De la notion classique d’établissement stable dans un environnement pré-BEPS

Définition visée par l’article 5 de la convention-modèle OCDE

Introduction et texte de la convention-modèle OCDE

La notion d’établissement stable fait partie de celles qui ont le plus évolué au fil du temps . Les commentaires relatifs à la convention-modèle publiés par l’OCDE sont régulièrement mis à jour de manière à prendre en compte l’évolution dans la manière d’exercer une activité commerciale dans un contexte transfrontalier au travers de tels établissements . La définition de cette notion réside à l’article 5 de la convention-modèle OCDE, lequel doit être lu en combinaison avec l’article 7 qui traite de la répartition du pouvoir d’imposition des bénéfices d’une entreprise. En effet, le but principal de cette définition est de déterminer le droit d’imposition d’un Etat contractant sur les bénéfices d’une entreprise qui réside dans un autre Etat contractant . Nous ne nous attarderons pas sur ces règles de répartition. Retenons simplement qu’un Etat contractant ne peut imposer les bénéfices d’une entreprise située dans un autre Etat contractant, sauf si cette entreprise y exerce une activité industrielle ou commerciale par l’intermédiaire d’un établissement stable situé sur le territoire de ce premier Etat et dont les bénéfices lui sont imputables. L’article 5 de la convention-modèle OCDE dispose comme suit : « 1. Au sens de la présente Convention, l’expression « établissement stable » désigne une installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L’expression « établissement stable » comprend notamment :

a) un siège de direction,
b) une succursale,
c) un bureau,
d) une usine,
e) un atelier et
f) une mine, un puits de pétrole ou de gaz, une carrière ou tout autre lieu d’extraction de ressources naturelles.

3. Un chantier de construction ou de montage ne constitue un établissement stable que si sa durée dépasse douze mois.
4. Nonobstant les dispositions précédentes du présent article, on considère qu’il n’y a pas « établissement stable » si :
a) il est fait usage d’installations aux seules fins de stockage, d’exposition ou de livraison de marchandises appartenant à l’entreprise ;
b) des marchandises appartenant à l’entreprise sont entreposées aux seules fins de stockage, d’exposition ou de livraison ;
c) des marchandises appartenant à l’entreprise sont entreposées aux seules fins de transformation par une autre entreprise ;
d) une installation fixe d’affaires est utilisée aux seules fins d’acheter des marchandises ou de réunir des informations, pour l’entreprise ;
e) une installation fixe d’affaires est utilisée aux seules fins d’exercer, pour l’entreprise, toute autre activité de caractère préparatoire ou auxiliaire ;
f) une installation fixe d’affaires est utilisée aux seules fins de l’exercice cumulé d’activités mentionnées aux alinéas a) à e), à condition que l’activité d’ensemble de l’installation fixe d’affaires résultant de ce cumul garde un caractère préparatoire ou auxiliaire.
5. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1 et 2, lorsqu’une personne – autre qu’un agent jouissant d’un statut indépendant auquel s’applique le paragraphe 6 – agit pour le compte d’une entreprise et dispose dans un État contractant de pouvoirs qu’elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l’entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans cet État pour toutes les activités que cette personne exerce pour l’entreprise, à moins que les activités de cette personne ne soient limitées à celles qui sont mentionnées au paragraphe 4 et qui, si elles étaient exercées par l’intermédiaire d’une installation fixe d’affaires, ne permettraient pas de considérer cette installation comme un établissement stable selon les dispositions de ce paragraphe.
6. Une entreprise n’est pas considérée comme ayant un établissement stable dans un État contractant du seul fait qu’elle y exerce son activité par l’entremise d’un courtier, d’un commissionnaire général ou de tout autre agent jouissant d’un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité.
7. Le fait qu’une société qui est un résident d’un État contractant contrôle ou est contrôlée par une société qui est un résident de l’autre État contractant ou qui y exerce son activité (que ce soit par l’intermédiaire d’un établissement stable ou non) ne suffit pas, en lui-même, à faire de l’une quelconque de ces sociétés un établissement stable de l’autre. » .

Analyse de la disposition

Les caractéristiques d’un établissement stable Il ressort du premier paragraphe de l’article 5 de la convention-modèle que le terme « établissement stable » désigne « une installation fixe d’affaire par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité ». Cette définition fait apparaître trois critères qui doivent être rencontrés pour que l’on puisse parler d’établissement stable au sens de la convention . Il doit s’agir d’une installation d’affaires (a) qui doit être fixe (b). Par ailleurs, l’entreprise doit exercer ses activités par l’intermédiaire de cette installation fixe d’affaires (c). Enfin, l’article 5, §2 offre une série d’exemples illustrant la notion d’établissement stable (d).

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a) Une installation d’affaires
En premier lieu, pour qu’un établissement soit qualifié de « stable », il doit s’agir d’une installation d’affaire, c’est-à-dire une installation quelconque telle que des locaux ou bien des machines ou de l’outillage  . Les commentaires OCDE précisent qu’il est indifférent que l’entreprise soit ou non propriétaire ou locataire des de l’installation. Ainsi, l’entreprise peut en être propriétaire, usufruitière ou même simple occupant  . Les locaux dans lesquels l’entreprise exerce ses activités peuvent également se trouver dans les locaux d’une autre entreprise ou être utilisés par plusieurs entreprises .

Toutefois, s’il n’est pas requis qu’une entreprise dispose d’un droit juridique formel sur l’installation , la simple présence d’une entreprise à un emplacement particulier ne signifie pas nécessairement que celui-ci soit à la disposition de l’entreprise  . Pour qu’un établissement puisse être considéré comme « établissement stable » au sens de la convention-modèle, ce dernier doit être utilisé de manière permanente et ne peut avoir un caractère temporaire  . L’entreprise doit également avoir un réel pouvoir de disposition sur cet établissement.

b) La « fixité » de l’installation
La seconde caractéristique d’un établissement stable consiste en la fixité de l’installation. Cela signifie qu’il doit normalement exister un lien entre l’installation d’affaires et un point géographique déterminé  . Cette fixité doit également avoir une certaine permanence. Une installation purement temporaire ne devrait donc pas être constitutive d’un établissement stable bien qu’en raison de la nature de l’activité, il n’est pas exclu que l’installation n’existe que pendant une très courte période .

Il convient de noter que les interruptions temporaires des activités ne mettent pas fin à l’existence d’un établissement stable, pourvu que son utilisation intervienne de manière régulière .

c) L’exercice des activités de l’entreprise par l’intermédiaire de l’installation fixe d’affaires En troisième lieu, pour qu’une installation fixe d’affaires soit constitutive d’un établissement stable, l’entreprise qui l’utilise doit exercer ses activités en totalité ou en partie par son intermédiaire . Ceci signifie que les personnes qui dépendent de l’entreprise exercent les activités de cette dernière sur le territoire de l’Etat où est situé l’installation fixe d’affaires  . Ces activités sont exercées principalement par l’entrepreneur ou par les salariés de l’entreprise, à savoir le personnel, lequel inclut les employés et autres personnes qui reçoivent des instructions de l’entreprise (les agents dépendants)  . Les commentaires OCDE précisent que les pouvoirs dont disposent ces personnes dans leurs relations avec les tiers importent peu . Il peut y avoir établissement stable si les activités de l’entreprise sont exercées au moyen d’un outillage automatique, les activités du personnel se bornant à monter, faire fonctionner, contrôler ou entretenir cet outillage.

Table des matières

Introduction
I. De la notion classique d’établissement stable dans un environnement pré-BEPS
1. Définition visée par l’article 5 de la convention-modèle OCDE
1.1. Introduction et texte de la convention-modèle OCDE
1.2. Analyse de la disposition
1.2.1. Les caractéristiques d’un établissement stable
a) Une installation d’affaires
b) La « fixité » de l’installation
c) L’exercice des activités de l’entreprise par l’intermédiaire de l’installation fixe d’affaires
d) La liste exemplative prévue par l’article 5, §2 de la convention-modèle OCDE
1.2.2. Le cas des chantiers de constructions ou de montage
1.2.3. Les activités préparatoires ou auxiliaires
1.2.4. Le cas des établissements stables personnels
a) Les agents dépendants
b) Les agents indépendants
1. Indépendance du gérant
2. Exercice dans le cadre normal de ses activités
1.2.5. La situation des sociétés filiales
2. La question du commerce électronique dans le cadre de la conception classique d’établissement stable
2.1. Position du problème
2.2. Réponses apportées par l’OCDE
2.3. Limites et insuffisances de la réponse
2.4. Illustration : « l’affaire Google »
2.4.1. La structure mise en place par Google
2.4.2. Les faits ayant donné lieu à « l’affaire Google » en France
2.4.3. Argumentations des parties et décisions du Tribunal administratif de Paris
a) Quant à l’autonomie de FrenchCo – Analyse relative à l’existence d’un établissement stable « personnel »
b) Quant à l’existence de matériel informatique – Analyse relative à l’existence d’un établissement stable matériel
2.4.4. Conclusions
II. De la nécessaire modernisation de la notion d’établissement stable dans un contexte économique numérisé – Les recommandations de l’OCDE
1. Le Projet BEPS et la prise en compte de la nécessite de revoir le cadre fiscal international dans son ensemble
1.1. Position du problème
1.2. De l’historique du Projet BEPS à l’élaboration des quinze actions
1.2.1. Les sommets du G20 et la présentation d’un plan d’actions
1.2.2. Du plan d’actions au rapport final
2. Des actions visant, directement ou indirectement, l’économie numérique
2.1. L’action 1 du Projet BEPS : prise en compte générale des défis soulevés par l’économie numérique
2.2. L’action 7 du Projet BEPS : prise en compte spécifique de la notion d’établissement stable dans un contexte d’économie numérique dématérialisée
Conclusions générales

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