Critères lésionnels
L’examen clinique des animaux, l’autopsie ou l’analyse histo-pathologique peut révéler des lésions susceptibles d’engendrer des douleurs. Fractures, lésions cutanées, abcès, inflammations, névromes* sont susceptibles de provoquer des douleurs chez les mammifères et les oiseaux, ou d’être nociceptifs chez les poissons. L’analyse histo-pathologique a été utilisée notamment pour déterminer si la coupe de la queue induit le développement de névromes* connus pour être à l’origine de phénomènes hyperalgiques voir allodyniques ou de douleurs fantômes (cf. Chapitre 2) chez des personnes amputées. Chez le porc, de telles structures ont été décrites à partir de coupes histologiques de moignons de queue (Done et al., 2003; Simonsen et al., 1991). Cette approche a également été utilisée chez le porc pour évaluer les effets à long terme de l’épointage des dents. L’analyse histologique de sections longitudinales des dents à différents âges montre effectivement de nombreuses anomalies lorsque les dents sont épointées le lendemain de la naissance : effraction de la cavité pulpaire, fracture de la Une approche beaucoup plus classique consiste à relever les blessures, les meurtrissures, les abcès et, dans des cas extrêmes, les fractures. Parmi les critères utilisés le plus fréquemment figurent le nombre et la gravité des lésions cutanées ou des onglons dans toutes les espèces et les blessures à la queue, spécifiquement chez le porc. Cette approche a été utilisée par exemple chez le porc pour évaluer l’effet de l’épointage des dents des porcelets sur l’état des tétines des truies ou sur les porcelets eux-mêmes (Brown et al., 1996; Gallois et al., 2005).
Elle peut également être très utile lors de regroupements d’animaux non familiers qui entraînent très souvent des lésions cutanées (Erhard et al., 1997; Francis et al., 1996) suite aux combats entre animaux (Gillman et al., 2009; Mouttotou et al., 1999a; Mouttotou et al., 1999b). Il existe de très nombreux autres exemples dans la littérature et nous n’en citerons que quelques uns : lésions à la queue ou aux oreilles des porcs (Guise & Penny, 1998; Penny & Hill, 1974; Penny & Mullen, 1976; Valros et al., 2004; Widowski et al., 2003), lésions aux pieds des porcs ou des vaches (Capion et al., 2009; Logue et al., 1994). A partir du dénombrement de ces lésions et/ou de l’importance de leur gravité, il est possible d’établir des scores comme cela a été fait dans le programme Welfare Des mesures de l’état des plumes et des plaies entraînés par le picage chez les poules pondeuses permettent d’avoir une mesure indirecte de la gravité du phénomène. De même, les scores utilisés pour mesurer les pododermatites* chez le poulet permettent d’évaluer s’il ne s’agit que d’une simple inflammation ou d’un ulcère surinfecté (Allain et al., 2009). Les scores élevés sont associés à des réactions de retrait au toucher qui suggèrent des phénomènes douloureux.
Peu d’études anatomo-pathologiques sont disponibles pour nous éclairer sur l’aspect douloureux des lésions tissulaires. Ceci a été fait lors de l’étude de l’épointage du bec, pratique qui consiste à couper ou brûler la pointe de la partie supérieure du bec et qui vise à réduire les blessures induites par les coups de bec des animaux entre eux. L’examen du bec de poulets ayant subi une section tardive révèle la formation de névromes douloureux (Breward & Gentle, 1985), néanmoins ces anomalies ne sont pas retrouvées dans une étude ultérieure chez le dindon (Gentle & Corr, 1995), or en l’absence de névromes il n’a pas été mis en évidence de douleur chronique (Grigor et al., 1995). Lors d’injection de Mycoplasmes* dans l’articulation tarsienne, le poulet développe une synovite* aiguë accompagnée d’une sensibilisation des fibres nerveuses (Gentle et al., 2003). Après 49 jours, cette synovite persiste mais elle n’est plus accompagnée de signes comportementaux évocateurs de douleur (suppression d’appui, etc.), ni d’activité des fibres nociceptives, ce qui ne permet pas de conclure sur le caractère douloureux de la lésion à ce stade. Cet exemple montre la difficulté de conclure à un phénomène nociceptif sur la base d’un simple examen lésionnel. L’existence de lésions tissulaires est décrite chez les poissons en élevage (Abbott & Dill, 1985; Turnbull et al., 1998). Les lésions les plus souvent décrites sont des érosions de nageoires ou de la peau ou des lésions au niveau des yeux. Les causes de ces lésions peuvent être très variées (infections bactériennes ou virales, lumière UV, carence alimentaire, attaque de prédateurs,…). Ces lésions ont des conséquences importantes sur le bien-être et la bonne santé des animaux atteints (Turnbull et al., 1998) mais, pour autant, aucune étude n’a été réalisée pour savoir dans quelle mesure de telles lésions pourraient avoir un caractère nociceptif.