CRITIQUE DU MODELE SUR UN PETIT BASSIN EXPERIMENTAL DE LA CHARENTE
Les travaux antérieurs de mise au point du modèle ont montré la nécessité de détailler les données liées aux pratiques agricoles et d’approfondir l’étude de certains phénomènes biochimiques (en particulier, la dénitrification dans la rivière ainsi que la production et le transfert des nitrates). Le modèle de base a été développé et validé sur le bassin de Mélarchez, sous-bassin du Bassin Versant Représentatif Expérimental (BVRE) de l’Orgeval (Seine-et-Marne), où il a bien reproduit le débit et la concentration en nitrates à l’exutoire. Cependant, malgré la bonne simulation des débits sur les différents sous-bassins de la Charente et sur certaines stations intermédiaires, les valeurs calculées pour les nitrates étaient encore trop éloignées des valeur observées. Plusieurs facteurs ont été mis en cause. On peut citer, entre autres, les différences géophysiques et climatiques entre les bassins étudiés, le manque de données concernant les pratiques culturales et la faible fréquence des mesures de qualité des eaux. Dans ce chapitre, on présente les démarches effectuées pour critiquer le modèle de qualité des eaux en l’utilisant sur un nouveau sous-bassin versant expérimental de la Charente, le bassin du Ruiné, dont le suivi a été mis en oeuvre à partir du 1er octobre 1990. Sur ce bassin, on dispose de données plus détaillées et notamment de mesures de qualité beaucoup plus fréquentes que sur les autres sous-bassins de la Charente.
Présentation du bassin versant expérimental du Ruiné
Le Ruiné est un petit affluent du Né, long d’environ 6,5 km. Le bassin versant concerne 3 communes (Aubeville, Blanzac et Péreuü). La surface totale du bassin est de 5,5 kms (projection plane) avec une surface agricole utile (SAU) d’environ 5,7 km2. La pente moyenne est de 1,9%; cependant, le relief est plus accentué sur le versant Nord où la pente peut dépasser 12% (du ruisseau à la ligne de crête) et au Sud où les pentes approchent parfois 15% sur environ 200 mètres du cours du ruisseau (direction NO-SE à NNE-SSO). Le bassin du Ruiné fait partie du réseau des « BVRE » (Bassin Versant de Recherche Expérimental), avec pour thématique principale l’étude des pollutions d’origine agricole. La structure géologique du secteur est, pour l’essentiel, du Campanien 1 à 3, biozones 1 à 5 (environ 320 ha). On observe également des alluvions et colluvions bordant le ht du Ruiné (60 ha) et des argiles à débris silicifiés (figure 4.1). Sur le Campanien et sur les colluvions et alluvions, le soi est une rendzine typique, plus humifère en fond de vallée que sur les coteaux. Sur les pentes du Campanien 2, le sol est quasiment absent, ce qui donne un faciès de « landes ». Sur les bordures hautes du tiers Est du bassin, on observe des argües brun-verdâtres qui ont donné naissance à des sols bruns riches en rognons siliceux (terres de bois). Ces terres ont été récemment dénichées et mises en culture de vignes, céréales et oléagineux.
Au plan hydrogéologique, le Campanien comporte de niveaux peu perméable (marnes) mais poreux (porosité totale entre 15 et 25%). Il constitue donc un réservoir très important. L’alternance de niveaux plus ou moins perméables explique l’existence de sources de faible débit au flanc des vallées. La réserve en eau du sol ne peut être très forte compte tenu de sa faible épaisseur, mais elle est complétée par l’apport de la roche mère qui joue le rôle de réservoir dont l’influence est considérable. Le bilan hydrogéologique du bassin du Né (débits variant de 0,11 à 2,7m3/s) montre qu’il existe une infiltration profonde assez conséquente (6,5% des précipitations, représentant une lame d’eau de 50 mm) qui témoignerait d’un phénomène de drainage vers des formations aquifères plus profondes. Une première étude géologique effectuée par le BRGM (1988) montre qu’il existe une couche imperméable à moins de 6 m du niveau du sol. Ainsi, le réservoir profond (G) ne contribue pas au débit total à l’exutoire. D’autre part, on observe que la variation de la pluie n’entraîne pas forcément de variations immédiates sur le débit. Une étude plus récente (BGRM; septembre 1994) montre que le fonctionnement hydrologique du bassin présente un comportement bien différencié géographiquement, en relation avec les variations lithologiques des formations géologiques. Dans la partie amont, la nature du sous-sol ne permet pas le transfert des eaux infiltrées vers un aquifère profond. Le lit du ruisseau constitue le niveau de base des eaux souterraines. Par contre, dans la partie aval, la perméabilité du sous-sol permet l’infiltration des eaux en profondeur, le lit du ruisseau ne constituant plus le niveau de base des eaux souterraines.