De la Compagnie des indes à la naissance d’un arsenal de la Marine
Pour accueillir les marchands et les marchandises arrivant de l’Orient, une terre comprise entre une vasière, le Scorff et le ruisseau du Faouédic au sud, est remise à la Compagnie des Indes orientales par ordonnance en juin 1666. Situé dans une presqu’île isolée sur une lande déserte, l’établissement dispose alors d’un peu plus de sept hectares répartis entre des baraquements, pour les hangars et les ateliers, des magasins, une chapelle et un enclos pour le logement des ouvriers et les boutiques des artisans et des commerçants113. En 1669, de nouvelles acquisitions font passer le chantier à plus de quinze hectares.
Peu à peu, on y dresse des magasins, des ateliers (forges, tonnellerie) et des édifices publics. En 1677, Grenier de Gauville y fait construire une corderie. En même temps, une boulangerie et une chapelle sont bâties114. Pour séparer les installations du chantier des habitations de sa population, un système de murs et de palissades est monté, lequel relie et entoure les bâtiments115 : « Pierre Périot, dit la Poussière, maître-maçon de la rue Haute Saint-François au Port-Louis, construisit la muraille qui devait jusqu’en 1698 contenir tout Lorient et séparer plus tard l’agglomération en deux groupes : « le dedans et le dehors de l’enclos »116 ».
Un intérêt militaire croissant
Pourtant, le désir de la compagnie de coloniser Madagascar est un échec. La compagnie dépérit. Ne construisant aucun nouveau navire depuis 1667, elle se contente d’en armer quelques-uns pendant quinze ans117. Mais très vite, le site connaît un intérêt militaire croissant. La Marine lui impose une coexistence qui évolue au gré des fluctuations des politiques navales, de la guerre et de la paix. La Royale y construit des navires dans les cales de construction.
Ainsi, restant la propriété de la compagnie, pendant la guerre de Hollande, elle devient une annexe au port de Brest. De 1688 à 1697, durant la guerre de la Ligue d’Augsbourg, elle travaille pour la Marine. En 1689, deux bateaux du roi, le Gaillard et l’Écureuil, y sont armés pour participer à la flotte de guerre.
25La compagnie perd alors son rôle de port et devient un auxiliaire de la Marine de guerre. À l’époque, on la baptise le Garçon. Le Garçon construit pour le Roi, arme, répare, et carène les bâtiments119. En 1699, le chantier s’enrichit à nouveau d’une première coulisse de radoub, en 1701 du parc à bois, en 1702 d’une voilerie couverte et en 1704 d’une estacade pour les bois de construction.
L’armement malouin au secours de la Marine
En 1702, les débuts de la guerre de Succession d’Espagne font renoncer la compagnie au commerce, elle est incapable de surmonter de nouveaux désastres. La Marine Royale ne lui fournit du travail qu’avec beaucoup de réticence. Faute de moyens et du fait de l’accumulation de dettes, en déclin, elle se contraint à vendre ses meilleurs vaisseaux au Roi et à lui louer, pour 5 000 livres, ses installations. Cependant, l’épuisement du trésor royal cautionne les chances de survie du site121.
À son tour, après quelques constructions, la détresse financière de la fin du règne qui pèse lourdement sur le port contraint le Roi à vendre et à louer des navires122 . C’est néanmoins insuffisant, et en 1706, l’armement malouin prend le relais123 – la Marine ne construit plus après 1709, sans les Malouins124. Cet armement équipe quelques vaisseaux, en désarme quelques autres, et en 1713, il rachète même une partie des privilèges pour sept années125.
Pendant ce temps dans l’enclos, aux côtés des ouvriers, aubergistes, et commerçants, vit un bon nombre d’indésirables et de pillards. Ne pouvant en venir à bout, en 1700, la compagnie expulse tous ceux qui n’avaient aucun titre de propriété, lesquels s’installent à proximité de l’enclos. Dès lors, la bourgade s’agrandit rapidement pour compter, vers 1707, environ 6 000 âmes126. En 1709, cette terre se détache de Ploemeur dont elle dépendait127.
Le quartier, dit Orient, est érigé en paroisse par lettres patentes du Roi128. Le tissu urbain de la région se transforme. Des cabaretiers et des artisans s’y installent, trouvant sur place une clientèle, les travailleurs et les pauvres gens venant des villages alentour y construisent des cabanes.