LE 2 MAI 2013
Les éditions Albert Bonnier annoncent qu’ils vont créer, avec le couple Kepler, une nouvelle agence destinée à leurs meilleurs auteurs, ceux qui vendent le plus. Je trouve l’idée curieuse et décide de changer d’agent. Je téléphone donc à ma vieille amie, Susanne Widén de Hedlund Agency. Nous convenons d’un déjeuner avec ses collègues.
LE 22 MAI 2013
Je suis dans le restaurant Pastis à Gamla Stan avec Susanne Widén, Magdalena Hedlund et Johanna Kinch. On décide de lancer une collaboration. A partir de maintenant, c’est Hedlund Agency qui va vendre mes livres à des maisons d’éditions étrangères. Le moment a un petit côté solennel, on commande du vin. Dans l’exubérance générale, je sors toute une théorie douteuse sur le fait que je ne peux pas donner toute ma mesure d’écrivain si le sujet est trop proche de moi. Je dis que j’ai beaucoup écrit sur des hommes névrosés comme moi-‐même. Mais si vastes que soient mes connaissances sur le sujet, ça ne marche pas. Je suis plus à l’aise quand je me retrouve projeté dans quelque chose de complètement inconnu – comme lorsque Abbe Bonnier a eu l’idée de me coller avec mon contraire absolu, Zlatan Ibrahimovic, ou lorsque j’ai tenté de dépeindre le génie fuyant d’Alan Turing. Magdalena Hedlund demande si je suis également ouvert à des idées dans la fiction. Je réponds : « Absolument ». Mais je n’y songe pas davantage.
LE 12 JUIN 2013
Il y a une fête aux éditions Weyler et Hedlund Agency qui partagent les mêmes locaux. Je suis sur le point de rentrer chez moi lorsque Magdalena et Johanna Kinch m’appellent et me demandent de venir dans le bureau. Elles ferment la porte et je comprends qu’elles vont me sortir une idée de livre. Je ne suis pas particulièrement excité pour autant. Depuis le livre sur Zlatan je reçois sans arrêt des propositions, mais je m’enflamme rarement. Je suis sans doute trop gâté. Maintenant, Magdalena demande si je serai tenté d’écrire la suite de Millénium de Stieg Larsson. Je marmonne, en guise de plaisanterie, que je pourrais devenir le nègre de Lisbeth Salander, comme pour Zlatan. Elle est peut-‐ être assise quelque part après un drame épouvantable et veut de l’aide pour écrire son histoire. Mais non ! Lisbeth n’est pas du genre à avoir besoin d’aide pour ce genre de bêtises. Je dis que je vais songer à une suite. Mais je trouve le moyen de plus ou moins oublier. Je ne peux pas dire que j’y crois beaucoup.
JUILLET 2013
Je suis sur Härlingö avec la famille, notre île de vacances dans l’archipel finlandais, et pour une fois je ne travaille pas. J’ai réussi à chasser les vieux démons de mon père selon lesquels un intello qui se respecte doit toujours écrire. Au lieu de quoi, je vadrouille avec les enfants, je sors avec la barque. Au beau milieu de la paresse estivale, je reçois une petite analyse de mon roman sur Alan Turing, La Chute de Wilmslow, de la part de Magdalena Hedlund. Je ne comprends pas vraiment pourquoi elle s’y intéresse tout d’un coup. Mais ses louanges me font plaisir.
LE 7 AOUT 2013
Le directeur éditorial de Norstedts et l’éditrice de Stieg Larsson, Eva Gedin, veulent me rencontrer aux éditions en toute confidentialité. On me fait entrer en douce par une porte de service et on se retrouve dans une pièce au sous-‐sol pour parler du projet. Pour la première fois je le sens : c’est pour de vrai. En longeant Riddefjärden pour rentrer chez moi, je sens une fièvre monter en moi.
LE 8 AOUT 2013
Le lendemain, je me réveille à quatre heures du matin en me souvenant d’un reportage que j’ai écrit des années plus tôt sur un enfant autiste sourd qui, un beau jour, dessine une reproduction parfaite d’un feu tricolore. Ensuite une autre pensée me vient, puis une autre. En l’espace de quelques minutes, j’ai une intrigue, ou du moins le début d’une intrigue. Tout excité, je téléphone à Magdalena Hedlund.
LE 17 AOUT 2013
Je rencontre Magdalena et Eva Gedin dans un petit café au bord de l’eau sur Blasieholmen. Il y a un vent épouvantable et je parle fort pour couvrir le bruit du vent. Eva hoche la tête d’un air aimable. Mais elle n’est peut-‐ être pas aussi impressionnée par mon intrigue que je l’avais espéré. En même temps, il n’y a pas de raison. On est encore loin de la bonne histoire complexe à la Stieg Larsson. Pourtant, il m’arrive quelque chose d’assez curieux. Je me penche et dis d’une voix solennelle :
« Je suis né pour ça. Personne ne pourrait le faire mieux ». Même si le commentaire est à la fois présomptueux et pathétique, je crois qu’Eva apprécie mon enthousiasme. On convient que je vais écrire un synopsis.