DE LA NOTION DE RISQUE A LA GESTION DES RISQUES
Ce que nous appelons couramment le risque est en fait une notion particulièrement difficile à appréhender comme la plupart des notions qui nous semblent évidentes dans le langage courant. De cette notion se dégage un langage, qui va fonder la gestion des risques industriels et qui porte en lui les éléments qui en font ses limites. Nous allons donc tenter d’en discuter la trivialité en pensant le risque moins comme un concept passablement courant, mais plutôt comme un objet complexe, polysémique, et de fait qui sera sujet à une variété importante de modes d’action à chaque moment de la vie des acteurs. Nous verrons dans un premier temps que le risque est un objet qui ne peut se penser par ses attributs mais qui nécessite une vision globale (2.1). De ce fait, ce qu’on appellera plus loin l’acceptation traditionnelle du risque, ne peut qu’être problématique au regard de la complexité du monde où nous évoluons. Nous développerons, ensuite, le fait que la notion de risque dans son acceptation traditionnelle amène nécessairement à se poser la question de la représentation des situations dans lesquelles se trouvent les acteurs (2.2). Nous montrerons, enfin, que cette question difficile ne permet plus avec autant d’efficacité d’évaluer l’acceptabilité – tant individuelle que collective – du potentiel de ces situations (2.3 & 2.4).
QUELQUES DEFINITIONS DE LA NOTION DE RISQUE
Après avoir énoncé les définitions que nous utiliserons par la suite de la notion de risque (2.1.1), nous verrons que celles-ci, prises en compte dans leur acceptation traditionnelle, relèvent principalement d’approches transmises et transformées par les instruments de gestion existants dans les situations (2.1.2). Ces approches impliquent, de plus, de considérer la notion de risque dans un cadre collectif qui perturbe à la fois sa définition et sa mise en actions (2.1.3). Un train express régional circule sur une voie sans histoire, lorsque tout à coup, un dinosaure surgit de nulle part, happe le conducteur du train avec une partie de la locomotive et n’en fait qu’une bouchée. La bête ausculte le train jusqu’à y découvrir en même temps que le spectateur, Monsieur Lesec qui lit tranquillement son journal. Celui- ci aperçoit le mastodonte par la fenêtre du train et se met à paniquer, comme il se doit. Cette publicité est intéressante car elle permet de mettre en valeur la sortie d’un modèle d’action routinier, maîtrisé dans un épisode dramatique. Que faire lorsque les règles qui doivent s’appliquer dans pareil cas ne peuvent plus l’être ? M. Lesec doit-il encore attendre l’avis d’un personnel de la SNCF avant de prendre ses jambes à son cou ? La publicité se tire de ce mauvais pas par une pirouette en imaginant l’existence d’un régulateur omniscient qui autorise finalement le pauvre et unique passager du train à descendre sur les voies pour échapper au prédateur. Mais que faire sans le régulateur ? Comment imaginer les règles d’action qui vont prévaloir lorsque les règles de routines ne peuvent manifestement plus fonctionner ? Cet exemple met en lumière une faiblesse caractéristique de la règle commune qui par sa nature même semble figée et ne peut recouvrir l’ensemble des situations possibles dans un environnement ouvert. Il est en effet peu probable que tous les personnels SNCF soient mis hors d’état d’agir en même temps. Cependant, c’est la situation qui prévaut dans cette publicité. L’une des difficultés de la gestion des risques réside dans le fait de pouvoir prévoir toutes les alternatives possibles qui peuvent émailler une situation. C’est-à-dire qu’il faut pour les concepteurs et acteurs du système de gestion des risques pouvoir en créer une représentation exhaustive. Cet exemple, permet de montrer que même presque parfait un système de règles ne peut se révéler que lacunaire. Il met aussi en lumière une question essentielle pour la gestion des risques qui est de savoir quand les systèmes de règles routiniers cessent d’être valables lorsque la situation sort de l’espace qui lui était prévu. Plus précisément, il pose crûment la question de savoir quand doit-on mettre en place les règles qui prévalent dans les situations d’urgence ou de crise ?