Découvrir et s’informer les relais médiatiques du goût sériel

Découvrir et s’informer les relais médiatiques du goût sériel

laquelle le chapitre 3 vient d’être consacré ; une activité de visionnage que la sociologie a rendu dans de très nombreux travaux synonyme de réception et de travail interprétatif. Or, nous venons de voir l’intérêt de prêter attention aux modalités pratiques et matérielles de l’activité spectatorielle. Suivant cette démarche, il devient pertinent de se pencher également sur d’autres dimensions de la rencontre entre les individus et les séries. Avant d’aborder les questions d’approvisionnement et de conservation (chapitre 5), puis d’échange (chapitre 6), je m’attèlerai dans ce chapitre au problème de la découverte et de l’information. De quelles façons les amateurs de séries découvrent-ils de nouveaux contenus ? Comment enrichissent-ils leur connaissance de cet objet d’attachement ? Quels sont les relais de l’information sérielle ? Telles sont les questions qui serviront de fil conducteur ici. L’élaboration des goûts culturels de chacun prend appui sur des médiations de deux ordres : d’une part, les réseaux sociaux et cercles de sociabilité dans lesquels l’individu se trouve engagé ; les sources médiatiques d’autre part. Les uns et les autres forment des vecteurs de découverte et d’information culturelles essentiels, et ce faisant, composent et actualisent en partie nos appétences et aversions. Je me concentrerai dans ce chapitre essentiellement sur le volet des relais médiatiques, réservant la question de la socialisation culturelle pour le chapitre 61.

les autres médias, y compris – et c’est probablement là une différence majeure avec hier – par les instances médiatiques dites sérieuses voire élitistes. Ceci a donné lieu à une diversification des points de vue sur les séries et des façons d’en faire écho, en particulier avec l’émergence d’un traitement plus critique et analytique2. Ainsi n’est-il pas rare de nos jours d’entendre sur France Culture une émission leur étant consacrée, de pouvoir lire un article ou un dossier thématique sur le sujet dans le quotidien d’information Le Monde ou l’hebdomadaire culturel Les Inrockuptibles. Autant d’arènes jusqu’à récemment peu inspirées par le genre. Avant cela, les séries étaient essentiellement cantonnées aux pages de la presse de télévision, laquelle les considèrent avant tout par le prisme de leurs acteurs « vedettisés » et selon une logique promotionnelle. Il faut attendre le mitan des années 1990 pour qu’apparaissent enfin des magazines spécialisés et que se diversifie leur traitement critique. Cette presse thématique est bientôt suivie par la presse généraliste et culturelle qui ouvre peu à peu ses colonnes au genre. L’intérêt croissant des médias traditionnels s’accompagne enfin d’une effervescence croissante sur la toile où les webzines professionnels le disputent aux nombreuses initiatives amateurs. Ces multiples sites, blogs et forums internet sont aujourd’hui au cœur de l’écologie médiatique dans laquelle évoluent les sériphiles et seront à ce titre examinés avec attention.

Comment les sériphiles découvrent-ils de nouvelles séries ? Ainsi posée, la question peut laisser à penser que les ressorts de la découverte et de l’information sont tout entiers entre les mains des amateurs. Mais l’action est en réalité distribuée entre les sériphiles et les instances médiatiques. L’actualisation des connaissances résulte ici simultanément de la démarche active des individus – une démarche d’enquête si l’on peut dire – et du travail tout aussi actif des médiateurs pour faire émerger et rendre présent le contenu (ou l’information) aux individus via de multiples stratégies et dispositifs et éditoriaux. À ce titre, en plus de s’appuyer sur les entretiens de terrain, ce chapitre sera l’occasion d’étudier de près les médiations médiatiques3 par lesquelles les amateurs en passent pour se documenter (sur) et découvrir des séries.

Actualiser ses connaissances avec la télévision

Les connaissances des sériphiles s’actualisent en premier lieu à travers la télévision elle-même. Si la période récente a prouvé que cette dernière n’était pas le medium ontologique des séries, elle demeure néanmoins un média-mère4 qui, pour beaucoup de personnes, joue un rôle encore prépondérant dans l’information et la découverte de séries. Et cela, aujourd’hui peut-être plus qu’hier, car la télévision a révélé ces dernières années un changement d’attitude favorable envers le genre. Cette évolution s’observe non seulement dans la nature des fictions aujourd’hui promues et diffusées, mais aussi par la place que ces fictions occupent à l’intérieur de la programmation ainsi que par la manière dont les chaînes en font la promotion.

 

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