Critère énergétique de fissuration
Dans ce chapitre, nous souhaitons exposer notre choix d’un critère de rupture qui nous per- mettra de faire évoluer la microstructure du béton lors de l’attaque chimique. Nous avons présenté dans les deux chapitres précédents les bases poromécaniques de la description du milieu hétéro- gène, il s’agit maintenant de pouvoir déterminer les configurations les plus favorables du matériau sous chargement. Nous allons pour cela présenter une bibliographie succincte sur les critères de rupture fragile, et expliquer notre choix du critère de Francfort-Marigo. Nous donnerons ensuite une illustration de la propagation de fissure grâce à ce critère dans un cas simple, mais tiré de l’étude de l’alcali-réaction.Le critère de Francfort et Marigo appartient à la famille des critères de rupture fragile. Nous allons présenter dans cette partie quelques généralités sur les critères de rupture fragile, puis nous expliquerons les fondements du plus classique, le critère de Griffith, avant de détailler le critère de Francfort-Marigo que nous utilisons dans cette étude, et une extension possible de ce critère énergétique avec le critère mixte de Leguillon.Dans ce type de critère on considère que la zone dans laquelle des comportements anélastiques sont observés outre la fissure que l’on étudie, qu’on appelle zone d’élaboration, est de faible extension. Dans tous les matériaux, lors de la propagation d’une fissure, on voit en amont de la fissure des effets tels que plasticité ou micro-fissuration dans une zone dont la taille dépend du type de matériau. Si cette zone est d’extension assez grande par rapport à la taille des échantillons étudiés, cela entraîne d’importants effets d’échelle. Ici, en supposant que la zone d’élaboration est petite on néglige donc ces effets d’échelle. Ainsi pour calculer l’énergie dissipée lors de l’avancée de la fissure on a seulement besoin de connaître l’énergie dissipée par unité de surface de fissure créée. Dans la théorie de Griffith, l’énergie nécessaire à la fissuration est fournie par la relaxation d’énergie dans l’ensemble du solide. Il est donc nécessaire de calculer l’énergie élastique stockée dans le milieu pour différentes configurations fissurées. L’hypothèse que la zone d’élaboration est de faible extension permet d’approximer l’énergie élastique par un calcul purement élastique, en ne prenant en compte aucun phénomène anélastique en dehors de l’apparition d’une nouvelle surface de discontinuité des déplacements.
La possibilité d’appliquer un tel critère de rupture à un matériau dépend de l’échelle de fissuration que l’on considère. Nous nous intéressons au béton, matériau dans lequel on trouve des hétérogénéités à des échelles très diverses, allant du cm pour les gros granulats à de très petites tailles de pores. Les fissures macroscopiques sont précédées dans le béton d’une grande zone d’élaboration dans laquelle des fissures plus petites apparaissent autour des granulats qui servent de site d’initiation de ces petites fissures. On ne peut alors parler de matériau fragile puisque la seule connaissance de la surface de la grande fissure que l’on voit ne peut pas représenter tous les phénomènes de dissipation qui se produisent en amont de son avancée. Nous nous plaçons cependant, dans ce travail, à une échelle beaucoup plus fine, où les fissures ont une taille du même ordre de grandeur que les hétérogénéités qui leur servent de site d’initiation. On suppose donc que dans notre cas il est possible d’utiliser un modèle de rupture fragile.Le critère de Griffith [18] est fondé sur l’idée que comme beaucoup de matériaux contiennent des défauts, pour prédire la rupture d’un matériau il faut avant tout faire l’inventaire de ses défauts et voir si certains d’entre eux sont susceptibles de grandir. On ne s’intéresse donc pas ici à l’apparition d’une fissure à un endroit où il n’y en avait aucune, mais à la croissance de fissures préexistantes. Une fois cet inventaire fait, le critère de rupture de Griffith met en équilibre, lors de l’avancée d’une fissure, l’énergie relâchée par l’assouplissement de la structure dû à l’allongement de la fissure, et l’énergie dissipée par l’avancée de celle-ci, dans un petit incrément de taille de fissure. On définit pour ce faire le taux de relaxation d’énergie dans l’avancée de la fissure. Pour cela il est nécessaire de paramétrer notre fissure. Supposons qu’on n’ait qu’une seule fissure de taille x(t) au temps t, et que le tracé de la fissure soit fixé à l’avance. Ce paramètre x caractérise donc à lui seul notre fissure.