Les programmes de recherche menés sur les plantes médicinales tentent de donner un renouveau à l’utilisation de la « Médecine traditionnelle » aux côtés de la « Médecine moderne » dans un cadre de santé publique à Madagascar. La Médecine traditionnelle pourrait être une solution aux besoins écologiques et socio économiques des communautés. En effet, les médicaments et les produits secondaires de la forêt ont été longtemps négligés. Devant la baisse du pouvoir d’achat des citoyens malgaches causée par une crise multidimensionnelle, les patients ne peuvent plus supporter ni les frais d’hôpitaux modernes, ni le prix des médicaments en pharmacie. La Médecine traditionnelle propose des alternatives préventives et curatives aux médicaments et traitement conventionnels, indisponibles sur place ou d’un coût prohibitif. Ces alternatives impliquent une stratégie de développement durable, en accord avec les lignes directives des politiques nationales. Une attention particulière et soutenue devrait valoriser les précieuses ressources que sont les plantes médicinales. En effet, Madagascar possède une richesse exceptionnelle non seulement du point de vue écosystème, mais aussi au niveau taxon : plus de 12000 espèces de plantes dont 80% des végétaux supérieurs sont endémiques. Ce patrimoine local qui regorge de ressources naturelles végétales explique son utilisation prépondérante pour les soins de santé primaire, surtout dans les régions reculées de Madagascar. De plus, cette utilisation est fortement reconnue parmi les communautés autochtones.
DEFINITIONS DE LA MEDECINE TRADITIONNELLE
La médecine traditionnelle se définit comme étant la somme de toutes les connaissances pratiques, utilisées en diagnostic, prévention et élimination des déséquilibres physiques, transmises de génération en génération, oralement ou par écrit, permettant de prévenir, de guérir les maladies et d’alléger les souffrances (O.M.S., 2002). La médecine traditionnelle est considérée comme une médecine douce ou complémentaire notamment de la réflexologie, l’homéopathie, l’ostéopathie, la sophrologie, la médecine chinoise, l’acupuncture, la médecine indienne ayurvédique. Ce sont des savoirs et pratiques qui sont transmis oralement de père en fils (cas des tradipraticiens) ou encore de bouche à oreille (recette de grand’mère). C’est une médecine de proximité (communauté, nature) à coût relativement abordable, efficace et généralement peu toxique dans les traitements de nombreuses pathologies courantes (croissance, insomnie, digestion, fatigue, paludisme,…) et bénignes (blessure, fièvre, grippe) ou d’ordre psychosomatique.
Pour l’O.M.S., la médecine traditionnelle comprend diverses pratiques, approches connaissances et croyances sanitaires intégrant des médicaments qui impliquent l’usage de plantes ou à base de plantes, de parties d’animaux et/ou minéraux, des thérapies spirituelles, des techniques et d’exercices manuels exorcisés, appliqués seuls ou en association afin de maintenir le bien-être pour soigner, diagnostiquer et prévenir les maladies ou préserver la santé (O.M.S, 1999). La médecine traditionnelle peut être codifiée, réglementée, enseignée ouvertement, pratiquée largement et systématiquement ; elle bénéficie de millier d’années d’expérience. Elle peut être basée sur des symptômes physiques saillants ou sur des forces surnaturelles perçues.
APPORT DE LA MEDECINE TRADITIONNELLE A LA DECOUVERTE DU MEDICAMENT
Au niveau mondial
Historiquement, en Egypte, le papyrus daté de 1500 avant Jésus-Christ et découvert à Louxor par Ebers cite des centaines de plantes médicinales avec leur usage thérapeutique, allant de l’ail à l’oignon, sans oublier le séné, le pavot. Quant aux formes galéniques, elles étaient déjà très variées : macérations, décoctions, liniments, et même suppositoires et collyres. En Grèce, la pharmacie a fait de grands progrès avec Aristote, qui commence sa carrière en tant que « rhizotome », c’est-à-dire préparateur de plantes médicinales, et Hippocrate, dès le IVème siècle avant Jésus-Christ, considéré comme le père de la médecine et qui a jeté les bases d’une médecine scientifique dénuée de pratiques magico-religieuses. Dioscoride engagea l’usage thérapeutique jusqu’à la description de 600 plantes médicinales dans son célèbre « De Materia Medica ». Enfin le troisième grand médecin grec, Galien (200 ans avant Jésus-Christ), expert dans les préparations à base de plantes, influença pendant des siècles les sciences médicales et pharmaceutiques (Fleurentin, 2007). Après une longue période d’obscurantisme dominée par la magie et la sorcellerie, au XVIème siècle, Paracelse, un médecin suisse, a été le premier à insister sur l’importance du quantitatif en pharmacologie : « rien n’est poison ou tout devient poison » ; il recherchait des correspondances entre plantes médicinales et maladies, il avait énoncé la théorie des signatures de la nature qui stipule que la plante par sa morphologie ou sa couleur signe son indication thérapeutique. Ceci nous mène tout droit, au XIXème siècle, vers la notion essentielle du « principe actif ». La science moderne s’attachait alors à isoler les principes actifs des drogues végétales avec le progrès de la phytochimie.
C’est ainsi que Pelletier et Caventou isolèrent la quinine du quinquina en 1820, Hesse et Geiger l’atropine en 1831, Nativelle la digitaline en 1868, Tanret les alcaloïdes avec l’ergot de Seigle en 1875, Nagal l’éphédrine en 1877, Arnaud la théophylline et l’ouabaïne en 1888, Bontems l’asiaticoside et la madécassoside en 1941, Rakoto-Ratsimamanga la vinblastine et la vincristine en 1958 et Youyou l’artémisinine en 1972. Ces molécules à vertus thérapeutiques spécifiques ont permis de fabriquer des médicaments de grande envergure. Plusieurs ouvrages faisant la synthèse des connaissances de botanique, des caractères d’identité, de la composition chimique et des propriétés thérapeutiques ont fait leur apparition, notamment le Codex, première pharmacopée officielle qui fut publiée en 1818 par l’Ecole de pharmacie de Paris.
Enfin au XXème siècle, la chimiothérapie avec les sulfamides et toute une série de molécules de synthèse a éclipsé quelque peu la phytothérapie. Mais depuis quelques années, on a assisté, dans le monde occidental, au retour de la thérapeutique par les plantes pour diverses raisons ; notamment un besoin de retour à la nature du point de vue thérapeutique se fait sentir, les malades préfèrent se soigner avec les plantes médicinales bien que ces dernières ne soient plus remboursables par la sécurité sociale. De plus, certains médicaments ont présenté des effets néfastes après une utilisation continue ou à long terme. La tenue d’un colloque, le « Federal Act » aux Etats-Unis en octobre 1994 a aussi contribué à l’assouplissement de l’usage des végétaux ne présentant pas de molécules pharmacologiquement bien définies. Quant à la connaissance des effets chimiques du végétal, des progrès et des précisions ont été apportés. De meilleures définitions et législations plus favorables aux phytomédicaments ont été établies, ces derniers parfois encadrés par une Autorisation de Mise sur le Marché (A.M.M.). En Afrique, en Asie et en Amérique latine, différents pays ont fait appel à la Médecine traditionnelle pour répondre à certains de leurs besoins au niveau des soins de santé primaires. En Afrique, 80% de la population ont recours à la Médecine traditionnelle du fait de l’éloignement des centres de santé de base mais aussi en raison du prix élevé des médicaments (O.M.S., 2002).
A Madagascar
A Madagascar, les écrits qui ont cité les produits d’origine végétale à usage thérapeutique remontent au VIIème siècle. Un inventaire de plantes médicinales a été entrepris par Etienne de Flacourt au XVIIème siècle (1658) dans son « Histoire de la Grande Isle de Madagascar» . Par exemple, il avait déjà cité l’usage des plantes comme le « katrafay » (Cedrelopsis grevei) dans les remèdes contre les maladies de cœur. De même au XIXème siècle, le Révérend Père Callet dans ces traités de « Histoire des Rois Merina » (1872) avait donné la liste des remèdes médicinaux et occultes utilisés par des guérisseurs, tradipraticiens et sorciers, à base de plantes, d’éléments animaux et minéraux. Au XXème siècle, les chercheurs contemporains ont procédé à l’extraction et à l’isolement des principes actifs de nombreuses plantes malgaches. C’est ainsi qu’ont été découvert les alcaloïdes anti-tumoraux de la pervenche de Madagascar (Catharanthus roseus (Svoboda et Blake, 1975).
LA MEDECINE TRADITIONNELLE A TRAVERS LE MONDE
Depuis des siècles et des siècles, la première préoccupation de l’Homme fut de satisfaire ses besoins en nourriture. Très vite, il dut lutter contre la maladie ou le mal-être qui affectait son corps et son esprit. Naturellement, il a cherché dans son environnement les plantes, les animaux ou les minéraux qui pouvaient le soulager. C’est ainsi que sont arrivés les premiers guérisseurs et par la suite la notion de « Médecine traditionnelle ». Basés sur leur intuition et leur observation, ces guérisseurs ont fini par sélectionner les plantes utiles dont les plantes alimentaires qui nourrissent, les plantes médicinales qui servent à guérir et les plantes toxiques qui entrainent la mort et qui sont utilisées aussi comme poison de flèche ou de guerre (Encyclopédie des plantes médicinales, 1997).
Petit à petit, des théories explicatives sur le monde et sur les conceptions de la santé et de la maladie furent élaborées. Et au fil des jours s’est échafaudé un système cohérent de croyances et de conception de la philosophie et de la pathologie du corps et de l’esprit, où seront décrites les causes des maladies et les principes thérapeutiques pour rétablir la santé. Non seulement ces savoirs thérapeutiques ont été transmis de génération en génération, mais encore par des écrits sur l’utilisation des plantes médicinales, notamment les médecines savantes grecques, ayurvédique, chinoise, tibétaine et arabo-persane.
La médecine savante est en effet une médecine écrite expérimentale, c’est-à-dire basée sur une théorie dont les hypothèses sont vérifiables ou non par des expériences par opposition à empirique ou populaire, qui s’appuie exclusivement sur l’observation et l’expérience (donc sans théorie). L’invocation des entités surnaturelles est assez rare, à part celle au Créateur qui reste pratiquement constante. Le rituel (de cueillette, d’administration de simples) est presque inexistant.
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