitation à scruter et analyser, approfondir, ordonner un champ de la littérature académique et professionnelle très foisonnant. Également, d’approfondir certains concepts et cadres d’analyse associés.
Par ailleurs, la création de corpus ad hoc permet d’enrichir les analyses existantes sur le sujet, dans une perspective originale (enquête à dire d’experts) et prospective (enquête sur les usages en devenir). Enfin, la proposition d’un modèle invite à la discussion, à la critique, en tant qu’outil de médiation de la connaissance au service de la stratégie.
Quels enjeux d’un modèle de mesure ?
L’application d’un modèle de mesure peut permettre aux acteurs concernés d’identifier leurs points forts et leurs points faibles à un instant donné. Un modèle, et l’échelle de mesure qu’il propose, peut les aider à choisir et arbitrer leurs priorités numériques en gardant à l’esprit que la transformation digitale de l’entreprise permet de garder un avantage concurrentiel relatif. Comprendre l’évolution des attentes des clients et des prospects et savoir quelles entreprises sont mieux à même d’y répondre dans le domaine d’activité de l’entreprise ou non est en effet un préalable. Le modèle envisagé s’inscrit dans cette perspective : les axes et indicateurs visent à permettre de livrer la photographie de la maturité numérique de l’acteur. Cette mesure peut, par ailleurs, être considérée comme performative, en permettant une analyse réflexive et, dans le processus d’évaluation, enclencher une dynamique de transformation. Il éclairera en premier lieu les dirigeants du secteur bancaire dans la mise en place de leur plan d’action numérique au service de leur stratégie.
Similitudes d’approche et différences pour la transformation numérique entre la banque de détail et la banque de marché
Les recherches menées portent principalement sur la banque de détail où la transformation digitale s’apparente à une question de survie (AGEFI, 2016). La banque de marché, pour sa part, est un sujet connexe non directement traité de façon spécifique dans ce cadre de nos recherches. Pour celle-ci, il s’agit plus de consolider des positions et la transformation digitale revêt des priorités différentes avec par exemple l’importance des robots-conseillers, des produits de niche, des apports du big data*. Avec pour séduire et fidéliser une clientèle, des outils et des services connectés où l’expérience client sera reine couplés à un modèle de relation client basé sur un équilibre entre conseil pointu et gestion autonome.
Il existe des similitudes dans le rôle du numérique dans la transformation digitale entre la banque de détail et la gestion de patrimoine. Le rapport (EY, 2015) pointe l’avantage concurrentiel apporté par la technologie dans la gestion de patrimoine. Avec les infrastructures informatiques très complexes, il est conseillé de tirer parti de l’externalisation informatique. Le mobile, le social, l’analytique et le cloud* sont des opportunités pour la gestion de patrimoine. Sur les 3 pays étudiés (Suisse, Luxembourg, Singapour), qui sont des terres attractives pour les placements, 16,3 % des charges d’exploitation étaient consacrées aux technologies de l’information en 2013. La redéfinition des interfaces entre banques et clients, la transparence des prix et des services (plus présente pour les gestionnaires de patrimoine alors que les banques de détail ont tendance à augmenter régulièrement leurs tarifs et frais appliqués aux clients, en particulier les tenues de compte), la pression sur les profits, l’utilisation de plateformes technologiques par rapport à une évolution des besoins des clients, l’augmentation de l’expérience client sont des tendances fortes.
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