Déficit de l’inhibition cognitive: la population TDAIH
Description du TDAIH chez l’adulte
Le trouble de déficit d’attention avec ou sans hyperactivité (TDAIH) est possiblement le trouble le plus commun et le plus sous-diagnostiqué chez les adultes. Scientifiquement connu comme un trouble neuropsychologique depuis les années 1970 (DSM-IV-TR; APA, 2003), le TDAIH était alors perçu comme une pathologie qui touchait spécifiquement les enfants, car les symptômes semblaient diminuer à l’adolescence et disparaître à l’âge adulte. Il y a une trentaine d’années, des recherches ont permis cependant d’observer que les parents d’enfant ayant un TDAIH présentaient des symptômes similaires dans leur jeunesse et plusieurs de ses symptômes ont persisté toute leur vie. C’est ainsi que la communauté scientifique a commencé à s’intéresser davantage au TDAIH chez l’adulte (Retz & Klein, 2010).
Selon la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5; APA, 2013), le TDAIH se définie comme un mode persistant d’inattention ou d’hyperactivité qui interfère dans le fonctionnement ou le développement de l’individu. Les critères diagnostiques s’articulent autour de trois principaux symptômes, soit l’inattention, l’impulsivité et l’hyperactivité. Les symptômes d’inattention ou d’hyperactivité doivent être présents avant l’âge de 12 ans (auparavant il était question de 7 ans; DSM-IV -TR; AP A, 2003). Les symptômes doivent apparaître dans au moins deux milieux de vie différents (ex: école, maison, travail, relations sociales). Finalement, il doit être évident que les symptômes interfèrent ou réduisent la qualité du fonctionnement social ou académique ou au travail. Ces critères sont utilisés pour le diagnostic des enfants comme des adultes. Toutefois, alors qu’au moins six symptômes doivent apparaître chez l’enfant pour apposer un diagnostic, seulement cinq symptômes sont requis chez les personnes âgées d’au moins dix-sept ans .
Toujours selon le DSM-5 (APA, 2013), trois présentations cliniques du TDA/H sont répertoriées, soit avec une prédominance d’inattention (profil le plus fréquent chez l’adulte), soit avec une prédominance d’hyperactivité/impulsivité ou soit une présentation combinée (le patient doit rencontrer l’ensemble des critères des deux autres présentations). TI est aujourd’hui admis que l’évolution des symptômes n’est pas stable dans le temps. En effet, si l’inattention demeure en vieillissant, l’hyperactivité et l’impulsivité tendent à diminuer au fil du temps. Cela explique pourquoi les adultes répondent davantage à la première présentation du TDA/H, soit avec une prédominance d’inattention (Wilens et al., 2009).
Les adultes atteints d’un TDA/H avec une prédominance d’inattention peuvent présenter des symptômes tels que de la difficulté à commencer une tâche, de la difficulté à persister dans une tâche qui demande un grand effort mental, des difficultés attentionnelles et de concentration, des problèmes sur le plan de la mémoire de travail, une faible régulation émotionnelle ainsi qu’une tendance à la désorganisation (Gentile, Atiq, & Gillig, 2006). Aussi, les adultes ayant un TDA/H présenteraient des sentiments d’incompétence, d’infériorité, d’inefficacité, de sous-performance ainsi qu’un plus grand sentiment de frustration que les personnes non TDA/H. Finalement, le TDA/H aurait également un impact en ce qui a trait au fonctionnement psychosocial de ces adultes. En effet, on retrouverait chez cette population un plus haut taux de divorce, un statut socioéconomique plus faible et un taux de chômage plus élevé (Davidson, 2008).
Prévalence et transmission familiale
Pour ce qui est de la prévalence du TDNH, les études démographiques suggèrent que le trouble serait présent dans la plupart des cultures et qu’il affecterait environ 5% des enfants et plus ou moins 2,5 % des adultes. Le TDNH touche davantage les hommes que les femmes, en effet, le ratio est d’approximativement de 1,6 : 1 chez les adultes (DSM-5; APA, 2013). L’étude de Kessler et ses collègues (2006) démontre que de 30 à 60 % des enfants ayant un diagnostic de TDNH continueraient à manifester des symptômes à l’âge adulte de manière substantielle.
Le principal facteur de risque de développer un TDNH serait d’avoir un parent possédant un TDNH. En effet, les études génétiques faites par Sullivan, Daly et O’Donovan (2012) démontrent qu’environ 75 % des enfants ayant un TDNH auraient un de ses deux parents ou les deux qui présenteraient aussi ce trouble. Pour leur part, Ramsay et Rostain (2008) rapportent que 80 % de la variance des traits associés au TDNH résulteraient de facteurs génétiques. Ces statistiques feraient du TDNH une des maladies psychiatriques les plus héréditaires (Sullivan et al., 2012).
Comorbidité
Plusieurs études rétrospectives évaluant la prévalence à vie de la dépression majeure montrent invariablement que 35 à 50 % de tous les individus adultes atteints de TDNH souffrent d’un ou plusieurs épisodes dépressifs au cours de leur vie. Un pourcentage clairement plus élevé que celui de la population générale qui est d’environ 15 %. Pour ce qui est des troubles reliés à l’anxiété, les études indiquent une prévalence accrue de 40 à 60 % pour les adultes ayant un TDA/H d’avoir également un ou plusieurs troubles anxieux au cours de leur vie (Biederman et al., 1993; Kessler et al., 2006; Kooij et al., 2004; Spencer et al., 2005). La comorbidité entre le TDA/H et les troubles de toxicomanie s’élèverait à environ 50 %. C’est donc dire que 50 % des adultes présentant un TDA/H souffriraient également d’un trouble d’abus de substance (Biederman, Wilens, Mick, Faraone, & Spencer, 1998; Wilens, Biederman, Mick, Faraone, & Spencer, 1997). Selon différentes études portant sur l’alimentation, 3 à 9 % de tous les adultes atteints d’un TDA/H souffriraient de boulimie au cours de leur vie (Kessler et al., 2006; Kooij et al., 2004; Shekim, Asarnow, Hess, & Zaucha, 1990). Finalement, parmi les autres troubles comorbides au TDA/H chez l’adulte, on retrouve une prévalence de 20 % pour le trouble obsessionneVcompulsif et 20 % en ce qui concerne le trouble de personnalité antisociale (Biederman et al., 1993).
Apport des neurosciences dans la compréhension du TDAIH
L’ émergence des neurosciences a littéralement changé la perception du TDA/H chez l’adulte. En effet, les études réalisées depuis les vingt dernières années ont permis de mieux comprendre le TDA/H (Hervey et al., 2004), principalement les facteurs en lien avec l’étiologie du trouble ainsi que les dysfonctionnements des fonctions exécutives associées au cortex préfrontal (Baribeau & Roth, 2005).
Étiologie. Le TDAIH est un trouble neurocomportemental dont l’étiologie n’est pas encore claire de nos jours. Par contre, dans une perspective biomédicale, le trouble est perçu comme étant le résultat d’une combinaison d’influences génétiques et environnementales (Singh, 2008). Plus spécifiquement, l’hypothèse prédominante sur les causes possibles du TDAH est celle d’une étiologie multifactorielle et complexe dans laquelle différents facteurs de risque, de nature biologique et sociale, vont agir en interrelation avec des chemins causaux variables chez différents individus (Sonuga-Barke, & Halperin, 2010).
Au plan neurophysiologique, les études portant sur les adultes présentant un TDAIH semblent de plus en plus démontrer l’importance de la région du cortex préfrontal dans le développement du TDNH (Arnsten, 2006; Gonon, Guilé, & Cohen, 2010; Ramsay & Rostain, 2008; Wolf & Vasic, 2010). En effet, les études d’imagerie cérébrale montrent que les personnes ayant un TDAIH possèdent un hémisphère droit plus petit de 5,2 % comparativement à un groupe contrôle. Ceci implique que les adultes présentant un TDAIH auraient une plus petite aire orbitofrontale droite, cette région du cerveau étant associée entre autres au contrôle de l’inhibition et à la régulation des émotions (Filipek et al., 1997; Hesslinger et al., 2002; Pliszka, 2003).
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