Étude de la modulation de la voie canonique d’activation de NF-kB par les protéines non structurales du virus Nipah
Le cycle réplicatif
L’entrée de NiV dans la cellule hôte La cascade de fusion de la membrane de NiV avec la membrane de la cellule hôte se décompose en trois grandes étapes (Aguilar et al. 2010). En l’absence de stimulus, les trimères d’hétérodimère mature F1 + F2 sont dans une forme métastable où les deux répétitions en heptade, l’une dite N terminale et l’autre C-terminale (i.e. HRN et HRC), sont associées. La liaison de la protéine d’attachement G avec les récepteurs d’entrée cellulaire Ephrine B2 ou Ephrine B3 déclenche des changements de conformation de la F (Figure 7, A1). Ainsi, les domaines HRN et HRC se déploient pour former un intermédiaire dit en « pré-épingle à cheveux ». Cette conformation permet l’exposition du peptide de fusion hydrophobe, qui vient s’enchâsser dans la membrane de la cellule hôte (Figure 7, A2). HRN et HRC se 37 réassocient pour former un faisceau de six hélices 6HB (Six Helix Bundle) plus stable, opérant ainsi un rapprochement et une fusion des membranes cellulaires et virales (Figure 7, A3). Bien que l’endocytose et la cathepsine L soient nécessaires à la maturation d’une protéine F fonctionnelle, une première étude a montré que le traitement des cellules VERO avec des inhibiteurs de l’endocytose (β-methyl-cyclodextrin et chlorpromazine) ne perturbe pas l’entrée de NiV dans les cellules Vero (Diederich et al. 2008), suggérant que l’endocytose n’est pas nécessaire à la fusion de la membrane cellulaire avec la membrane virale, à condition que celle-ci porte des protéines F fonctionnelles. Cependant, une autre étude a montré l’importance de la macropinocytose pour l’entrée de NiV dans les cellules VERO par l’utilisation de latrunculin A et d’amiloride (Pernet et al. 2009). 2. Transcription primaire, édition et gradient des ARNm viraux La transcription des ARNm de NiV est décrite comme suivant des mécanismes similaires à celle des autres paramyxovirus (Noton et al. 2015). Après la fusion des membranes, le complexe de transcription de NiV est libéré dans le cytoplasme de la cellule hôte. Ce sont les protéines contenues dans la particule virale qui vont initier la transcription, dite transcription primaire. La polymérase L reconnait la séquence promotrice Leader en 3’ et initie la transcription d’ARNm viraux directement à partir de l’ARN génomique simple brin de polarité négative (3’-5’) (Figure 7C). Chaque gène est précédé d’une séquence non codante permettant l’ajout d’une coiffe (et sa méthylation) à l’ARNm qui va être transcrit. Chaque gène est également suivi d’une séquence non codante permettant l’ajout de la queue poly(A) à la fin du gène transcrit. Quand la polymérase arrive sur cette séquence non codante de polyadénylation, il y a alors trois possibilités : – Dans ≈ 70% des cas, elle redémarre la transcription du gène suivant. – Dans ≈ 20% des cas, elle arrête la transcription et doit donc réinitialiser la transcription au niveau de la séquence Leader. – Dans ≈ 10% des cas, elle ignore la séquence de polyadénylation et continue la transcription du gène suivant sans discontinuité, formant ainsi un ARNm polycistronique dont seule la première séquence codante est traduisible. De ce mécanisme résulte la formation d’un gradient d’ARNm. Plus un gène est éloigné de la séquence Leader, moins il est transcrit en ARNm. Comme pour MeV, la transcription de NiV nécessite la phosphorylation de la nucléoprotéine N (Huang et al. 2011). A l’instar d’autres paramyxovirus, le gène P de NiV contient un site d’édition dont la séquence est AAUUUUUCC (Kolakofsky et al. 2005). Au niveau de cette séquence « glissante », jusqu’à 14 résidus guanines peuvent être ajoutés par la polymérase sur le brin néosynthétisé en plus des guanines présentes dans la séquence codante (Lo et al. 2009). Environ 67 % des transcrits sont édités pour NiV-M et environ 66 % pour NiV-B. Il en résulte un décalage du cadre de lecture lors de la traduction et la production des protéines V et W ayant des domaines C-terminaux spécifiques (cf. Figure 5 et « I.D.2. Organisation du génome », dans cette partie).
Traduction des ARNm et transcription secondaire
La traduction des ARNm produits est assurée par les ribosomes cellulaires (Figure 7). Le gradient d’ARNm (Figure 7C) entraîne un gradient de protéines virales : la N étant la plus abondante et la L, la moins abondante. Les protéines V et W sont produites à partir des ARNm édités du gène P (Figure 5). Environ 50% des transcrits du gène P produisent la protéine P, environ 25% la V et environ 25% la W (Lo et al. 2009). A contrario, 100% des transcrits du gène P peuvent produire la protéine C, grâce au second codon alternatif d’initiation de la traduction situé amont du gène P. La production de nouvelles protéines virale, et notamment de polymérases L, entraîne la production de nouveaux complexes de transcription, qui vont pouvoir à leur tour initier une transcription, dite secondaire. Il en résulte une accumulation exponentielle des ARNm de NiV dans la cellule hôte. 4. Réplication du génome Le mécanisme de réplication du génome de NiV est similaire à celui des autres paramyxovirus (Noton et al. 2015). La quantité de complexe N0 -P serait prépondérante à l’initiation de la réplication. Elle induirait une encapsidation simultanée de l’ARN produit, ce qui mettrait la polymérase dans un mode « super-processif » (Figure 7D). Ainsi, elle ne tiendrait plus compte des signaux intergéniques et allongerait l’ARN naissant sur la longueur complète du génome. La polymérase L initie la synthèse de l’ARN au niveau de la séquence promotrice Leader (au premier nucléotide précisément) et produit un ARN anti-génomique de sens positif (5’-3’). L’extrémité 3′ de l’antigénome comprend une séquence complémentaire de la séquence Trailer, qui est un autre promoteur de la réplication (cf. Figure 5 et « I.D.2. Organisation du génome », dans cette partie). Cette séquence permet d’initier à nouveau une réplication et de produire l’ARN génomique complémentaire de l’ARN anti-génomique. Les ARN génomiques et anti-génomiques sont encapsidés au fur-et-à mesure par la protéine N délivrée via le complexe N0 -P. Alors que les protéines N, P et L de NiV sont nécessaires et suffisantes pour la réplication du génome (Halpin et al. 2004), les protéines V, W et C ont été décrites pour inhiber la réplication (Sleeman et al. 2008). 5. Assemblage et bourgeonnement La protéine de matrice M de NiV est l’élément central de l’assemblage de la particule virale et de son bourgeonnement (Watkinson et al. 2016). Grâce à ses interactions avec la protéine N et la protéine membranaire G, elle permet d’associer les nucléocapsides à la membrane cellulaire, où elles s’accumulent avec leurs complexes de transcription (Figure 7). La protéine M permet également le bourgeonnement de la particule virale grâce au détournement de la voie ESCRT. Bourgeonnement pour lequel les motifs tardifs YMYL (Ciancanelli et al. 2006) et YPLGVG (Patch et al. 2008) sont requis. La protéine C serait également impliquée dans ce mécanisme (Park et al. 2016). En effet, elle interagit à la fois avec la protéine M et avec le facteur Tsg101 de la voie ESCRT pour améliorer le bourgeonnement de la particule virale.
Mise en place de l’immunité antivirale
Déclenchement de l’immunité innée par les virus à ARN Les cellules possèdent de nombreux senseurs leur permettant de détecter des motifs conservés parmi les agents pathogènes, appelés PAMPS (Pathogen-Associated Molecular Patterns). La détection de PAMPs permet le déclenchement de voies de signalisation aboutissant à la transcription de gènes impliqués dans la réponse immunitaire innée. Le déclenchement de l’immunité innée permet à la cellule de mettre rapidement en place des défenses appropriées contre le pathogène détecté et de mettre en place les premières étapes de l’immunité adaptative. Ainsi, lors d’une infection virale, de nombreuses cytokines sont produites par les cellules afin de transmettre le signal d’alarme. Parmi elles, les interférons de types I α et β (IFNα/β) sont produits localement pour induire un état de défense antivirale chez la cellule infectée et les cellules voisines. Les virus à ARN peuvent être détectés par deux familles de récepteurs cellulaires : les récepteurs membranaires de type Toll (TLRs) et les récepteurs cytoplasmiques de type RIG (RLRs). Les TLR3 et TLR7/8 peuvent détecter respectivement les ARNs double et simple brin dans le milieu extracellulaire (Figure 8) (S.-Y. Zhang et al. 2007). L’engagement des TLR3 et TLR7/8 par leur ligand active leurs transducteurs de signal, TRIF (TIR domain-containing adaptor protein inducing IFNβ) et MyD88 respectivement (Myeloid Differentiation primaryresponse protein 88) pour déclencher la cascade de signalisation via TRAF3 (TNF ReceptorAssociated Factor 3) aboutissant à la phosphorylation des facteurs de transcription IRF3 et IRF7 (Interferon-Regulatory Factors 3 and 7) par différentes kinases. Les RLRs MDA5 (Melanoma Differentiation-Associated protein 5) et RIG-I (Retinoic-acid Inducible Gene 1) peuvent détecter les ARN viraux dans le cytoplasme (Figure 8) : RIG-I détecte préférentiellement les courts ARN double brin (7 à 10 pb) 5’-triphosphates et MDA5 détecte préférentiellement les longs ARN double brin (> 2000 pb) sans mésapariement (Lässig et Hopfner 2017). Les ARN DI (Defective Interfering RNA) de forme « hairpin » ou « panhandle » produits pendant le cycle viral sont décrits pour être des ligands de choix de RIG-I et donc pour favoriser la détection des paramyxovirus par les RLRs (Schlee et Hartmann 2010). Ces DI pouvant être présents en grande quantité dans les particules virales ayant de nombreux passages sur cellules in vitro, ils posent le problème du contrôle des stocks de virus utilisés pour l’étude des mécanismes d’activation des voies cellulaires (Shivakoti et al. 2013). La technique de génétique inverse peut remédier au problème des DI dans les stocks viraux, mais au détriment du polymorphisme des stocks. RIG-I et MDA5 possèdent des domaines CARD (Caspase Activation and Recruitment Domains), qui interagissent avec une plateforme mitochondriale MAVS (Mitochondrial Antiviral-Signaling protein) lorsque RIG-I et MDA5 détectent leurs ligands. Un troisième RLR, LGP2 (Laboratory of Genetics and Physiology 2), 42 dépourvu de domaine CARD, peut reconnaître des ARN double brin à bouts francs coiffés ou non (Lässig et Hopfner 2017). LGP2 a initialement été décrit comme un régulateur des RLRs (Bruns et al. 2015) :surexprimé dans des cellules, il présente un effet inhibiteur des RLRs, mais quand il est présent à de faibles concentrations dans la cellule, il a un effet synergique de l’activation de MDA5. Des données plus récentes étayent l’effet synergique de LGP2 sur MDA5 (Uchikawa et al. 2016), mais il n’aurait pas de réel effet inhibiteur (Lässig et Hopfner 2017). Il serait simplement en compétition pour les mêmes ligands que RIG-I. L’activation de MAVS par les RLRs déclenche la cascade de signalisation via TRAF3, aboutissant à la phosphorylation des facteurs de transcription IRF3 et IRF7. La phosphorylation des IRFs permet leur dimérisation et leur translocation nucléaire. La phosphorylation d’IRF3 par IKKε (IκB Kinase ε) et TBK1 (TankBinding Kinase 1) permet la formation d’hétérodimères IRF3/IRF7 responsables de la production d’IFNβ. Dans un second temps, le déclenchement de la voie permet une production d’IRF7 qui, présent en plus grande quantité dans la cellule et phosphorylé par IKKα, permet la formation d’homodimères IRF7/IRF7 responsables de la production d’IFNα. A noter que la production constitutive d’IRF7 dans les cellules dendritiques plasmacytoïdes permet la production d’IFNα dès les premiers temps d’activation de la voie (Izaguirre et al. 2003). 2. Réponse à l’IFN de type 1 et mise en place des défenses antivirales L’IFN de type 1 produit est libéré dans le milieu extracellulaire et se fixe sur l’hétérodimère IFNAR 1/2 (IFNα/β Receptor 1 et 2) des cellules avoisinantes (Figure 9) (Ivashkiv et al. 2014). L’engagement d’IFNAR entraîne la phosphorylation du récepteur par JAK1 (Janus Kinase 1) et TYK2 (Tyrosine Kinase 2) permettant le recrutement de deux transducteurs de signal STAT 1 et 2 (Signal Transducers and Activators of Transcription 1 and 2). A leur tour, STAT 1 et 2 vont être phosphorylés par JAK1 et TYK2 et s’associer en hétérodimère. Cet hétérodimère se lie à IRF9, entre dans le noyau et déclenche la transcription de centaines d’ISGs (IFN-Stimulated Genes), dont les fonctions de certains sont encore mal définies (Schoggins et al. 2011). Parmi ces fonctions, les ISGs permettent la production de différentes protéines antivirales. Par exemple, la PKR (Protein Kinase RNAactivated) inhibe la traduction des ARNm et donc des messagers viraux. Les paramyxovirus ont développé différentes stratégies pour échapper aux défenses antivirales. Chez les chauves-souris de la famille des Pteropodidae, les voies de l’immunité innée décrites ci-dessus sont fonctionnelles (Enchéry et Horvat 2017), ce qui a permis le maintien des mécanismes d’évasion communs aux paramyxovirus, mais a aussi permis le développement de mécanismes inédits spécifiques de l’immunité des chauves-souri.
1ère PARTIE : BIBLIOGRAPHIE |