Cydalima perspectalis, la pyrale du buis
Cydalima perspectalis (Walker, 1859) est un lépidoptère de la famille des Crambidae et de la sous-famille des Spilomelinae. Avant d’en arriver à cette taxonomie, la pyrale du buis s’est vu attribuer différents noms de genre depuis son arrivée en Europe : Palpita Hübner, 1808, Glyphodes Guenée, 1854 et Neoglyphodes Streltzov, 2008. Finalement, en 2010, Mally et Nuss ont clarifié la situation suite à des études morphologique et la pyrale du buis fut classée dans le genre Cydalima.
La biologie de Cydalima perspectalis
Ce papillon nocturne est facilement reconnaissable à l’âge adulte. Il présente des ailes blanches ou brunes avec des irisations dorées et violacées. Son envergure moyenne est de 36 mm et de 44 mm pour son maximum. Les deux sexes se ressemblent, le mâle ayant seulement à l’extrémité de son abdomen une coloration brune plus étendue. Il possède également des touffes de longues écailles odoriférantes dévaginables. L’imago de C. perspectalis ne peut être confondu avec d’autres espèces locales en raison de sa taille et de ses motifs caractéristiques blanc et brun. L’espèce présente trois formes distinctes (figure 1) : une forme classique blanche avec les extrémités des ailes et du corps brun ; une variante de la première forme avec en plus une bande brune sur le bord inférieur des ailes antérieures ; enfin, il existe une forme entièrement brune hormis une tache ovale blanche sur les ailes antérieures (Brua, 2014). C’est sous la forme imago que la pyrale du buis effectue sa propagation naturelle. des écailles de poisson. A travers leur surface jaune et translucide, on peut observer un point noir, qui est la capsule céphalique de la chenille, juste avant l’éclosion. Les larves possèdent 5 à 7 stades. Au dernier stade, la chenille peut faire jusqu’à 35-40 mm de long. Son corps est à dominance vert clair, strié longitudinalement de vert foncé, de jaune clair et de blanc (voir photo de couverture). Elle possède également des verrues noires et des longs poils blancs isolés. Au niveau de la partie thoracique, la chenille possède 3 paires de pattes jaunes et 5 paires de fausses pattes abdominales. Sa tête noire et luisante se démarque du reste du corps. A l’automne, les jeunes chenilles de dernière génération vont tisser un petit cocon entre deux feuilles de buis pour y faire leur diapause. Le développement s’arrête jusqu’aux premières chaleurs du printemps où elles reprennent leur activité et terminent leur développement. Au stade nymphal, les chenilles à maturité tissent un cocon de soie. La chrysalide atteint 21 mm de long et est observable sur les feuilles de buis. Comme la chenille, elle est de couleur vert clair et jaune clair avec quatre lignes brun foncé séparé par des lignes claires au niveau dorsale. Sur l’arête dorsale s’y retrouve une bande brun orangé. La cuticule est translucide tout comme l’exuvie. Si elle est dérangée, elle agite vigoureusement son extrémité abdominale. La pyrale du buis est un insecte polyvoltin et peut avoir 2 à 4 générations par an (site Ephytia). En France, elle effectue en général trois cycles de développement accompagné de 3 pics de dégâts : au début du printemps (mars – avril), en été (mi-juin – juillet) et au début de l’automne (septembre – novembre) (Brua, 2013) (figure 2). Après l’éclosion, le développement larvaire est rapide et peut durer entre 17 et 87 jours selon la température (15-30°C) et la source de nourritures (fiche technique Cabi). Les larves entrent en diapause l’hiver, celle-ci étant induite par les jours qui se raccourcissent (Wan, 2014).
Les hôtes, les origines potentielles et les aires de propagation connues de
Cydalima perspectalis. L’origine de la pyrale du buis est asiatique, l’espèce étant présente naturellement en Chine, en Corée et au Japon. En 2016, Bras et al. ont montré que les haplotypes mitochondriaux retrouvés en France sont en faveur d’une origine chinoise, malgré une faible structuration génétique de la pyrale en Asie (et l’absence d’échantillons japonais). L’utilisation de marqueurs microsatellites et le recours à la méthode DIY ABC ont montré qu’il est vraisemblable qu’elle provienne de provinces côtières de Chine orientale (autour de Shangaï) qui font partie des principales régions chinoises productrices de buis. Elles ont également montré qu’il a eu au moins trois événements indépendants d’introduction à partir de cette seule région source. Dans son aire d’origine, la pyrale du buis fait son développement sur une quinzaine d’espèces appartenant au genre Buxus dont Buxus microphylla, très présent en Chine et utilisée en Asie comme plante ornementale dans les jardins et les parcs ; mais elle a également été signalée sur 3 autres espèces de ligneux : le houx à feuilles pourpres (Ilex purpurea), le fusain du Japon (Euonymus japonicus) et le fusain ailé (Euonymus alatus) (Casteels et al, 2011). Les larves peuvent défolier complétement un buis et en raison de leur activité pendant toute la saison de croissance, et en cas d’attaques répétées, les plantes n’ont pas le temps de se rétablir et peuvent en mourir (Van der Straten et Muus, 2010). C’est en mai 2007, dans une agglomération allemande proche de la Suisse et de la France : Weil-am-Rhein, que C. perspectalis a été signalée pour la première fois (Krüger, 2008). La pyrale fut sujette à une expansion fulgurante en Europe, elle est désormais présente dans une quinzaine de pays (Bella, 2013) : Suisse, Pays-Bas (2007), Slovénie, Autriche, France, Grande-Bretagne (2008), Belgique, Liechtenstein, Italie (2010), Turquie, Hongrie, République Tchèque, Roumanie (2011), Croatie (2012), Slovaquie, Danemark et Russie (2013) (figure 3). En France, elle a été aperçue en premier à Saint-Louis en août 2008, proche de Weil am Rhein, puis rapidement à Strasbourg en octobre 2008 (Feldtrauer et al., 2009). En Europe, la pyrale du buis n’a pas été observée ailleurs que sur les buis ; de plus, le buis commun B. sempervirens est très utilisé en ornement (Brua, 2014). En France, C. perspectalis a mis moins de sept ans pour s’implanter avec certitude dans 17 régions et 52 départements (figure 4), démontrant la grande dynamique d’expansion du papillon.
Comprendre l’invasion biologique pour comprendre l’expansion de Cydalima perspectalis.
Quelques rappels de base sur les invasions biologiques
L’invasion biologique est un phénomène qui se décompose en trois phases : l’introduction, l’établissement et l’expansion. Chaque phase agit comme un filtre, car dépend de la capacité des individus à franchir chacune des barrières rencontrées. Ainsi, ce processus peut échouer et l’introduction d’espèce exotique devenant envahissante est minoritaire en cas d’absence ou de rareté en plantes-hôtes, de conditions climatiques défavorables, voire de présence de prédateurs, de pathogènes ou de compétiteurs dans la nouvelle aire de répartition. En absence de ces facteurs de régulation, l’espèce exotique se trouve favorisée par rapport aux autres espèces locales et peut connaître une expansion démographique et spatiale (annexe 3). L’invasion biologique présente plusieurs scénarios, décrit par Facon et al. en 2006 (figure 5). Ils décrivent comment le succès des invasions biologiques peut être affecté par différents facteurs tels que la migration de l’organisme envahissant, les paramètres environnementaux de la zone envahie et l’évolution interne de l’organisme envahissant. Il existe trois scénarios d’invasions théoriques possibles : le changement de migration, le changement de l’environnement et le changement évolutif. Ces théories ont été basées sur des extrêmes, et des cas intermédiaires peuvent très bien se produire.
Le rôle de la génétique dans l’invasion d’un nouveau milieu
Le succès ou l’échec d’une invasion biologique est aussi influencé par des facteurs génétiques. En général, on considère que plus il y a de diversité génétique, plus l’espèce a de chances de s’adapter à son nouveau milieu, mais l’espèce, ou les individus introduits, peuvent aussi être, par chance, préadaptés à leur nouveau milieu et prédisposés à être envahissants. Cependant, il existe des paradoxes génétiques en biologie de l’invasion (Allendorf et Lundquist, 2003). Une population introduite est généralement caractérisée par une faible abondance et présente une diminution de diversité génétique causé par un goulot d’étranglement. Ce petit effectif peut donc provoquer une dérive génétique de la population introduite, mais également engendrer de la consanguinité. En parallèle, ces populations introduites vont souvent devoir côtoyer les espèces autochtones du nouveau milieu qui sont déjà adaptées aux conditions locales. Cependant, l’absence de co-évolution avec les espèces introduites peut être un avantage majeur. Dans leurs nouvelles aires de répartition, une espèce exotique ne rencontrera pas forcément ses régulateurs naturels, favorisant leur expansion démographique (Colautti et al., 2004). Pour faire face à ces paradoxes, les populations introduites doivent avoir un effectif minimal assurant leur viabilité (Allendorf et Lundquist, 2003), ce qui peut se produire en cas d’introduction massive (rarement le cas) ou d’introductions multiples apportant du matériel génétique et contrebalançant l’effet de la dérive génétique (Sakai et al., 2001). Lorsque ces premières introductions sont réussies, ces populations installées peuvent aussi servir de source pour l’infestation de nouvelles régions, tel que Lombaert et al, 2010 le décrit pour Harmonia axyridis, la coccinelle asiatique.