La fibromyalgie est un syndrome de nature chronique d’intensité variable se caractérisant par une douleur musculo-squelettique généralisée combinée à de nombreux points sensibles sur le corps, des troubles du sommeil, de la fatigue et des troubles cognitifs (Fauci et al., 2009). Au Canada, la prévalence varie entre 2 et 3 %, ce qui représente environ un million de canadiens affectés par cette problématique de santé chronique (Fitzcharles et al., 2013). Cela dit, la majorité des personnes atteintes seraient des femmes âgées entre 30 et 60 ans (Fauci et al., 2009) qui verraient leur fonctionnement se détériorer et leur souffrance augmenter, entrainant par le fait même une fréquentation assidue des services de santé et une hausse des sociaux associés. Ces coûts sont d’ autant plus exacerbés par la complexité de la prise en charge des patientes souffrant de fibromyalgie. En effet, la présence de comorbidités psychiatriques a fait l’objet d’une attention particulière dans la littérature scientifique. Il s’agit cependant d’une toute autre réalité lorsqu’il est question des troubles de la personnalité comorbides. Alors que certaines études font ressortir une prévalence élevée des troubles de la personnalité au sein de la population souffrant de fibromyalgie (Rose et al., 2009; Uguz et al., 2010), d’autres suggèrent que la prévalence des troubles de la personnalité, incluant le trouble limite, est peu définie chez cette population (Leeman, 2004). À l’ heure actuelle, très peu d’ études portent sur la double problématique de fibromyalgie et de trouble de la personnalité limite et celles répertoriées s’ intéressent davantage aux données épidémiologiques. À notre connaissance, aucune d’ entre elles n’a évalué le fonctionnement intrapsychique de femmes fibromyalgiques présentant aussi un trouble de personnalité limite (TPL) à partir d’ une méthode projective, laissant des lacunes importantes quant à la connaissance des caractéristiques psychologiques de cette clientèle spécifique.
Définition de la fibromyalgie
La douleur physique chronique est une condition fréquemment rencontrée chez les individus atteints de diverses maladies et de psychopathologies, sa prévalence avoisinant 17 % dans la population générale canadienne (Agence de la santé publique du Canada, 2011). L’Association Internationale pour l’étude de la douleur la définit telle une sensation et une expérience émotionnelle déplaisantes associées à un dommage actuel ou possible aux tissus. La douleur ressentie peut être sporadique et d’intensité variable, mais elle est qualifiée de chronique lorsqu’elle perdure au-delà de six mois (Fischer-Kern, Kapusta, Doering, Harz, Mikutta, & Aigner, 20 Il). Bien que plusieurs affections médicales puissent engendrer des douleurs chroniques chez un individu et une rupture de son fonctionnement normal, la fibromyalgie constituerait l’une des principales causes de douleur chronique diffuse (Queiroz, 2013).
Les premières descriptions de symptômes fibromyalgiques remontent au XIXe siècle chez des jeunes filles qualifiées d’hystériques et décrivent des douleurs lors d’efforts légers ainsi que des points douloureux à la palpation (Geoffroy, Amad, Gangloff, & Thomas, 2012). En 1904, le neurologue britannique Sir William Gowers introduit le terme Fibrositis ou rhumatisme musculaire pour décrire la douleur diffuse et les symptômes qui l’accompagnent dont la fatigue et les perturbations du sommeil (Bellato et al., 2012; Salaffi & Sarzi-Puttini, 2012). Ce terme est ensuite délaissé puisqu’il induisait à tort l’idée d’une problématique inflammatoire des muscles et des tissus connexes (Hawkins, 2013). En effet, c’est au milieu des années 1970 que Smythe et Moldofsky, deux chercheurs canadiens, s’opposent à cette explication étiologique périphérique et suggèrent une cause centrale. Ils utilisent alors le nouveau terme fibromyalgie et identifient les régions de douleur extrême qui caractérisent la problématique (Geoffroy et al., 2012; Hauser & Wolfe, 2012). Bien que d’un point de vue étymologique, la fibromyalgie se définisse comme étant une douleur des filaments musculaires, son portrait clinique se veut beaucoup plus complexe compte tenu des nombreux symptômes concomitants. Le terme syndrome fibromyalgique est fortement recommandé compte tenu de l’absence d’évidence quant à un dommage organique sous-jacent aux symptômes et du manque de connaissances par rapport aux marqueurs physiologiques spécifiques. Cette appellation renvoie aussi à un groupe de symptômes qui collectivement, indiquent une condition anormale (Allard-Cadieux, 2007; Hauser & Wolfe, 2012). Le terme fibromyalgie sera toutefois utilisé dans le cadre de cet essai afin d’en faciliter la lecture. Bien que certains considèrent encore la fibromyalgie comme étant une manifestation d’un syndrome somatique fonctionnel ou comme une problématique psychiatrique, la description présentée dans cet essai renvoie à la définition émise par l’Organisation Mondiale de la Santé qui a introduit la fibromyalgie dans les maladies du système musculo-squelettique en 1992 (Guité & Drouin-Bégin, 2000). Cette définition est celle qui prévaut au sein de la communauté médicale actuelle.
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